Loi de simplification du 16 février 2015 : synthèse des nouveautés en matière successorale.

Par Régine Calzia, Avocat et Hugo Fort, Etudiant.

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Explorer : # testament authentique # droits des héritiers # simplification successorale # non-discrimination

Une fois n’est pas coutume, la loi du 16 février 2015 relative à « la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures » vient, de la même façon que la loi dite « Macron » modifier un grand nombre de domaines du droit : procédures civiles d’exécution, Procédure pénale, etc. Le droit de la famille, lui aussi, est modifié et, notamment, les règles en matière successorale.

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Loin d’être une révolution on constate, cependant, une volonté du législateur, non pas de véritablement simplifier le droit en vigueur, mais l’assouplir.

Parmi les dispositions on relève principalement deux séries : d’une part l’ouverture du testament authentique aux personnes non-francophones, sourdes et muettes ( I ), d’autre part d’autres modifications en matière successorale venant accroitre les droits des héritiers ( II ).

I. Ouverture du testament aux personnes non francophones, sourdes et muettes.

Les nouvelles dispositions permettent aux personnes non-francophones (A) et au sourdes et muettes de disposer d’un testament authentique (B).

A. Le testament authentique pour les personnes non francophones.

La dictée et la lecture peut être accomplie par le biais d’un interprète que le testateur choisi soit sur la liste nationale des experts judiciaires de la Cour de cassation ou soit celle fixée par chaque Cour d’appel.

De manière plus intéressante le texte prévoit que le notaire n’est pas tenu de recourir à un interprète « lorsque lui-même ainsi que, selon le cas, l’autre notaire ou les témoins comprennent la langue dans laquelle s’exprime le testateur ». Cette disposition est intéressante, néanmoins, elle soulève une question, à laquelle on ne peut apporter de réponse dans l’immédiat : comment apprécier le degré de compétence du tiers interprète ?

B. Le testament authentique pour les personnes sourds et muets.

Jusqu’ici, les personnes muettes ne pouvaient pas bénéficier d’un testament authentique. En effet, l’article 972 du Code civil prévoyait que le testateur devait « énoncer lui-même, et de façon orale » ses dispositions en ce qui concerne le testament.

A ce propos, le Médiateur de la République avait appelé le gouvernement à procéder à une réforme dans un avis de 2013 [1] considérant que la privation du testament authentique aux personnes muettes constituait une atteinte au principe de non discrimination envers les personnes handicapées consacré par le droit interne [2].

Les nouvelles dispositions permettent aux personnes muettes de disposer d’un testament authentique, selon différentes modalités :
Si la personne muette est capable d’écrire en français, le notaire rédige de manière manuscrite ou mécanique le testament en utilisant les notes préalablement rédigées par le testateur. Par la suite le notaire doit présenter au testateur le testament après lecture faite par lui-même.
Dans le cas ou la personne ne peut « ne peut ni parler ou entendre, ni lire ou écrire » la dictée ou la lecture du testament se font dans les mêmes conditions que pour le testament authentique pour les personnes non francophones. Ainsi, selon les cas, un expert judiciaire sera désigné par le testateur pour interpréter ses volontés, ou bien en cas d’aptitude pour interpréter le notaire ou l’un des témoins pourront transcrire les volontés de la personne.

Si l’élargissement du champ d’application du testament authentique constitue un point significatif de la loi, ce n’est pas le seul. La loi vient aussi modifier d’autres dispositions successorales qu’il s’agira ici de synthétiser.

II.Des modifications venant accorder de nouveaux droits aux héritiers.

La loi du 16 février 2015 vient, de manière plus discrète, modifier un certains nombre de dispositions du Code civil en matière successorale.

Sans les citer toutes, il s’agira ici de s’intéresser à deux modifications substantielles apportant de nouveaux droits aux héritiers :
- La simplification des modalités de preuve de la qualité d’héritiers en matière de successions modestes (A)
- L’extension du droit d’attribution préférentielle (B)

A. Simplification des modalités de preuve de la qualité d’héritiers en matière de successions modestes.

Dans ce cas l’héritier en ligne direct peut justifier de sa qualité, auprès des organismes de banques ou le défunt disposer d’un compte, afin d’obtenir « le paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent ».

Si la succession ne dépasse pas un montant déterminé par le ministre de l’économie ( actuellement de 5 000 euros) l’héritier en ligne direct peut obtenir la clôture du compte du défunt et le versement des sommes correspondantes.

La simplification est opérée ici. En effet, en toutes hypothèses, l’héritier doit pouvoir justifier de sa qualité auprès de la banque.

Dès lors qu’il n’existe pas d’autre héritier et que la succession ne comporte aucun bien immobilier, l’héritier pourra obtenir la clôture du compte du défunt et le versement des sommes simplement en produisant les documents suivants :

« -son extrait d’acte de naissance ;
- un extrait d’acte de naissance du défunt et une copie intégrale de son acte de décès ;

- le cas échéant, un extrait d’acte de mariage du défunt ;

- les extraits d’actes de naissance de chaque ayant droit désigné dans l’attestation susmentionnée ;

- un certificat d’absence d’inscription de dispositions de dernières volontés. »

B. Extension du droit d’attribution préférentielle.

Auparavant le droit d’attribution préférentielle, constituait le droit pour tout conjoint ou copropriétaire du défunt d’obtenir selon les cas l’attribution du local d’habitation ou à usage professionnel sous certaines conditions notamment que l’héritier y est résidé ou exerce sa profession au moment du décès.

La loi procède à une extension du droit d’attribution préférentielle à la voiture du défunt à la condition que celle-ci soit nécessaire à la « vie courante » de l’héritiers.

Ainsi, la loi de simplification du 16 février 2015 procède à des modifications législatives qui, bien que marginales, n’en sont pas moins opportunes. Parmi les modifications, la plus significative est l’ouverture du testament authentique aux personnes non-francophones, sourdes ou muettes. C’est donc la fin d’une inégalité qui ne trouvait aucune justification légale. Pour autant, quelques questions restent ouvertes, notamment celle de savoir le degré de compétence nécessaire pour le notaire ou le témoin afin de pouvoir valablement interpréter une langue étrangère ou à défaut la langage des signes.

Régine Calzia, Avocat au barreau de Lille
Hugo Fort, étudiant à l’Université Lille 2.
http://www.avocats-famille-patrimoine.fr

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Notes de l'article:

[1Proposition de réforme n°10-R013.

[2Loi 2005-102 du 11 février 2005.

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Discussions en cours :

  • par neron , Le 6 février 2019 à 03:31

    en donnant les references de l article du code civil du 16/02 2015 EX : 730-xx cela eviterai d autre recherche

  • par L HULLIER , Le 29 décembre 2016 à 20:32

    Bonsoir,
    Ma mère est décédée le 26 Novembre 2016 et la Caisse d’Epargne me refuse de clôturer le compte
    et me demande une dévolution successorale alors qu’à la date du décès le solde était inférieur à
    5000 euros mais à ce jour il y a dépassement suite aux arrérages de pensions versées en Décembre,
    ma question aujourd’hui est de savoir qu’elle date est prise en compte pour appliquer la loi du
    16 Février 2015.
    Merci pour toute réponse

    CORDIALEMENT

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