Extrait de : E-commerce et statut des acteurs de l’Internet

Plaidoyer pour une réglementation efficiente des CGV en e-commerce camerounais.

Par Rachel Lore Ngo Mawo, Avocat, et Valentin Chuekou, Juriste.

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Explorer : # e-commerce # réglementation # conditions générales de vente (cgv) # protection du consommateur

La progression des achats en ligne au Cameroun est indéniable et comme partout ailleurs, les conditions générales de vente (ci-après CGV) constituent la base des transactions commerciales entre vendeur et acheteur sur les sites marchands. Ensemble des clauses écrites par un entrepreneur visant à encadrer ses relations contractuelles avec ses clients professionnels ou non, les CGV ont une double fonction : d’une part informer le client sur « la nature, les caractéristiques, les prix du produit, les modalités de livraison, paiement, réclamation, rétractation, remboursement, les conditions de garanties commerciales et du service après-vente, l’inexécution des engagements… » et d’autre part, assurer la sécurité juridique de l’e-commerçant en diffusant et surtout en standardisant les règles et conditions nécessaires pour établir la relation de confiance client-acheteur.

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Aux termes des articles 15 et 30 de la loi n°2010/021 du 21 décembre 2010 régissant le commerce électronique au Cameroun (ci-après LCEC), de l’article 37 de la loi n°2010/012 du 21/12/2010 relative à la cybersecurité et la cybercriminalité au Cameroun (ci-après LCCC) et des articles 4, 13 et 14 de la loi-cadre n° 2011/012 du 6 mai 2011 portant protection du consommateur au Cameroun (ci-après LPCC), l’établissement et la publication des CGV sont obligatoires sous peine de sanctions. Cependant, il n’est pas fait dans ces différents textes un distinguo net entre les CGV et les CGU que sont les conditions générales d’utilisation. Cette imprécision législative sur les « mentions légales obligatoires » ouvre alors le champ à un imbroglio à géométrie variable dans la pratique de ce secteur d’activités, allant de l’insuffisance à l’inexistence des informations légales relatives aux CGV. Cette situation juridiquement inappropriée, ne peut qu’appeler une plus grande rigueur aussi bien textuelle que pratique des autorités et une réactivité des acteurs économiques du secteur pour une concurrence loyale et saine.

L’imbroglio des CGV dans le e-commerce camerounais.

L’amateurisme des prestataires de e-commerce offre à constater une diversité d’irrégularités sur les CGV qui nécessitent d’être mises en relief.

  • Publication insuffisante et/ou inexactes des informations légales :

Pour plus de transparence sur la politique de vente, la loi énumère limitativement à l’intention des prestataires de sites marchands, les informations légales à « fournir au consommateur de manière claire et compréhensible » mais là s’arrête l’injonction de la loi. Il reste alors l’épineux problème de la distinction entre ces informations exigées, celles qui relèvent des CGV de celles qui relèvent des CGU. Plus encore, certains prestataires, pour des raisons qui leurs sont propres, et notamment le non recours aux conseils juridiques adéquats, passent outre ces exigences et omettent certaines mentions importantes, quand ce n’est pas la formulation des termes de la convention qui ne sont pas conformes. La nouveauté de la discipline et sa lente appropriation par les juristes sont-elles seules à expliquer cette légèreté ? L’appel d’air créé par ce secteur émergeant ouvre un boulevard aux opérateurs uniquement motivés par l’appât du gain, qui s’y engouffrent sans rien comprendre des enjeux.

  • Publications inexistantes des informations légales :

Outre quelques sites en « .cm », cette grave irrégularité est constatée en majorité sur des sites enregistrés à l’étranger sous les extensions « .fr » et/ou « .com » et ayant des activités commerciales à destination du Cameroun. Ces sites ont pour particularité de ne pas fournir des CGV formelles, « claires et compréhensibles ». L’objectif des CGV étant d’établir la confiance entre les consommateurs et le vendeur, mais aussi d’exonérer ce dernier en cas d’éventuels conflits, leur absence est préjudiciable pour l’acheteur, qui n’a aucune visibilité sur la politique de vente du site marchand. Une analyse du « Who is » pour certains de ces sites, ne permet même pas de retracer le nom et l’adresse du propriétaire ainsi que certaines informations techniques. Ici, c’est le règne de l’opacité.

