Joint-ventures, les entreprises françaises à la conquête de l'Iran. Par Thibaut Lesure, Etudiant.

Joint-ventures, les entreprises françaises à la conquête de l’Iran.

Par Thibaut Lesure, Etudiant.

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Explorer : # joint-venture # investissement étranger # ré-industrialisation # droit iranien

Après les accords relatifs au nucléaire en Iran il y a un an et demi, et la levée des sanctions financières, de nombreuses multinationales cherchent à investir dans le pays. Parmi celles-là de nombreux investisseurs français, particulièrement intéressés, ont recours à la création de joint-ventures avec des partenaires iraniens. On peut notamment citer Renault, PSA et plus récemment Total ]]Golnar Motevalli, Hashem Kalantari et Javier Blas, Total, China Join Iran’s First Gas Deal Since Sanctions Eased, Bloomberg, 8 novembre 2016]]

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Une joint-venture, ou coentreprise en français, se définit comme un accord passé entre deux ou plusieurs entreprises qui acceptent de poursuivre ensemble un but précis pour une durée limitée. Les objectifs poursuivis par une joint-venture sont variés, et peuvent être notamment une recherche conjointe de plusieurs entreprises, une production mutualisé, la promotion de produits distincts ou encore la mise en commun d’activités. La joint-venture pourra prendre la forme d’une société créée pour l’occasion ou d’un contrat énonçant l’objectif poursuivi, ces différentes formes dépendront du système juridique national.

Dans un contexte international, les joint-ventures permettent de s’implanter dans le pays d’accueil et son parfois la seule alternative offerte par la législation locale. C’est notamment le cas des joint-ventures en Chine. Cette obligation de créer une joint-venture nait de l’obligation pour les investisseurs étrangers de s’associer avec un partenaire chinois [1]. Ce type de société est à responsabilité limitée, c’est-à-dire que les investisseurs et le directeur ne sont pas eux-mêmes responsables des dettes de la société. En Chine, les formes juridiques se donc décomposent entre les sociétés chinoises et les entreprises à investissements étrangers (EIE) [2]. Elles permettent aussi un transfert accéléré de technologies tout en évitant que des investisseurs étrangers s’emparent de secteurs entiers de l’économie.

Dans le cas de l’Iran, ces joint-ventures s’inscrivent dans un processus de ré-industrialisation du pays. Longtemps fermé aux investissements étrangers, les joint-ventures constituent un excellent moyen pour le pays de se réindustrialiser, et pour les sociétés étrangères d’investir en Iran à moindre cout, tout en se conformant avec la législation locale.

1. Les différentes formes de joint-ventures en droit iranien

Le droit iranien ne réglemente pas expressément les joint-ventures, celles-ci étant régies par le droit des contrats classique. En droit iranien, la joint-venture s’entend comme « un groupe économique avec des intérêts en commun avec la participation de deux ou plusieurs personnes ayant pour but de réaliser, faciliter ou développer des activités économiques et commerciales ».

L’article 107 du cinquième plan de développement permet généralement la création de groupes économiques d’intérêt commun, avec la participation de deux ou plusieurs personnes physiques ou morales, dans le but de faciliter et de développer les activités économiques et commerciales [3].

Ces groupes doivent :
• être créés pour une période de temps limitée,
• se fonder sur un accord écrit,
• être inscrit auprès du registraire des entreprises sous la forme d’un partenariat civil,
• respecter les dispositions légales en la matière, y compris les règles islamiques et le principe de l’interdiction des monopoles.

En droit iranien, une joint-venture peut prendre plusieurs formes, soit un contrat, librement négocié par les parties, soit une société, soumise au code de commerce Iranien. Dans le cas d’un contrat, la relation sera interprétée comme une association volontaire en vertu de l’article 573 du Code civil iranien. Les parties à une JV contractuelle peuvent réglementer en détail tous les aspects de la JV dans leur contrat.

a) Les JV sous forme de contrats

Concernant la JV sous forme de contrat, la relation entre les parties sera interprétée comme une association volontaire en vertu de l’article 573 du Code civil iranien. Les parties à une JV contractuelle peuvent réglementer en détail tous les aspects de l’entreprise commune dans leur contrat.

