Mécanisme du dispositif :
Afin de rendre attractif les heures supplémentaires, le mécanisme utilise trois leviers classiques, majorations, exonération d’impôt sur le revenu et réductions des cotisations sociales.
Pour que les salariés acceptent d’effectuer des heures supplémentaires, les heures réalisées au-delà de la durée légale du travail sont, comme par le passé, toutes majorées. Une majoration de 25% pour les huit premières heures pour toutes les entreprises y compris celles de moins de 20 salariés (Jusqu’à présent ces entreprises bénéficiaient d’une majoration réduite à 10%) puis 50% au-delà.
Par ailleurs, la rémunération perçue au titre des heures supplémentaires (heures effectuées et majorations) est exonérée d’impôt sur le revenu.
Cette exonération, d’imposition sur le revenu, innovation de ce nouveau dispositif « heures supplémentaires », est de nature a accroître le pouvoir d’achat des salariés effectuant des heures supplémentaires.
Cet assouplissement du temps de travail s’accompagne, pour les entreprises, d’une déduction forfaitaire des cotisations patronales relatives aux heures supplémentaires (Les cotisations salariales sont également réduites ; le taux maximum de la réduction est de 21,50% et son montant ne peut excéder le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues sur l’ensemble de la rémunération du salarié.).
Cette déduction forfaitaire des cotisations patronales, d’1,50€ pour les entreprises de moins de 20 salariés et 0,50€ pour celles de plus de 20 salariés, qui peut se cumuler avec toutes les mesures d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale (comme par exemple la réduction FILLON ou les exonérations pour les entreprises de services à la personne…) est une réponse aux besoins des entreprises, confrontées à un surcroît ponctuel d’activité.
Les avantages de ce dispositif :
Cette réforme des heures supplémentaires accorde aux entreprises plus de souplesse dans la gestion du personnel tout en permettant aux salariés d’obtenir une juste compensation de leurs efforts.
Une plus grande souplesse est accordée aux entreprises dans la gestion du personnel. Jusqu’à présent, les entreprises confrontées à un surcroît ponctuel d’activité avaient le choix entre recourir aux heures supplémentaires ou embaucher des salariés sous contrat d’intérim ou CDD.
Recourir à l’intérim ou CDD ne permet pas toujours aux entreprises de s’adapter en temps réel aux besoins de production. En effet, intégrer des salariés nécessite pour l’employeur de les former aux techniques, fonctionnement, de l’entreprise, ce qui représente une perte de temps, alors que les salariés de l’entreprise sont opérationnels. En outre, recourir aux heures supplémentaires est beaucoup moins coûteux pour l’entreprise.
Certains peuvent ainsi se demander, si le recours massif à ces heures supplémentaires ne va pas détruire l’emploi.
Les 35 heures ont démontré que le temps de travail ne pouvait être analysé comme un gros gâteau que l’on pouvait partager, certains économistes estimant d’ailleurs, que l’impact des 35 heures sur l’emploi est marginal et que « c’est vraisemblablement la réduction des cotisations sociales sur les bas salaires et le gains de productivité par heure travaillée induits par la flexibilité accrue du temps de travail qui ont permis de créer des emploi », comme l’ont précisé dans un rapport remis au conseil d’analyse économique, en juin dernier, MM Artus, Chuc, Zylberberg. Il est important de souligner, en parallèle, que les heures supplémentaires sont largement utilisées et que le contingent annuel pour chaque salarié a été relevé passant de 180 heures en 2002 à 220 en 2005. La réduction du temps de travail a, dans les faits, été contournée par l’augmentation des heures supplémentaires, 37% des salariés à temps complet en ont effectué en 2004 contre 28% en 2002.
Ce nouveau dispositif ne sera vraisemblablement pas destructeur d’emploi, du fait du contingentement des heures supplémentaires.
