Les obligations du bailleur privé.

Par Cathy Neubauer, Avocate.

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Explorer : # obligations du bailleur # bail écrit # logement décent # usage paisible

Les rapports locatifs sont réglementés par divers textes et notamment la loi du 6 juillet 1989 et la loi ALUR et les obligations des bailleurs privés sont de plus en plus nombreuses.
Il semble dès lors nécessaire de procéder à un point sur les obligations desdits bailleurs.

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Les rapports locatifs sont réglementés par divers textes et notamment la loi du 6 juillet 1989 et la loi ALUR.

I L’OBLIGATION DE LA MISE EN PLACE D’UN BAIL ECRIT

La loi du 6 juillet 1989

Si la loi dite HOGUET du 6 juillet 1989 relative aux rapports locatifs a toujours posé le principe dans son article 3, de l’établissement d’un bail écrit, il n’en demeure pas moins que jurisprudence a toujours admis la validité du bail verbal.

En effet, dès lors que la loi n’a pas prévu de sanction à l’absence d’écrit mais qu’en plus, cette loi prévoyait la possibilité de régulariser à tout moment la situation à la demande de l’une ou l’autre des parties, il et vident qu’un certain nombre de rapports locatifs étaient et son toujours encore régit par des baux verbaux.

Le bail verbal a des avantages et des inconvénients.

En effet une jurisprudence constante et ancienne prévoit que le tribunal ne peut accepter une demande d’indexation du loyer d’un bail verbal sans constater l’existence d’un accord sur cette indexation.

« Attendu que pour accueillir la demande d’application de l’indexation de loyer, le jugement retient que les bailleurs ne sollicitent pas l’augmentation du loyer ou sa réévaluation et que l’indexation s’applique automatiquement, ayant pour objectif de tenir compte des augmentations de la vie quotidienne ;
Qu’en statuant ainsi, sans constater, s’agissant d’un bail verbal, l’existence d’un accord d’indexation, le Tribunal a violé le texte susvisé »
(Cour de Cassation 3ème chambre civile 4 octobre 1995 n°93-20461)

D’un autre côté, le bailleur ne peut par exemple demander la résolution du bail en visant une clause exécutoire par le biais d’un commandement d payer visant la clause exécutoire.
Il devra donc passer par une procédure sur le fond, beaucoup plus lourde et longue que celle, visant la clause résolutoire, qui permet de faire constater la résiliation du contrat de bail par la simple délivrance d’un commandement de payer délivré par voie d’huissier et resté infructueux pendant deux mois..

D’un autre côté, l’absence de bail écrit se cumule en général avec une absence d’état de lieux.

« Or l’absence d’état des lieux d’entrée, l’article 1731 du code civil (dans sa rédaction d’avant le 1e octobre 2016) retient que le preneur est présumé les avoir reçus en bon état »
(Cour d’appel de Douai, 27 mars 2014, n°13/01999)

Cette disposition du code civil s’avère ainsi des plus dangereuses, dès lors que cette disposition, si le locataire ne peut prouver le contraire, met à sa charge toutes les dégradations que comporte le logement lors de la restitution des locaux.

Néanmoins la loi ALUR est venue apporter de l’ordre dans les baux locatifs, en instaurant à l’aide de son décret d’application, une obligation bien plus ferme d’avoir recours à un bail écrit.

L’apport de la loi ALUR

Conformément à la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) du 24 mars 2014 et de son décret d’application n° 2015-587 du 29 mai 2015 tout bailleur louant des logements nus ou meublés devra désormais signer un bail type dont le contenu a justement été précisé dans ce décret d’application, étant rappelé que cette disposition est entrée en vigueur au 1er Août 2015.

 Cette disposition qui est issue de la loi ALUR fixe également les clauses devant obligatoirement figurer dans le bail, tout en précisant que «  qu’au-delà de ces clauses, les parties sont également soumises à l’ensemble des dispositions légales et réglementaires d’ordre public applicables aux baux d’habitation sans qu’il soit nécessaire de les faire figurer dans le contrat  ».

Bien entendu la loi n’étant pas rétroactive, cette disposition ne s’applique qu’aux contrats signés à compter du 1er Août 2015.