Puisqu’un simple contrat est utilisé, cette forme de coentreprise est plus simple à mettre en place, moins de formalités administratives. S’agissant d’abord de la nécessité d’avoir recours à des officiers publics, notamment un notaire, durant la procédure, il n’y a en principe aucune obligation légale d’y avoir recours pour les JV contractuelles. L’article 107 du cinquième plan de développement exige que l’accord soit établi par écrit, mais ne nécessite pas le recours à un notaire.

L’article 107 du cinquième plan de développement dispose qu’il n’y a aucune obligation d’enregistrer sa JV sous forme contractuelle auprès du registre des sociétés. Les parties peuvent choisir de prendre acte de leur JV contractuelle et de ne pas l’enregistrer.

A l’inverse, une JV sous la forme sociétale nécessitera d’avantage de formalités juridiques.

b) Les JV sous forme de sociétés

Une JV sous forme de société devra impérativement être enregistrée auprès du registre des sociétés iranien dans le but d’acquérir la personnalité juridique. La société doit aussi être enregistrée auprès des autorités fiscales.

Les parties peuvent également décider d’utiliser une forme de société existante en vertu du Code de commerce iranien, tel que :
• Société anonyme (JSC).
• Société à responsabilité limitée (LLC).
• « Partenariat à responsabilité limitée » (Limited partnership)
• « Partenariat global » (General partnership »)
Les structures d’entreprise les plus recommandées pour la mise en place de JV en Iran sont la JSC et la LLC.

Le Code de commerce iranien autorise à la fois les contributions en espèces et en nature au capital d’une SARL et d’une SCR. Il n’y a pas de capital minimum initial requis pour l’établissement d’une LLC. La valeur des apports en nature doit être évaluée par des experts et incluse dans les statuts de la société.
En outre, toutes les espèces et les actifs hors trésorerie doivent être entièrement libérées et livrées au moment de la constitution d’une LLC.
Les JSC doivent avoir un capital initial minimum de 1 million de dirhams (JSC privés) ou de 5 millions de dirhams (JSC publics). De plus, pour une société privée, le capital social doit être entièrement souscrit et au moins 35% doit être versé au moment de la constitution. Les actifs non monétaires doivent être intégralement versés avant leur constitution. Si la contribution en capital se présente sous la forme d’actifs non monétaires, la valeur de ces actifs doit être évaluée par un évaluateur officiel du ministère de la Justice ou de l’Organisation de l’investissement et de l’assistance économique et technique de l’Iran dans les cas où la protection des investissements est demandée.

On peut évoquer à titre d’exemple la récente joint-venture créée en Iran par le groupe PSA et Iran Khodro en vue de produire des véhicules de dernière génération en Iran [4]. Cet accord envisage la création d’une coentreprise sur le site industriel de Téhéran afin de produire de nouveaux véhicules Peugeot, sur une plateforme qui servira aussi à Iran Khodro pour développer ses propres véhicules. De tels partenariats sont aussi conclus avec des autorités gouvernementales iraniennes, c’est notamment le cas de Renault. Le constructeur a annoncé en septembre 2016 la signature d’un accord pour la création d’une coentreprise avec l’Organisation de développement industriel et de rénovation de l’Iran (IDRO) [5].

De plus, certaines activités entreprises par la JV, peu importe sa forme contractuelle ou sociétale, requièrent une autorisation expresse. Ce sera notamment le cas pour une JV qui a des activités d’import and/ou de distribution, qui devra alors s’enregistrer auprès du Ministère de l’industrie, des mines et du commerce.

2. Les spécificités du droit iranien en termes de joint-venture

Après avoir étudié les formes classiques de joint-ventures, il convient de s’attarder sur les spécificités du droit iranien des joint-ventures. On évoquera la langue de rédaction de la joint-venture.

