Expatriation / détachement : droits de salarié, par Alina Paragyios, Avocat

Expatriation / détachement : droits de salarié, par Alina Paragyios, Avocat

4132 lectures 1re Parution: Modifié: 5  /5

Explorer : # détachement # expatriation # contrat de travail # rapatriement

-

I- La distinction entre le détachement et l’expatriation :

L’article 2 de la Directive 96/71/CE du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 1996 : " On entend par travailleur détaché, tout travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d’un Etat membre autre que l’Etat sur le territoire duquel il travaille habituellement ".
Un salarié détaché est :
-  Salarié d’une entreprise ayant son siège social en France
-  Salarié dont le contrat de travail avec l’employeur d’origine continu à s’appliquer
-  Envoyé en détachement pour une durée déterminée
-  Rémunéré par son employeur.
-  Salarié bénéficiant du régime de protection social français : l’employeur doit avoir demandé à bénéficier de la procédure du détachement et accompli les formalités nécessaires auprès de sa caisse d’Assurance Maladie. C’est en accomplissant les démarches et les formalités nécessaires qu’il pourra faire bénéficier le salarié des avantages du détachement.
Modalité de détachement :
-  Un salarié détaché dans un Etat membre de l’espace économique européen ou en Suisse : les modalités de détachement se retrouvent dans les règlements communautaires. La durée est limitée à un an, prolongeable d’un an au maximum.
-  Un salarié détaché dans un État (ou province d’État) ayant signé une convention de sécurité sociale avec la France : Les modalités de détachement résultent des dispositions propres à chaque convention. Les règles en matière de durée ne sont pas uniformes.
-  Un salarié détaché dans un autre Etat : Dans cette situation, ce sont les dispositions prévues par la législation française en matière de détachement qui s’appliquent. La durée est de 3 ans renouvelable une fois.

Un salarié expatrié est :
-  Envoyé en poste fixe à l’étranger, c’est-à-dire pour une longue durée : l’employeur a décidé de ne pas opter pour le détachement. (Salarié dont le contrat de travail initial est suspendu)
-  Ou dont la durée de la mission excède les limitées autorisées dans le cadre du détachement
-  Ou a été embauché directement par la filiale étrangère.
Ce salarié travail pour le compte de la société d’accueil, il n’appartient pas à l’effectif de la société d’origine et sa rémunération est fixée et versée par la société d’accueil. Enfin, il n’est pas affilié au régime de Sécurité Sociale français.

II- Le contrat de travail de droit local – rattachement avec la France ?

Un salarié licencié par une filiale peut contester son licenciement devant la société mère ?
-  Rattachement avec la France grâce au lien de subordination :
Cour de Cass, ch soc. Arrêt du 26 octobre 1999, n°97-43142 : un salarié peut contester son licenciement auprès de la société mère si elle avait conclu un contrat de travail avec lui et avait conservé un lien de subordination.
« Une cour d’appel qui a constaté, d’une part, qu’une société mère a engagé un salarié par un contrat de travail conclu à son siège social avant de l’affecter auprès d’une de ses filiales étrangères et, d’autre part, que cette société mère a continué à exercer un pouvoir de direction et de contrôle à son égard, notamment en décidant et organisant son affectation auprès d’une autre de ses filiales étrangères, en fixant des primes d’objectif et d’intéressement et en établissant ses fiches d’évaluation, a ainsi caractérisé l’existence d’un lien de subordination à l’égard de la société mère et a pu décider que cette dernière était l’employeur du salarié. »

Arrêt du 8 novembre 1994, n° 92-40092 : Le lien de subordination repose sur la détermination de la qualification et de la rémunération, et le congédiement.
« Mais attendu que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à de simples arguments, a constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient "soumis, que la direction générale du groupe SCTT à Paris, avait eu une part déterminante dans le choix des affectations successives du salarié, dans la détermination de sa qualification et de sa rémunération, ainsi que dans son congédiement »