Par ailleurs les heures supplémentaires sont proposées aux salariés qui, en théorie, peuvent y renoncer, et il est fort probable qu’en cas de recours exagérés aux heures supplémentaires les salariés et syndicats refuseront d’aller au-delà de ce que leur résistance physique peut supporter.
Des surcroîts d’activités plus durables se traduiront donc par le recours à l’emploi de salariés sous contrat d’intérim ou CDD, voir CDI.
Ce dispositif est une façon de permettre aux entreprises françaises de répondre aux demandes du marché tout en étant plus compétitives, que sous l’ancien dispositif des heures supplémentaires (la majoration pour heures supplémentaires n’avait pas de contrepartie pour les employeurs).
Ce nouveau régime des « heures supplémentaires » doit être perçu comme un instrument permettant aux entreprises de s’adapter en temps réel à un surcroît d’activité, ponctuel, sans les contraintes organisationnelles et le coût engendré par les instruments qui étaient jusqu’à présent à leur disposition (Interim, CDD, heures supplémentaires). En offrant ainsi aux entreprises la possibilité de s’adapter à la demande, l’objectif est de leur permettre d’honorer un nombre plus important de commandes et, les acheteurs se tournant traditionnellement vers les fournisseurs pouvant répondre à leurs demandes, créer un effet « boule de neige » pour que des surcroîts ponctuels d’activité se traduisent par une augmentation durable du nombre de commandes avec a la clefs des embauches.
Travailler pour gagner plus : un juste retour pour les salariés.
Les heures supplémentaires n’ont pas été créées par la loi TEPA, elles existent depuis bien longtemps et les pratiques constatées ont permis de relever d’une part que l’emploi salarié n’était pas compromis, et d’autre part que les salariés ne bénéficiaient pas d’un juste retour.
Les heures supplémentaires étaient le plus souvent compensées, par des jours de récupération. Or des jours de congés supplémentaires ne sont pas toujours ce que l’on souhaite lorsque les fins de mois sont difficiles !
En outre, les heures supplémentaires ne pouvant être prises qu’à la seule initiative de l’employeur (ce qui est toujours le cas), certaines entreprises, tout en rappelant régulièrement l’interdiction d’effectuer des heures supplémentaires, laissaient les salariés en effectuer (heures ’supplémentaires’ non autorisées) sans les rémunérer (ou sans jours de récupération), avec le risque d’un contentieux.
La déduction forfaitaire des cotisations patronales incitera plus largement qu’auparavant les employeurs à recourir aux heures supplémentaires, permettant ainsi aux salarié d’être rémunérés pour les heures effectuées et bénéficier des avantages liés.
Limites de ce dispositif :
Redonner du pouvoir d’achat aux salariés est l’objectif affiché par cette loi. Or des limites économiques existent, sans oublier que certains salariés ne seront probablement, dans les faits, pas concernés par ce dispositif.
Force est de constater que le contexte économique est l’une des premières limites du « système des heures supplémentaires ». Pour qu’il y ait heure supplémentaire encore faut-il que les entreprises aient un volume d’activité suffisant et soutenu.
En outre, cet assouplissement du temps de travail ne répond qu’aux besoins ponctuels des entreprises. La déduction forfaitaire des cotisations patronales, relatives aux heures supplémentaires, est une réponse aux besoins ponctuels des entreprises.
Si le lien entre la déduction forfaitaire de cotisations patronale et l’exonération d’impôt sur le revenu des rémunérations perçues dans le cadre des heures supplémentaires d’une part, et la croissance, d’autre part, sont visibles, on peut se demander si des mesures plus structurelles et conditionnées ne permettent pas de stimuler la croissance en augmentant le pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés.
La réforme des heures supplémentaires agit sur des freins semblables à ceux qui aujourd’hui freinent l’embauche et les augmentations. En ne limitant pas la réduction des charges sociales, pesant sur les entreprises, aux heures supplémentaires l’augmentation du pouvoir d’achat pourrait concerner tous les salariés et comporter des effets bénéfiques pour la croissance.