Concernant la langue de rédaction de la JV, le persan doit être utilisé, étant la langue officielle de l’Iran. En effet, l’article 15 de la Constitution iranienne prévoit que la langue officielle est le Farsi ou persan moderne, et que les documents officiels doivent être rédigés dans cette langue. Néanmoins, les documents relatifs à la JV signés entre un partenaire iranien et un partenaire étranger, sont rédigés en format bilingue et il peut être prévu qu’une langue prévaudra.

Ensuite, s’agissant de la nécessité d’avoir recours à des autorisations afin de mettre en œuvre une JV, la réponse varie selon qu’il s’agit du secteur privé ou public. Des formalités d’inscription sur des registres locaux peuvent aussi être imposées. Le principe est qu’il n’y a pas besoin d’obtenir une autorisation pour mettre en place une joint-venture s’inscrivant dans le secteur public. Néanmoins, certaines activités peuvent être soumises à l’obtention d’une licence. Une telle licence pourra être délivrée par le ministère de l’industrie.

Un autre type d’autorisation peut être demandé sur le fondement du droit de la concurrence. Le droit de la concurrence étant relativement nouveau en Iran, il n’y a d’ailleurs pas de lois spécifiques dédiées.

S’agissant de la monnaie mentionnée dans les documents fondateurs, il convient d’utiliser la monnaie locale. Le capital social d’une société iranienne doit être indiqué dans la monnaie iranienne. L’équivalent en monnaie étrangère peut être inclus dans les documents de l’entreprise, mais en cas de fluctuation du taux de change, l’indication en monnaie nationale iranienne prévaudra. La dénomination du capital d’une société en devises étrangères est possible dans les zones franches [6].

Depuis la fin de l’embargo, les sociétés internationales investissent massivement en Iran, et les investisseurs français ne sont pas en reste. Total annonçait en novembre dernier avoir débuté signé un protocole d’accord pour un projet de 4,8 milliards de dollars en Iran concernant un gisement de gaz naturel. Les sociétés locales iraniennes comme les autorités gouvernementales signent de nombreuses joint-ventures afin de mettre en place la ré industrialisation du pays, tout en gardant un certain contrôle sur ce processus. Grâce à ces partenariats, les possibilités pour les sociétés sont énormes, que ce soit en termes de nouveaux marchés (PSA, Renault,…) ou de nouvelles ressources en matières premières (Total).

Thibaut Lesure
Etudiant, Stagiaire en private equity

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Notes de l'article:

[1Coispeau, Olivier ; Stéphane, Luo, Mergers & Acquisitions and Partnerships in China, Singapore, World Scientific, 2015, 311 p.

[2Zhuang HAN, responsable du département Asie, CNRS-Juriscope et avec la collaboration de la Mission économique de Pékin, Comment s’implanter en Chine ?, apce.com, juin 2010

[3Joint ventures in the Islamic Republic of Iran : overview, Joint Ventures Law Global Guide, 1er juin 2015, Dr Tannaz Jourabchi-Eisenhut, Amereller Legal Consultants

[4GROUPE PSA finalise l’accord de joint-venture avec Iran Khodro, Capital, 21 juin 2016

[5Renault steps up business in Iran with new joint venture, Communiqué de presse Renault, 30 septembre 2016

[6Joint ventures in the Islamic Republic of Iran : overview, Joint Ventures Law Global Guide, 1er juin 2015, Dr Tannaz Jourabchi-Eisenhut, Amereller Legal Consultants

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Discussion en cours :

  • par TSas , Le 1er février 2017 à 06:00

    L’aspec limité des JV est à relativiser grandement. À ma connaissances, de nombreuses entreprises sont sous ce statut depuis très longtemps... Parfois même depuis l’époque du Shah. Même si évidemment le partenaire local a changé. Souvent, la Fondation Pahlavi, qui exerçait presque systématiquement ce droit, a été replacée par la Fondation des déshérités (Mostazafan).
    Je pense par exemple à l’usine General Motors de Téhéran, reprise par les Gardiens de la révolution (Pasdaran), après avoir été brièvement autogérée suite au départ des actionnaires durant la révolution de 1978-79.
    Il me semble que c’est une JV depuis le milieu des années 70.

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