-  Rattachement à la France grâce à la nationalité française :
Arrêt du 23 septembre 1992, n° 88-45269 : un salarié recruté par une société mère pour exercer des fonctions de direction technique pour le compte d’une filiale, mais qui demeure sous les ordres de la société mère, est indivisément le salarié des deux sociétés qui constituent à son égard un seul et même employeur.
Cour de Cass, ch soc Arrêt du 20 octobre 1999, n° 97-41511 : « Vu l’article 15 du Code civil ; Attendu qu’il résulte de ce texte qu’un français pourra être traduit devant un tribunal de France pour les obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger ».
Arrêt du 22 mars 2006, n° 04-42256 : en l’espèce, il n’y avait aucun rattachement à la France, la compétence du juge français repose sur la nationalité.
« alors, selon le moyen, que la jouissance du droit d’accès au juge et à un procès équitable doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur la nationalité ; qu’il résulte des constatations du jugement que l’AS Monaco, défendeur à l’action engagée par M. De X... était établie à Monaco, que l’engagement avait été contracté à Monaco, et que le contrat de travail devait être exécuté à Monaco de sorte qu’aucun des critères de compétence des tribunaux français n’était réuni ; qu’en se fondant sur la seule nationalité du demandeur, conférant à ce dernier un privilège de juridiction pour dire les juridictions françaises compétentes, la cour d’appel a violé les articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
Mais attendu que le droit pour une personne de nationalité française d’attraire un étranger devant une juridiction française, qui a pour contrepartie celui d’un étranger de traduire un Français devant une juridiction française ne porte pas atteinte aux dispositions des articles 6-1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, selon lesquelles toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ».
-  Compétence du Conseil des prud’hommes français grâce à la notion de « co-employeur »
Lorsqu’il y a une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre la société et sa filiale, les juges peuvent retenir la notion de co-employeur afin de reconnaître la compétence du CPH.
Arrêt du 26 juin 1997, n° 94-45173 : « Mais attendu qu’après avoir retenu que M. X... était employé en qualité de cadre international par un groupe de sociétés intégrées (BSO), la cour d’appel a fait ressortir entre les sociétés françaises et étrangères du groupe une confusion d’intérêts, d’activités et de direction ; qu’elle a pu en déduire qu’elles avaient la qualité de co-employeurs de M. X... et que celui-ci était fondé à les attraire en France devant le conseil de prud’hommes du siège social de l’une d’elles »
-  Compétence du Conseil des Prud’hommes grâce au lieu où l’engagement a été donné :
Le CPH français peut être compétent si l’échange des consentements, soit l’acceptation de l’offre d’emploi a été faite en France. Il peut s’agir du lieu de la signature du contrat ou de l’acceptation par téléphone comme en l’espèce.
Arrêt du 11 juillet 2002 , n° 00-44197 : « Mais attendu qu’appréciant la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve soumis à leur examen, les juges du fond ont relevé que l’engagement avait été contracté par téléphone et que c’était au domicile du salarié, à Cherbourg, que celui-ci avait accepté l’offre d’emploi qui lui avait été faite ; qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel a exactement décidé, par application de l’article R. 517-1, alinéa 3, du Code du travail, que le conseil de prud’hommes de Cherbourg, lieu où l’engagement a été contracté, était compétent ».

III- Les conditions de rapatriement :

Tout d’abord, le contrat de travail doit OBLIGATOIREMENT contenir une clause de rapatriement.
Article L1231-5 du Code du travail impose que quand un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein.
Dès lors qu’elle est avertie du licenciement, la société mère a l’obligation de réintégrer le salarié et lui procurer un emploi en rapport avec les fonctions antérieures.
Arrêt du 13 novembre 2008, n° 07-41700 : « Mais attendu que selon l’article L. 122-14-8 devenu L. 1231-5 du code du travail, lorsqu’un salarié, mis par la société au service de laquelle il était engagé à la disposition d’une filiale étrangère à laquelle il est lié par un contrat de travail, est licencié par cette filiale, la société mère doit assurer son rapatriement et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère ; que ce texte ne subordonne pas son application au maintien d’un contrat de travail entre le salarié et la maison-mère »

Si la société mère se trouve dans l’impossibilité de réintégrer le salarié, elle devra procéder à un licenciement économique.

Alina Paragyios, Avocat

Cabinet AP, Visit our Blog : Droit et Profession

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

38 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 550 membres, 28198 articles, 127 292 messages sur les forums, 2 600 annonces d'emploi et stage... et 1 500 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• 1er Guide synthétique des solutions IA pour les avocats.

• [Dossier] Le mécanisme de la concurrence saine au sein des équipes.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs