Agression sexuelle : comment déposer plainte ?

Par Tristan Berger et Stéphane Beysson, Avocats.

1371 lectures 1re Parution: Modifié: 4.9  /5

Explorer : # agression sexuelle # dépôt de plainte # preuves judiciaires # violences faites aux femmes

Ce que vous allez lire ici :

Les enquêtes montrent que peu de victimes d'agressions sexuelles portent plainte, en raison de divers obstacles. Un rapport souligne que de nombreux cas sont classés sans suite, souvent à cause de preuves insuffisantes. Ce texte explique les modalités de dépôt de plainte et met en lumière des points essentiels à considérer.
Description rédigée par l'IA du Village

Conseils et informations sur le dépôt de plainte suite à une agression sexuelle, et focus sur trois points de vigilance à garder à l’esprit.

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Les enquêtes menées auprès des victimes d’agressions sexuelles indiquent que seule une faible fraction de ces dernières dépose plainte ; les raisons sont multiples [1].

De façon contre-intuitive, il semblerait par exemple qu’une meilleure connaissance du système pénal puisse dissuader certaines victimes de déposer plainte du fait, notamment, de l’aléa judiciaire [2].

Une étude menée par l’Institut des Politiques Publiques et parue cette année confirme la réalité de cette difficulté : « Tandis que l’on observe une plus grande sévérité de la réponse pénale pour les violences conjugales, ce n’est pas le cas pour les violences sexuelles, dont le taux de classement sans suite ne cesse d’augmenter » [3] :
-  « infraction insuffisamment caractérisée » pour manque de preuves (49%) - classement dit « 21 », le plus fréquent, compte tenu de la difficulté à caractériser les faits dans les cas d’agressions sexuelles ;
-  « absence d’infraction » (10%) ;
-  « défaut d’élucidation » (10%) - lorsque l’auteur de l’infraction n’a pu être identifié.

Dans ce contexte, afin de favoriser la réalisation du dépôt de plainte par les victimes, il semble utile de revenir synthétiquement sur les modalités du dépôt de plainte d’une part (I), avant de relever trois points de vigilance (II).

I. Les modalités d’un dépôt de plainte.

Pour déposer plainte, quatre possibilités s’offrent aux victimes, et ce avec ou sans avocat (Voir l’article Le droit de la victime à être assistée d’un avocat lors de son dépôt de plainte ou son audition. Par David Marais et Soraya Nouar, Avocats.).

Premièrement, la plainte sur place, en gendarmerie ou en commissariat [4], étant précisé que certains commissariats ont pu développer des guichets spécialisés ou des modalités d’accueil spécifiques [5].

Effectivement, le sujet des violences faites aux femmes fait l’objet d’une prise en charge différente dès l’accueil de la victime.

Ceci dit, la pratique trouve ses limites dans certains domaines ; il a ainsi été relevé par un rapport commandé par la Préfecture de police de Paris que l’accueil des femmes victimes de violences conjugales et sexuelles peut être altéré par plusieurs problématiques [6], notamment :

  • le « manque de confidentialité » - de fait, les locaux vieillissants n’offrent pas toujours la possibilité de mettre à l’écart une plaignante ;
  • « un manque de suivi interne des dossiers » - lorsque les personnes en charge de l’enquête croulent littéralement sous les dossiers qui leur sont attribués bien plus vite qu’ils ne sont traités ;
  • le « manque de pôle psychosociaux » - bien qu’il y ait de plus en plus d’intervenants sociaux, avec un planning de présence établi plusieurs jours à l’avance, qui peuvent être sollicités à tout moment de la procédure, aussi bien par l’enquêteur que la victime ;
  • « une posture professionnelle inadaptée »  ; etc.

Sur le dernier point, plusieurs raisons participent à ce constat, notamment le fait que le personnel formé n’est parfois présent que la journée. Il existe des groupes d’enquêtes spécialisés dans tous les services, mais souvent les horaires de présence sont du lundi au vendredi de 09h00 à 18h00. En dehors de ces créneaux, les personnels sont bien plus généralistes et non formés à la thématique très particulière des violences sexuelles.

Qui plus est, le manque d’effectifs conduit parfois les agents à devoir assumer deux rôles simultanés, ils peuvent par exemple devoir gérer un standard et prendre une plainte en même temps. En outre, une victime peut souhaiter s’adresser à une femme, mais il arrive que seul du personnel masculin soit présent au moment des faits.

Notons toutefois qu’il est possible de demander une première audition succincte pour ouvrir le dossier et lancer les réquisitions et examens nécessaires, puis de prévoir d’une seconde audition plus détaillée avec un effectif sensibilisé à la thématique.

A cet ensemble de problématiques s’ajoute parfois la crainte que la plainte soit refusée par les forces de l’ordre [7], phénomène effectivement parfois constaté en pratique en dépit de toutes les consignes et les instructions rappelées régulièrement :

Aucune plainte ne doit être refusée.

Malgré ces difficultés, le retour d’expérience d’officières et officiers de police judiciaires indique que le dépôt de plainte avec présence physique en commissariat ou gendarmerie serait la procédure la plus efficiente, complète, et diligente.

