Troubles du voisinage : se défendre face aux nuisances sonores.

Par Jacques-Alexandre Bouboutou, Avocat.

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Explorer : # nuisances sonores # troubles de voisinage # réglementation bruit # réparation dommage

Les troubles du voisinage désignent la gêne occasionnée par tous types d’activités humaines dépassant un seuil de normalité apprécié souverainement par les juges et pouvant entrainer un droit à réparation pour le voisin victime de tels troubles.

La preuve du caractère anormal du trouble, en contexte urbain, est généralement le point le plus difficile à établir pour les victimes qui se trouvent souvent démunies malgré la quantité de plaintes déposées.

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Les premiers réflexes à adopter

Le trouble anormal peut être constitué en raison de bruits (tapage diurne ou nocturne), fumées (cigarettes, barbecues), odeurs, privation d’ensoleillement et de vue, etc. Certains troubles proviennent de l’exploitation d’activités commerciales (bar, discothèque, garage, atelier, restaurant, installations sportives). D’autres sont causés par des travaux de construction et/ou de démolition (poussières, fissures) ou encore par des animaux domestiques (aboiement de chiens).

Le trouble est considéré comme étant anormal dès lors que son impact excède un certain seuil de tolérance, nécessairement subjectif, dans un contexte et un environnement donné.

Dans un premier temps, il est nécessaire de tenter un règlement amiable du litige en mettant en demeure le voisin indélicat de bien vouloir mettre un terme à ses nuisances répétées. Il convient de préciser que les propriétaires sont responsables de l’activité de leurs locataires et peuvent être inquiétés en cas de troubles importants provoqués par ces derniers au voisinage.

Dans les copropriétés, l’assemblée générale a le pouvoir de décider préventivement, à l’unanimité, l’interdiction d’une activité particulièrement nuisible.

Le cas particulier des nuisances sonores

La règlementation sur les bruits repose sur la notion d’émergence qui désigne la différence entre :
-  d’une part, le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause,
-  d’autre part, le niveau du bruit résiduel, comportant l’ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs issus de l’occupation normale des locaux et équipements, en l’absence du bruit particulier en cause.

Cet écart entre les niveaux de bruits ambiants et habituels doit obéir à certains seuils considérés comme normaux selon la réglementation applicable. Cette émergence est calculée pour les zones à émergence réglementées, c’est-à-dire : les bâtiments ou zones constructibles et leurs extérieurs (cours et jardins) existant avant l’installation de l’activité en cause.

Pour un niveau de bruit ambiant supérieur à 35 dB(A) et inférieur ou égal à 45 dB(A), est autorisée :
-  une émergence admissible de jour, sauf dimanches et jours fériés de 6 dB(A)
-  une émergence admissible de nuit, ainsi que les dimanches et jours fériés de 4 dB(A).

Pour un niveau de bruit ambiant supérieur à 45 dB(A) est autorisée :
-  une émergence admissible de jour, sauf dimanches et jours fériés de 5 dB(A)
-  une émergence admissible de nuit, ainsi que les dimanches et jours fériés de 3 dB(A).

La période de nuit correspond en principe à la plage de 22 heures à 7 heures du matin, mais la réglementation peut être rendue plus rigoureuse par arrêté municipal dans chaque localité.

La preuve du trouble anormal de voisinage

Les attestations, ainsi que le dépôt de plusieurs mains courantes et/ou plaintes auprès des agents de police seront un moyen efficace de démontrer la réalité et l’ampleur du trouble de voisinage subi.

Une expertise judiciaire peut également être diligentée en vue de constituer une preuve plus solide, avec un chiffrage des mesures correctives à mettre en place en termes d’isolation acoustique pour faire cesser le trouble.

Les huissiers de justice disposent généralement d’appareils de mesures tels que des sonomètres permettant de mesurer le niveau de décibels produit.

A Paris, le bureau des actions contre les nuisances de la Préfecture de police peut diligenter une enquête visant à mesurer la gêne sonore et en identifier la source. Cette intervention est gratuite.

Toutefois, dans les grandes agglomérations et notamment en région parisienne, il est plus difficile de démontrer l’anormalité du bruit. Il sera indispensable alors d’apporter la preuve du caractère paisible de l’environnement avant l’apparition du trouble.

La réparation du dommage subi

Le juge évalue l’anormalité du trouble au regard de la répétition et de l’intensité des bruits. Il tient aussi compte des circonstances, de l’environnement ou encore de la situation de la personne et de sa sensibilité.