Il en résulte bien entendu qu’il reste toujours encre de baux verbaux qui sont encore en vigueur, mis qui du fait de la loi ALUR vont progressivement disparaître.

II L’OBLIGATION DE DELIVRER UN LOGEMENT DECENT

L’obligation de délivrer un logement décent compote de multiples volets
En premier lieu, le logement doit avoir une certaine surface.
La notion de décence d’un logement est définie par le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent.

L’article 4 du décret relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l’application de l’article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit qu’il n’est pas possible de donner à la location un logement qui ne dispose pas au moins
« d’une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes.
La surface habitable et le volume habitable sont déterminés conformément aux dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article R. 111-2 du code de la construction et de l’habitation. »

Il en résulte immédiatement qu’un logement, même neuf, même parfaitement équipé, mais qui ne fait pas cette surface et/ou ce volume ne peut être donné à la location et sera considéré comme indécent.

Ensuite, le logement doit comporter un minimum d’équipements, à savoir Une installation permettant un chauffage normal, munie des dispositifs d’alimentation en énergie et d’évacuation des produits de combustion et adaptée aux caractéristiques du logement. Pour les logements situés dans les départements d’outre-mer, il peut ne pas être fait application de ces dispositions lorsque les conditions climatiques le justifient ;
Sont également obligatoires une installation d’alimentation en eau potable assurant à l’intérieur du logement la distribution avec une pression et un débit suffisants pour l’utilisation normale de ses locataires ; ainsi que des installations d’évacuation des eaux ménagères et des eaux-vannes empêchant le refoulement des odeurs et des effluents et munies de siphon ;
Une cuisine ou un coin cuisine aménagé de manière à recevoir un appareil de cuisson et comprenant un évier raccordé à une installation d’alimentation en eau chaude et froide et à une installation d’évacuation des eaux usées doivent également faire partie du logement. Ainsi qu’une installation sanitaire intérieure au logement comprenant un w.-c., séparé de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas, et un équipement pour la toilette corporelle, comportant une baignoire ou une douche, aménagé de manière à garantir l’intimité personnelle, alimenté en eau chaude et froide et muni d’une évacuation des eaux usées. L’installation sanitaire d’un logement d’une seule pièce peut être limitée à un w-c extérieur au logement à condition que ce w.-c. soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible , le tout doit être assorti d’ un réseau électrique permettant l’éclairage suffisant de toutes les pièces et des accès ainsi que le fonctionnement des appareils ménagers courants indispensables à la vie quotidienne étant précisé que dans les logements situés dans les départements d’outre-mer, les dispositions relatives à l’alimentation en eau chaude prévues aux 4 et 5 ci-dessus ne sont pas applicables. ( article 2 et 3 du décret précité).
Enfin, ben entendu le logement doit être clos, couvert, être correctement isolé, correctement ventilé et être aux normes de sécurité.

La notion d’insalubrité du logement fait l’objet d’un contentieux relativement important et souvent le locataire fait prendre un arrêté d’insalubrité par les autorités administratives, ce qui permet au locataire de contraindre son bailleur à réaliser les travaux de mise en conformité tout en le contraignant à participer à son hébergement pendant la durée des travaux.

« En application de l’article L521-1 du code de la construction et l’habitation, le propriétaire est tenu d’assurer le relogement ou l’hébergement des occupants ou de contribuer aux coûts correspondants dans les conditions prévues à l’article L5 21-3-1, lorsque l’immeuble est l’objet d’une déclaration d’insalubrité si elle est assortie d’une interdiction d’habiter temporaire ou définitive ou si les travaux nécessaires pour remédier à l’insalubrité rendent temporairement le logement inhabitable »
(Cour d’appel de Bordeaux, 22 avril 2013, 12/03591)

Néanmoins, selon la Cour de Cassation, lorsque les travaux nécessaires à la réhabilitation du logement sont totalement disproportionnés, le locataire ne peut exiger de son bailleur de faire une telle dépense. Ce dernier pouvant par exemple lui donner congé afin de démolir la bâtisse.