Pourquoi ne pas envisager également une diminution des freins fiscaux pesant sur les sociétés (suppression de l’IFA, élargir le taux réduit d’impôt sur les sociétés…) en les conditionnant a des contreparties accordées aux salariés ?
Dans ce domaine beaucoup de choses restent à construire (Avec les contraintes imposées par les équilibres des comptes sociaux et du budget de l’Etat.), afin de permettre à un plus grand nombre de salariés de bénéficier d’un regain de pouvoir d’achat et contribuer un peu plus à la croissance.
Tous les salariés ne peuvent pas bénéficier du nouveau dispositif « heures supplémentaires ». (Pour exemple, la situation des salariés en présence d’un accord de modulation).
Tous les salariés effectuant des heures supplémentaires ou complémentaires pourront bénéficier des avantages sociaux (Charges sociales limitées à 21,5%) et fiscaux liés aux heures effectuées.
Or faut-il encore s’entendre sur cette notion d’heures supplémentaires. En effet, il ne faut pas confondre heures supplémentaires et heures effectuées au-delà de la durée légale (ou conventionnelle du travail). En fonction des dispositifs sur la durée du travail propres à chaque entreprise ou salariés, des heures effectuées au-delà de la durée légale ne peuvent être considérées comme des heures supplémentaires.
En effet, afin de répondre aux fluctuations prévisibles d’activité, des accords de modulation du temps de travail peuvent être pris. La modulation consiste à faire varier sur une période donnée la durée hebdomadaire du travail d’une semaine à l’autre.
Les heures effectuées au-delà de 35 heures, ne sont pas majorées (Venant compenser les semaines ou le salarié travaille moins de 35 heures). Les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail et comprises dans les limites imposées par l’accord de modulation, ne sont pas des heures supplémentaires et ne peuvent ainsi bénéficier des avantages accordés aux heures supplémentaires.
Seules les heures effectuées au-delà de la 1607ème heures seront considérées comme des heures supplémentaires. Les salariés au forfait jours (218 jours) sont également partiellement exclus de ce dispositif, n’étant pris en considération que les journées travaillées au-delà des 218 fixées au forfait.
Perspectives :
Les heures supplémentaires ne peuvent remplacer des éléments de rémunération préexistants.
Cependant rien n’empêche l’employeur d’utiliser ces heures comme un élément de rémunération se substituant aux primes occasionnelles, utilisant ainsi les heures supplémentaires comme un réel outil de management et de stimulation des salariés.
En effet pour stimuler les salariés, les employeurs ont parfois recours aux primes, qui ne bénéficient pas d’allégement de cotisation, (Primes accordées à titre exceptionnel, sans rapport avec les primes qui, résultant d’une contractualisation, d’un accord collectif, d’un usage répété de l’employeur, ne peuvent être supprimées par la seule volonté de l’employeur sans respecter certaines procédures.).
L’employeur aura ainsi tout intérêt lorsqu’il voudra accorder une prime à un salarié qui a produit un effort particulier, de déclarer des heures effectuées au-delà de la durée légale pour qu’ils puissent tous les deux bénéficier des avantage liées au dispositifs des heures supplémentaires, qui n’existe pas pour les primes.
Pour les primes accordées suite à un usage, l’employeur à toujours la possibilité de les dénoncer puis leur substituer des heures supplémentaires à l’expiration du délai.
Bilan :
Même si cette réforme est limitée aux heures supplémentaires, la volonté est bien affichée de redonner du pouvoir d’achat aux salariés afin de relancer la croissance.
Souhaitons que les entreprises qui accepteront de jouer le jeu constatent un effet ’boule de neige’ pour que ces heures supplémentaires permettent à terme des créations d’emploi.
Il est également souhaitable, qu’un bilan de ces mesures puisse être dressé afin d’en tirer les conséquences et réfléchir à une adaptation de ce système plus large, limitant la pression sur les salaires afin d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés et nourrir ainsi la croissance et l’emploi.
Frédéric BOISSART