La loi du 12 avril 2011 n’a, en effet, pas octroyé au gardé à vue et à son avocat certains droits nécessaires à l’exercice effectif de sa défense tels que l’accès aux pièces du dossier pénal ou bien l’assistance lors des perquisitions.
En l’état, et en l’absence de connaissance des pièces du dossier, le rôle de l’avocat au cours de la garde à vue reste limité car il est difficile de donner des conseils sur le fond alors que l’on ignore tout des pièces et des éléments réunis à l’égard de la personne gardée à vue.
Des demandes en nullités de la garde à vue se fondant sur l’absence d’accès aux pièces du dossier pénal sont actuellement soutenues.
C’est dans ce contexte qu’intervient cet arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation du 6 novembre 2013 (FP-P+B+R+I) - conforme à sa jurisprudence antérieure - qui rappelle que :
« l’absence de communication de l’ensemble des pièces du dossier à l’avocat assistant une personne gardée à vue, à ce stade de la procédure, n’est pas de nature à priver la personne d’un droit effectif et concret à un procès équitable, dès lors que, d’une part, l’accès à ces pièces est garanti devant les juridictions d’instruction et de jugement et, d’autre part, l’article 63-4-1 du code de procédure pénale n’est pas incompatible avec l’article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme… »
Cette solution n’est pas satisfaisante.
Tout d’abord, elle pointe la distorsion concernant la personne soupçonnée selon que l’on se place sous le régime de l’instruction ou celui de l’enquête : l’instruction avec un accès aux pièces du dossier et le droit de demander des actes… et l’enquête ou la personne soupçonnée ne dispose d’aucun de ces droits pourtant essentiels pour assurer sa défense.
Mais encore, l’argument selon lequel le droit à un procès équitable serait assuré par l’accès aux pièces devant les juridictions de jugement est illusoire car la défense n’intervient qu’après coup, une fois le dossier constitué par les éléments unilatéralement réunis par les enquêteurs sous la direction du procureur de la République, parfois durant plusieurs mois voire années…
Au soutien de l’accès aux pièces du dossier pénal l’article 6 de la CESDH et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur les modalités d’intervention de l’avocat en garde à vue sont souvent invoqués (CEDH 13 octobre 200, Danayan c/ Turquie ; CEDH, 20 septembre 2011, Sapan c/ Turquie…).
En outre, la directive 2012/13/UE du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales - entrée en vigueur le 21 juin 2012 et qui doit être transposée par les Etats membres « au plus tard le 2 juin 2014 » - impose la communication à l’avocat dès le stade de la garde à vue des pièces qui sont « essentielles pour contester de manière effective conformément au droit national la légalité de l’arrestation ou de la détention » (article 7)
Il en résulte qu’en principe, le gardé à vue et son avocat doivent pouvoir consulter tous les actes de procédure ayant conduit à l’arrestation du gardé à vue (procès-verbal d’interpellation, actes étant le support nécessaire de l’interpellation tels que la plainte de la victime, les dépositions des témoins et autres éléments de preuves…)
En ne permettant pas l’accès aux pièces du dossier pénal au gardé à vue, la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation est en contradiction avec ces dispositions.
Il est donc souhaitable que dans le cadre de la transposition de la Directive, les règles évoluent….
Discussion en cours :
Ce n’est pas la loi du 14 avril 2011 plutôt... ?