« en effet, le logement n’a jamais été conforme aux normes d’habitabilités modernes, s’agissant d’une très ancienne maison de village dont l’étage était destiné au foin et une partie du rez-de-chaussée, aux bêtes, sans aucun élément de confort de type salle de bains et toilettes  ; qu’il correspondait cependant au mode de vie de Madame Z… dont le maintien dans les lieux a été expressément requis lors du compromis de vente de 1980, soit à une époque où le logement n’était déjà plus conforme  ; que ce logement n’est évidemment plus adapté à une personne de la génération de Madame X… née en 1959 qui est effectivement en droit de vivre dans un lieu décent  ; que ce droit ne lui permet pas cependant d’exiger de la bailleresse des investissements totalement disproportionnés à la valeur du bien, surtout si celui-ci doit rester loué  ; que Madame Y… peut en conséquence parfaitement donner congé à sa locataire en vue de démolir le bien insalubre, »
Cour de cassation, Chambre civile 3, 24 juin 2009, 08-18.152, Inédit

III L‘OBLIGATION DE FOURNIR UN LOGEMENT EN BON ETAT D’USAGE ET DE REPARATION

Le bailleur doit fournir un logement en bon état d’usage et de réparation et les équipements qui sont mentionnés au contrat de location doivent être en état de bon fonctionnement.
Il convient donc de très soigneusement rédiger l’état des lieux, et il convient de ne pas hésiter à faire des réserves notamment concernant les appareils et dispositifs de chauffage si la location est faite hors période de chauffe.
Il convient néanmoins de souligner que même si le dysfonctionnent d’un élément de l’équipement est connu et porté sur l’état des lieux, le bailleur n’en est pas moins considéré comme ne s’étant pas acquitté de son obligation de délivrance d’un équipement en bon état d’usage.

« Vu l’article 1719 du code civil, ensemble l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989  ;
Attendu que le bailleur est obligé de délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement  ;
Attendu que pour rejeter la demande d’indemnisation du préjudice de jouissance, l’arrêt retient que le contrat de bail stipulait la mise à disposition d’un réfrigérateur dont l’entretien incombait au locataire, que la défectuosité du réfrigérateur était connue lors de l’entrée dans les lieux sans engagement des bailleurs de procéder aux réparations utiles ou à son remplacement  ;
Qu’en statuant ainsi, alors le fait que le preneur ait accepté le accepté le logement en l’état ne déchargeait pas le bailleur de son obligation de délivrance »
(Cour de cassation, Chambre civile 3, 18 février 2014, 12-13.271, Inédit)

Il est cependant précisé que si le logement n’est pas en bon état d’usage, les locataires et le ailleurs peuvent convenir expressément que le locataire fera certains travaux en contrepartie ‘une réduction voir une dispense de loyer pendant un temps qui sera déterminé par le contrat.
Cette peut être assortie d’une disposition prévoyant qu’en cas de départ prématuré du locataire, un dédommagement sur justificatif des dépenses engagées peut être prévu.
A cela se rajoute l’obligation pour le bailleur d’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat, et d’y faire toutes les réparations, autres que les réparations locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués. Ces réparations locatives sont définies par le décret n°87-712 du 26 août 1987.

IV L’OBLIGATION D’ASSURER AU LOCATAIRE UN USAGE PAISIBLE DU LIEU LOUE

Le bailleur doit garantir un usage paisible du lieu loué à son locataire, si cette obligation et souvent utilisé dans les cas de troubles du voisinage, et cette obligation peut avoir des conséquences parfois surprenantes, notamment lorsqu’un échafaudage posé en façade a facilité un cambriolage.
Les compagnies d’assurances des locataires se sont retournés contre le bailleur et ont obtenu sa condamnation sur ces fondements.

« la société propriétaire ne s’était pas assurée que toutes les précautions relatives à la sécurité des locataires avaient été prises en raison de l’échafaudage qui constituait pour les voleurs un mode d’accès facile protégé par des bâches, qu’elle n’avait donné aucune information aux habitants de l’immeuble ni aucun conseil de prudence et de vigilance et qu’elle aurait dû organiser un gardiennage spécial au moins de nuit, compte tenu de la période de l’été où les appartements sont vides de toute occupation, a pu décider que la société propriétaire avait manqué à son obligation d’assurer à la locataire une jouissance paisible des lieux loués »
(Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 28 février 1990, 88-14.028)

Telles sont les principales obligations du bailleur privé.

Cathy Neubauer
Avocate

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