Étant précisé que cette procédure se décompose en plusieurs étapes, à savoir :

  • L’évaluation de la victime, afin d’examiner son état et déterminer le besoin d’assistance quelconque ;
  • Les demandes particulières (enquêteur du même sexe, assistance durant la plainte, etc.) ;
  • La prise de déclaration ;
  • Les rendez-vous Unité Médico-Judiciaire (la prise en charge est réalisée sur réquisition judiciaire, après un dépôt de plainte) et psychologue ;
  • La communication des coordonnées des services d’aide aux victimes.

Cela étant, une victime pourrait préférer opter pour la deuxième possibilité [8] du tribunal judiciaire du lieu des faits ou du domicile de l’auteur des faits par lettre recommandée avec accusé de réception.

Suite à cet envoi, si le Procureur de la République fait connaître sa décision de ne pas engager de poursuite ou en l’absence de réponse dans un délai de trois mois à compter du dépôt de sa plainte, la victime d’une agression sexuelle peut user d’une troisième option : la plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction compétent (articles 85 et suivants du Code de procédure pénale).

Il convient de préciser qu’au terme de son écrit, la victime doit manifester expressément son intention de se constituer partie civile.

À l’issue du dépôt de cette plainte, et sauf dispense ou obtention de l’aide juridictionnelle [9], après paiement de la consignation fixée par le Juge d’instruction visant à limiter les procédures potentiellement abusives, la victime acquiert la qualité de partie civile.

Doit être évoquée, enfin, une quatrième possibilité ouverte dans certains départements dans le cadre des violences conjugales : le dépôt de plainte dans un hôpital, une maternité ou un lieu municipal.

C’est notamment possible dans les départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le préfet de Police ayant signé une convention avec l’AP-HP le mercredi 4 octobre 2023 afin d’ouvrir cette possibilité [10].

Sans reprendre la procédure en détails, ce point ayant été déjà abondamment traité par plusieurs consœurs et confrères sur le Village de la justice (Violences faites aux femmes : quels dispositifs juridiques pour les protéger ? Par Estelle Levy, Avocate. et Le parcours judiciaire d’une victime d’infraction pénale. Par Alain Bollé, Avocat.), il semble néanmoins utile de rappeler trois points de vigilance.

II. Trois points de vigilance.

Compte-tenu du fait, on l’a vu, que le premier motif de classement sans suite s’agissant de plaintes relatives à des violences sexuelles tient à l’aspect « insuffisamment caractérisé » de l’infraction, il est essentiel de collecter autant de pièces utiles que possible pour les communiquer lors du dépôt de plainte.

Une importance toute particulière doit être accordée à la temporalité du recueil des éléments de preuves.

En effet, une partie des dénonciations faisant l’objet d’un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée trouve son origine dans la difficulté liée à la déperdition des preuves. Cette difficulté, loin d’être inhérente à ce type d’infraction, s’exprime avec une intensité particulière en matière d’infraction à caractère sexuel.

Entre la survenance des faits subis par la victime, et la décision de les dénoncer, il peut s’écouler un certain délai.

Or, il est essentiel de préserver les preuves, singulièrement physiologiques et/ou physiques en consultant rapidement un médecin qui actera, par le biais d’un certificat médical, les éléments qu’il a pu constater ou encore prescrire tel examen qu’il jugera nécessaire, tant pour sauvegarder la santé de la victime que pour préserver les preuves qui pourraient s’avérer déterminantes dans le cadre d’une éventuelle procédure.

Il peut s’agir, notamment :

  • de certificats médicaux et d’attestations de suivi psychiatrique ou psychologique suite à l’agression (étant précisé que le certificat évaluant l’ITT - Incapacité Totale de Travail -, échelle de qualification de la gravité des faits, ne pourra être établi que par un médecin spécialement mandaté, faisant partie des Unités Médico-Judiciaires agréées près le tribunal Judiciaire compétent) ;
  • d’attestations de témoignage [11] ;
  • d’enregistrements audio, photos, et vidéos - particulièrement utiles dans une procédure pénale ; cela étant ces éléments ne peuvent pas être exploités dans un autre contexte lorsqu’ils sont captés à l’insu d’une personne (Un enregistrement peut-il servir de preuve dans un procès ? Par Alexandra Six, Avocat.) ;
  • de déclaration d’accident de trajet [12] ;
  • de déclaration sinistre à l’assurance ; etc.

Enfin, il importe de rappeler qu’il est possible, dans le cadre de la procédure pénale, de se constituer partie civile afin d’obtenir réparation des préjudices subis (L’indemnisation des préjudices de la victime d’agression ou de violences. Par Avi Bitton, Avocat.), lesquels doivent être détaillés aussi exhaustivement que possible pour espérer la meilleure réparation possible.

Il peut notamment s’agir, suite à l’agression :

  • d’anxiété ;
  • de moments de déprimes ;
  • de perte de concentration ;
  • de fatigue chronique ;
  • de troubles alimentaires ;
  • de la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel suite à l’agression ;
  • d’une moindre fréquence des rapports ; etc.

Post-scriptum : Nous tenons à remercier Madame Charline Veron, pour son aide aux recherches et à l’élaboration de l’article, ainsi qu’un ami officier police judiciaire, qui a préféré conserver l’anonymat, pour ses retours d’expérience et analyses.

Tristan Berger, Avocat à la Cour
Barreau de Paris - Docteur en Droit
et Stéphane Beysson, Avocat au barreau de Saint-Etienne

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Notes de l'article:

[8A savoir adresser directement sa plainte au Procureur de la République https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1435

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