Pour mémoire, la clémence consiste à exonérer, totalement ou partiellement, d’amende l’entreprise qui a participé à une entente anticoncurrentielle, mais a fourni à l’Autorité des éléments d’informations suffisants pour aider l’Autorité à déceler et prouver celle-ci. Cet outil très efficace spécifique au droit de la concurrence a été à l’origine de nombreuses sanctions d’entente ces dernières années.
Le nouveau communiqué de clémence intègre les dernières évolutions législatives et réglementaires.
La procédure de clémence est prévue au IV de l’article L464-2 du Code de commerce, modifié par la loi n°2020-1508 du 3 décembre 2020, dite « DDADUE », et désormais principalement régie par les articles R464-5 et suivants du Code de commerce, introduits par le décret n°2021-568 du 10 mai 2021 pour transposer les articles 17 à 22 de la Directive ECN+ qui harmonisent les procédures de clémence au sein de l’Union européenne (Directive n°2019/1 du 11 décembre 2018).
Le communiqué révisé ne modifie pas les pratiques visées par les programmes de clémence, à savoir les cartels (sur les prix, sur des quotas de production ou de vente, de répartition de marché, y compris lors d’appels d’offres) ou autres pratiques similaires entre concurrents, y compris par l’intermédiaire d’acteurs en relation verticales avec d’autre acteurs (« hub and spoke »). L’Autorité continuera également à publier un communiqué de presse pour informer les entreprises ne faisant pas l’objet d’opérations de visite et de saisies et leur permettre également de demander la clémence.
Les précisions nouvelles portent, d’une part, sur la reprise des conditions d’éligibilités désormais codifiées par le Code de commerce et, d’autre part, sur des modifications procédurales.
1. Les modifications sur le fond.
Le nouveau communiqué reprend tout d’abord les conditions d’éligibilité à une exonération totale des sanctions pécuniaires :
- L’entreprise est la première à fournir des éléments permettant d’identifier l’entente avant que l’Autorité ou la DGCCRF ne dispose d’éléments suffisants pour déclencher une enquête ou avant toute enquête par ces dernières ou toute enquête pénale (type 1 A, article R464-5-1, I, 3° a) du Code de commerce)
- L’entreprise est la première à fournir des éléments suffisants pour établir l’existence de la pratique, dont ni l’Autorité ni la DGCCRF ne disposaient, et à condition qu’aucune entreprise n’ait déjà obtenu la clémence dans un cas de type 1A (type 1 B, article R464-5-1, I, 3°, b) du Code de commerce).
Les conditions d’éligibilité à une exonération partielle d’amende, pour les entreprises qui ne peuvent obtenir une exonération totale, restent globalement inchangées : les entreprises devront fournir des éléments apportant une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en possession de l’Autorité ou de la DGCCRF. Les fourchettes de réduction de l’amende en fonction du rang d’arrivée de l’entreprise ne sont pas modifiées (25 et 50% pour la première entreprise remplissant les conditions et entre 15% et 40% pour la deuxième et la réduction maximale sera de 25% pour les autres entreprises).
L’Autorité précise cependant qu’elle prendra en compte, pour apprécier la valeur ajoutée des éléments fournis, l’existence d’une instruction judiciaire sur les pratiques visées, dont elle pourrait récupérer des éléments.
Les autres conditions de fond sont inchangées : l’entreprise doit en principe mettre fin à sa participation à l’entente, elle doit coopérer totalement avec l’Autorité tout au long de l’enquête et de l’instruction et elle ne doit pas avoir détruit ou falsifié des preuves, ni divulgué son intention de présenter une demande de clémence.
Enfin, sur le plan pénal, le nouveau communiqué rappelle qu’en vertu de l’article L420-6-1 du Code de commerce, que les directeurs, gérants ou autres membres du personnel ayant obtenu une exonération totale des sanctions pécuniaires sont exempts des peines visées par l’article L420-6 du Code de commerce s’ils ont activement coopéré avec l’Autorité. L’Autorité indique qu’elle en informera le Producteur de la République de l’octroi de l’exonération totale des sanctions pécuniaires, en lui transmettant le dossier et les personnes ayant activement coopéré.
Cette nouvelle précision, qui permet d’encourager la coopération des personnes physiques en levant les risques de poursuite pénale, laisse demeurer les inquiétudes potentielles des personnes physiques dont la coopération est sollicitée lorsque l’entreprise n’est pas certaine d’être la première à demander la clémence.
2. Les modifications procédurales.
Sur le plan procédural, le nouveau communiqué apporte des précisions sur chacune des étapes de la procédure :
- Les modalités de dépôt de la demande de clémence sont étendues.
La 1ère nouveauté réside dans la possibilité d’adresser à l’Autorité la demande de clémence par un formulaire électronique sécurisé, via le site de l’Autorité ou par remise en personne à l’accueil, et non plus seulement par lettre recommandée avec avis de réception ou par téléphone, laissant le choix aux entreprises. La dématérialisation est bienvenue lorsque le temps presse pour être la première à déposer une demande.
- La demande de marqueur est consacrée.
La demande de marqueur permet au demandeur d’obtenir un délai, en principe d’un mois, pour rassembler les éléments nécessaires au soutien de sa demande tout en conservant la place de sa demande dans l’ordre d’arrivée.
- La dématérialisation de la demande de clémence.
La déclaration de clémence et les pièces au soutient de celle-ci peut désormais également être transmises par l’intermédiaire d’une plateforme d’échange sécurisée de documents, ce qui permet une économie de ressources tant pour le demandeur que pour l’Autorité.
La preuve est libre et les éléments transmis peuvent comprendre des pièces, des fichiers électroniques, des déclarations des cadres et des employés, et, précision nouvelle, enregistrements audios, y compris dissimulés.
Les suites données par le rapporteur général à la demande de clémence.
La procédure prévoyait auparavant que le rapporteur général instruisait la demande de clémence et, sur la base de son rapporte et lorsque les conditions sont remplies, le collège de l’Autorité rendait un avis de clémence, accordant une exonération totale d’amende ou fixant le niveau de l’exonération partielle, par une décision distincte de celle du fond.
La loi DDADUE a supprimé la procédure de l’avis de clémence. Désormais, le rapporteur général informe l’entreprise de son éligibilité à une exonération totale ou partielle, exonération qui devra être confirmée par le collège, mais au stade de la décision au fond.
Du point de vue du praticien et des entreprises, il est toujours utile de disposer de davantage de clarté et de simplicité, d’autant qu’il n’est pas toujours aisé de statuer sur la possibilité d’obtenir une exonération totale d’amende. Il reste à voir si ces améliorations auront un impact concret sur le nombre de demandes de clémence, aujourd’hui relativement limité, et le nombre de sanctions en découlant.