  • Copie intégrale des CGV des concurrents :

Les CGV sont la vitrine juridique de l’entreprise de e-commerce, elles font partie des « investissements humains, intellectuels et financiers » et sont par conséquent, protégées par la loi. A ce titre, au risque de s’exposer aux poursuites judiciaires, il est formellement interdit de recopier les CGV d’un autre site concurrent. Mais en pratique, ce n’est pas toujours le cas. Certaines entreprises de e-commerce par ignorance ou par paresse intellectuelle, ne se privent pas de s’approprier sans bourse délier, les CGV de leurs concurrents. Or, c’est une pratique dangereuse à double titre. Tout d’abord, chaque politique d’entreprise est unique, et son activité commerciale, spécifique. En effet, d’après Me Aurélie Dellac « chaque CGV reflètent la politique commerciale de l’entreprise » et sont « adaptées à la spécificité des produits ou services vendus ». Les obligations légales d’une entreprise de téléphonie par exemple, diffèrent de celle d’une entreprise de commerce générale. D’où un appel aux prestataires camerounais des sites marchands de se référer aux juristes spécialisés en droit d’internet, pour se faire rédiger avec soin, des CGV sur-mesure, « claires et adaptées » à leur activité commerciale ainsi qu’aux particularités de leurs « produits vendus » ou de « services rendus ».

Ensuite, c’est un acte de parasitisme économique qui expose aux poursuites judiciaires. Pour exemple, l’examen des CGV des sites du leader du e-commerce en Afrique et de celui des ventes des vêtements et chaussures au Cameroun sont à la virgule près, curieusement identiques et semblables. Sauf erreur ou ignorance de notre part, ils ne font pas partie du même groupe, d’après les informations disponibles collectées sur les deux sites internet. Quel est le site à l’origine de ces CGV ? Qui aurait copié l’autre ? Seule une analyse de l’antériorité des 2 sites pourraient prouver l’origine desdites CGV et subsidiairement, le copieur.

Les irrégularités sus mentionnées sont les plus répétitives parmi tant d’autres qui pourraient à l’avenir faire l’objet d’analyses. Par contre, pour y mettre fin, il revient aux autorités de régulation de sévir et aux acteurs du e-commerce d’œuvrer pour l’assainissement juridique de leur milieu, grâce aux instruments existants.

L’impérieux renforcement de la régulation.

Créée par le décret n° 2002/092 du 8 août 2002, l’Agence nationale des technologies de l’information et de la communication (ANTIC) ou « l’Agence », est l’organe étatique qui a parmi ses missions de « promouvoir le commerce électronique [… ] par le renforcement de la confiance du consommateur et de la sécurité des transactions en ligne ». Malgré son aphonie, c’est le grand gendarme des infractions cybernétiques au Cameroun.

Toutefois, de manière générale, « en cas d’infraction cybernétique », ce sont les « officiers de police judiciaire à compétence générale et les agents habilités de l’Agence » qui ont compétence de procéder aux « enquêtes » d’après l’article 52 de la LCCC. Quant aux infractions spécifiques « aux dispositions de la loi et des textes » sur le commerce électronique, elles « sont constatées » respectivement par les « officiers de police judiciaire à compétence générale et les agents assermentés des ministères en charge des télécommunications et de la publicité, de l’organisme chargé de la régulation et de la certification électronique, ainsi que ceux du contrôle économique » selon l’article 41(1) de LCE. A notre connaissance, les premiers rappels à la loi de ces autorités sont encore attendus. Cette agence qui semble être d’entrée de jeu dépassée par sa mission, devrait à coup sûr être soutenue dans cette tâche ardue par d’autres acteurs. il semble alors nécessaire d’associer à l’action des autorités réglementaires, celle des associations de consommateurs traitant des questions liées au numérique dont le rôle serait de recenser sur le terrain, toutes les irrégularités afin de les porter à la connaissance aussi bien des autorités que des juridictions, le cas échéant.

En effet, bien que les CGV ne soient pas protégées par le droit d’auteur car ne faisant pas partie des « œuvres du domaine littéraire » au sens de l’article 3 de la loi n° 2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, elles restent protégées sur le fondement de l’article 1382, régissant la responsabilité civile. Toute copie des CGV d’un concurrent est une atteinte à sa valeur économique et relève du parasitisme. Ce qui ouvre droit à réparation devant la justice, lorsque la procédure est menée par un avocat spécialisé en droit de l’internet.

Il n’y a plus qu’à parier que la réglementation des CGV au Cameroun se construira à l’avenir devant les juridictions.

Rachel Lore NGO MAWO
Pupil Advocate
Barreau du Cameroun
Cabinet Ngai & Partner
et Valentin CHUEKOU
Juriste : - Propriété intellectuelle et Nouveaux médias. - Droit du Sport (DU).
Université de Montpellier 1 - (Créations immatérielles)
www.chuekouvalentin.over-blog.com

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