Charges locatives non justifiées : le guide du locataire face à la non régularisation.

Par Tristan Berger, Avocat.

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Explorer : # charges locatives # droits des locataires # recours juridiques # transparence

Les charges locatives peuvent vite devenir un casse-tête pour les locataires, surtout lorsque leur régularisation est floue ou absente. Ainsi, en 2024, une société immobilière a dû rembourser 428 000 euros à 1 450 ménages pour des charges indûment perçues.
Face à ces dérives, il est crucial de savoir comment défendre ses droits : de la demande de justification des charges à l’action en justice, explications des démarches à suivre pour agir efficacement contre les abus...

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Derrière chaque facture, une question brûlante : paie-t-on vraiment ce que l’on doit ?

Trop souvent, les charges locatives se transforment en un labyrinthe opaque où les locataires avancent à l’aveugle. Les enjeux sont parfois colossaux : ainsi en 2024, Immobilière 3F a été contrainte de rembourser 428 000 euros à 1 450 ménages du quartier de la Dame-Blanche-Nord à Garges-lès-Gonesse pour des charges locatives indûment perçues en 2010, 2011 et 2012 [1].

Cette régularisation concernait principalement la répercussion du salaire des gardiens sur les charges payées par les locataires ; le remboursement moyen s’élève à 216 euros par ménage [2].

Ces cas illustrent l’importance de la vigilance des locataires face aux pratiques abusives et la nécessité de recours juridiques pour défendre leurs droits. Pour éviter de vous y perdre, ce guide vous donne les clés pour comprendre vos droits et agir en toute autonomie, en vous appuyant sur les textes de loi et la jurisprudence les plus pertinents, afin de :

I. Maîtriser vos droits et les devoirs du bailleur.

A. Le droit à l’information.

Le bailleur a l’obligation légale de justifier chaque charge qu’il vous réclame [3]. Exigez un décompte clair, détaillé et transparent, appuyé par des pièces justificatives (factures, contrats de maintenance, etc.).

Rappelons que, si le contrat de fourniture d’eau n’est pas individualisé, le bailleur doit vous transmettre la facture d’eau ainsi que les informations complémentaires sur la qualité de l’eau qui lui ont été adressées [4].

B. L’obligation de régularisation annuelle.

Votre bailleur doit procéder à une régularisation annuelle des charges [5]. Un mois avant cette régularisation, il doit vous communiquer un décompte précis par nature des charges, ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires [6].

Cette obligation est essentielle pour assurer la transparence des dépenses. Sans ces éléments, vous n’êtes pas tenu de payer la différence demandée [7]. Mais il arrive, parfois, que ces obligations ne soient pas respectées…

II. Agir efficacement : les recours pré-contentieux à votre disposition.

Il convient d’envisager, chronologiquement de réaliser une demande formelle par LRAR (A), puis en l’absence de réponse de saisir la Commission départementale de conciliation (B). Il est, par ailleurs, envisageable de demander la consignation des loyers, mais c’est une stratégie lourde et risquée (C).

A. La demande formelle par LRAR.

Adressez à votre bailleur une lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR), dans laquelle vous exigez la régularisation des charges et la communication des justificatifs [8]. Soyez précis et listez les documents que vous souhaitez consulter. Conservez précieusement une copie de votre courrier et l’accusé de réception comme preuves de votre démarche.

B. La saisine de la Commission Départementale de Conciliation (CDC).

Si le dialogue avec votre bailleur est rompu, la Commission Départementale de Conciliation (CDC) peut vous aider à trouver une solution amiable [9].

Cette instance, gratuite et accessible, a pour mission de faciliter la résolution des litiges entre locataires et bailleurs. Elle peut vous aider à obtenir les justificatifs et à négocier un accord [10].

C. La consignation des loyers : une stratégie risquée.

La consignation des loyers consiste à déposer les sommes dues (loyer et provisions sur charges) auprès d’un organisme tiers, tel que la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Cette procédure peut être envisagée si le bailleur manque gravement à ses obligations (refus de justifier les charges, logement insalubre, etc.) et que le dialogue est impossible.