Le préjudice ne sera pas indemnisable si l’activité génératrice de nuisances existait antérieurement à l’installation de la victime et si cette activité préexistante se poursuit dans les mêmes conditions et en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur.

En cas d’atteinte particulièrement grave, il est possible d’obtenir, en référé, la prescription de mesures urgentes visant à faire cesser les nuisances constitutives d’un trouble manifestement illicite.

Les établissements diffusant, à titre habituel, de la musique amplifiée (salles de concert, discothèques, bars musicaux) peuvent également se voir infliger jusqu’à trois mois de fermeture administrative, pour nuisances sonores répétées constitutives d’un trouble à l’ordre public.

Enfin, certains troubles constituent des infractions susceptibles d’être réprimées par le juge pénal. C’est notamment le cas des tapages nocturnes (de 22 heures à 7 heures du matin) qui sont punis d’une amende de 450 €.

Jacques-Alexandre BOUBOUTOU
Avocat à la Cour
http://bouboutou-avocats.com

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Discussions en cours :

  • par Herve , Le 23 décembre 2017 à 22:40

    Bonjour,
    après des mois de nuisances sonore a cause d’un voisin du dessus,
    j’ai décider de franchir le pas de cette démarche légale.

    Aller voir ses fameux voisins pour leurs signifier que leurs bruits répétitifs et sans retenue.
    Réponse de leurs parts "Casse toi de la tu es un malade".
    J’ai aussi ressenti dans leur intonation et leurs attitude que la situation n’allais pas s’arranger même pire.
    Vous savez,ce sentiment que la personne est mal intentionnée ou même agressive.
    Oui les représailles.
    Le lendemain, main courante auprès de la gendarmerie.
    Un courrier sera envoyer par l’office HLM au locataire récalcitrant.
    En vue d’une médiation autour d’une table, je sent que ma position en tant que plaignant.
    La suite a venir, mais je ne la sent pas sur ce coup la.

  • par G B , Le 10 juillet 2017 à 09:44

    Bonjour,
    j’habite Massy (91) et en sur mon parking se trouve un bloque de ventilation qui fait un bruit du diable de 8h à 21h non stop, du lundi au dimanche. Celui ci appartient à un cabinet médical. Un des médecins me dit que des travaux vont avoir lieu mais pas de suite. Et cela fait un an déjà et toujours rien. Avez vous une adresse d’association avec un avocat pas trop cher à me proposer ?
    Cordialement

  • Dernière réponse : 29 février 2016 à 17:18
    par Association CPLN , Le 27 février 2016 à 10:09

    Bonjour
    En matière de nuisances sonores, il est important de monter un solide dossier administratif à destination du préfet et du procureur pour le volet pénal.
    La synthèse permettra de résoudre le problème mais c’est un dur et long combat.
    Ne jamais lacher.

    l’association CPLN

    • par Jacques-Alexandre BOUBOUTOU, Avocat , Le 29 février 2016 à 17:18

      Bonjour,

      Vous avez parfaitement raison sur l’importance de "monter" un dossier, dans le sens où c’est l’accumulation d’éléments de nature à établir l’existence et la gravité du trouble qui constitue l’atout essentiel d’un dossier de nuisances sur le volet civil. Sur le volet de l’urbanisme, en cas de nuisances de chantier et autres prévisibles, il est important de réagir suffisamment en amont dès la modification ou révision du plan local d’urbanisme ou au moins au stade du permis de construire pour une opération donnée.

      Bien cordialement,
      Jacques-Alexandre BOUBOUTOU
      Avocat à la Cour

  • Puis-je faire appel au pouvoir de police du maire d’une commune afin qu’il procède à l’enlèvement du chien pour une mise en fourrière ? C’est extrêmement dérangeant.

    Michelin Gaustin

    • par Jacques-Alexandre BOUBOUTOU, Avocat , Le 28 février 2016 à 18:29

      Cher Monsieur,

      Il me semble que l’enlèvement du chien de votre voisin pour mise en fourrière excède les pouvoirs de police du maire.

      Vous auriez davantage intérêt à solliciter des mesures ou une réparation de la part du juge judiciaire dans un recours sur le fondement du trouble anormal du voisinage si ces aboiements sont particulièrement intenses et répétés.

      Jacques-Alexandre BOUBOUTOU

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