En matière de responsabilité des contenus diffusés sur Internet, la loi française distingue, outre l’internaute directement responsable, entre l’éditeur et l’hébergeur de contenus.
L’éditeur est ainsi responsable de facto des contenus diffusés sur son site, tandis que l’hébergeur bénéficie de jure d’un régime de responsabilité allégée. Dès lors qu’un contenu illicite lui est signalé, l’hébergeur ne peut voir sa responsabilité engagée que s’il ne retire pas ledit contenu dans un délai raisonnable.
On comprend mieux alors tout l’enjeu de la qualification juridique des prestataires techniques de l’Internet, avec une tendance aujourd’hui bien établie à ce que les juges retiennent une qualification extensive de la notion d’hébergeur.
Il semblait ainsi tout à fait admis que les prestataires dits du web 2.0, qui offrent des services excédant la simple fourniture d’un stockage en ligne en fournissant un cadre de diffusion combiné à une exploitation commerciale, notamment par des encarts publicitaires, puissent néanmoins bénéficier de la qualité d’hébergeur (TGI Paris 3ème ch. 1re sect., 15 avril 2008, Omar et Fred c/ Dailymotion).
Or, dans un arrêt du 14 janvier 2010, la Cour de cassation revient sur cette position jurisprudentielle, en retenant la responsabilité de la société Tiscali Media pour contrefaçon de bandes dessinées, hébergées via les pages personnelles mises à disposition des abonnés.
La Cour régulatrice écarte ainsi la qualification d’hébergeur au seul motif que le « fait de proposer aux annonceurs de mettre en place des espaces publicitaires payants sur les pages personnelles qu’il permet aux internautes de créer sur son site excède les simples fonctions techniques de stockage [sic] ».
En réintroduisant un critère économique, la Haute juridiction relance ainsi le débat sur la qualification des prestataires du web 2.0. Ceux-ci seraient donc susceptibles de recevoir la qualité d’éditeur dès lors qu’ils exploitent commercialement lesdites pages, par l’insertion d’encarts publicitaires et, à ce titre, d’être condamnés pour contrefaçon.
L’avenir nous dira s’il s’agit d’une décision isolée ou d’une véritable inclinaison jurisprudentielle, lourde de conséquences pour les prestataires du web 2.0.
Cass. 1ère civ., 14 janv., 2010, n° 06-18.855
Philippe Rodhain
Conseil en propriété industrielle
Chargé d’enseignement Bordeaux IV
Master II Droit de la Vigne et du Vin
Master II Intelligence Economique
Alexandra Zwang
Doctorante en Droit des Médias