La consignation des loyers est une procédure encadrée : vous devez obtenir l’autorisation du tribunal judiciaire [11]. C’est une arme à double tranchant : si le juge estime que les manquements du bailleur ne sont pas suffisamment graves, votre demande peut être rejetée, et vous risquez d’être considéré comme un mauvais payeur.

III. Respecter vos obligations : pourquoi continuer de payer les provisions ?

A. Le risque d’expulsion : un danger réel.

Même si vous contestez les charges, il est fortement déconseillé de cesser de payer les provisions mensuelles [12]. Le bailleur pourrait engager une procédure d’expulsion pour défaut de paiement.

B. Prouver votre bonne foi : un atout majeur.

En continuant à payer les provisions, vous démontrez votre bonne foi et votre volonté de respecter vos obligations [13]. Cela renforce votre position en cas de litige.

IV. Faire respecter vos droits au contentieux : recours indemnitaires et actions collectives.

A. Les recours indemnitaires : obtenir réparation du préjudice.

Si vous avez subi un préjudice du fait de la non-remise des justificatifs ou de la régularisation tardive des charges, vous pouvez demander des dommages et intérêts [14]. Si toutes les tentatives de résolution amiable échouent, vous pouvez saisir le tribunal judiciaire [15].

Vous pouvez alors demander :
- Le remboursement des sommes injustifiées : la jurisprudence confirme que le locataire est en droit de demander le remboursement des provisions sur charges non justifiées [16].
- Des dommages et intérêts : si le comportement fautif du bailleur vous a causé un préjudice (moral ou financier), vous pouvez demander des dommages et intérêts [17].
- La régularisation des charges sous astreinte : le juge peut contraindre le bailleur à régulariser les charges sous peine d’astreinte (une somme d’argent à verser par jour de retard).

L’indemnisation peut couvrir :
- Des frais de gestion.
- La perte d’opportunités.
- Un préjudice moral.

Constituez un dossier solide avec toutes les preuves de votre préjudice : courriers, témoignages, justificatifs de dépenses, etc.

B. Les actions collectives : l’union fait la force.

Si plusieurs locataires de votre immeuble rencontrent les mêmes problèmes avec le bailleur (non-justification des charges, régularisation tardive, etc.), envisagez une action collective.
En pratique, il convient de :
- créer un collectif de locataires [18].
- recourir à une association de défense des locataires : des associations comme la CNL peuvent vous apporter une assistance juridique et vous représenter devant le tribunal.
- engager une action en justice collective : si les litiges sont similaires, vous pouvez saisir le juge sous forme d’action collective.

Conclusion.

Les charges locatives ne doivent pas être une source d’inquiétude ou d’injustice [19]. En connaissant vos droits et en suivant les étapes décrites dans ce guide, vous pouvez défendre vos intérêts et obtenir la transparence à laquelle vous avez droit.

Post-scriptum : je tiens à remercier chaleureusement Charline Véron, secrétaire juridique, ainsi que l’huissier de justice qui ont tous deux contribué à la rédaction de cet article (tout en respectant le souhait de ce dernier de rester anonyme).

Tristan Berger
Avocat à la Cour
Barreau de Paris
Docteur en Droit

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Notes de l'article:

[1C. Cass, 9 nov. 2017, 16-22.445 (https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036006671).

[2C. Cass, 9 nov. 2017, 16-22.445

[7Cass. 3e civ., 1er avril 2009, n° 08-14.854

[16Cass. 3e civ., 13 juillet 2005, n° 04-10.152

[17Cass. 3e civ., 21 mars 2012, n° 11-14.174

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Discussion en cours :

  • par GUILLEN Patrick , Le 10 mars à 12:36

    En complément de la réponse portant sur la démarche amiable par la saisine de la commission départementale de conciliation, qui en ce sujet peut (option et non pas obligation) effectivement être saisie, il ne faut pas passer sous silence, dans le même sens, la saisine d’un conciliateur de justice qui intervient lui-aussi gratuitement. Les parties peuvent faire homologuer le constat d’accord par le tribunal (formalité gratuite) afin de revêtir ledit accord de la formule exécutoire.

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