Avocats 'ultra spécialisés' - le droit se niche dans les détails (2) : Tiffen Marcel et le Droit militaire.

Avocats ’ultra spécialisés’ - le droit se niche dans les détails (2) : Tiffen Marcel et le Droit militaire.

Interview de Tiffen Marcel réalisée par Nathalie Hantz,
Rédaction du Village de la Justice.

Le Droit est partout... même dans les détails. Les "niches du Droit" en sont de moins en moins - justement- des détails, tant le nombre de professionnels qui choisissent un terrain de jeu très précis augmente régulièrement. Mais pas nécessairement dans les spécialités officielles, puisqu’au contraire les mentions de spécialisations officielles validées ne sont pas en franche augmentation.
La Rédaction du Village de la Justice est allée à la rencontre de ces avocats qui ont choisi de créer des cabinets entièrement de niche autour d’une activité sectorielle de leurs clients, créant alors une sorte de "spécialisation transversale" : mode, équitation, tourisme, e-sport...
Ici c’est Tiffen Marcel, qui a fait du droit militaire son activité principale [1] qui répond à nos questions pour ce deuxième portrait [2].

(Retrouvez le premier interview de cette chronique, avec Blanche de Granvilliers-Lipskind, avocate dont le domaine d’activité est le droit équin, ici) .

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Village de la Justice : Pourquoi avoir choisi de vous "ultra spécialiser" ? S’agit-il du résultat d’une passion, ou d’une vraie stratégie de création de valeur ajoutée maximale pour les clients ?

T.M : "En 2016, j’ai débuté ma carrière d’avocate en tant que collaboratrice dans un cabinet au sein duquel j’étais plutôt généraliste en droit public. Je faisais notamment du droit de l’urbanisme, du droit des marchés publics et du droit de la fonction publique.

Cette dernière matière m’a plus particulièrement intéressée du fait de son aspect plus humain.

Lorsque j’ai décidé de m’installer, je me suis spontanément dirigée vers cette branche du droit, avant de m’apercevoir rapidement que les militaires, du fait de leur statut très particulier, avaient besoin d’une expertise et d’un accompagnement adapté.

C’est donc progressivement, en répondant aux demandes des fonctionnaires et, particulièrement, des militaires et des gendarmes, que le spectre de mes compétences a évolué vers le droit militaire.

Désormais mon cabinet consacre l’intégralité de ses activités à la défense des militaires, des gendarmes, et de leurs familles, dans toutes ses composantes.

"Mon domaine de compétences est, tout à la fois, « ultra spécialisé », pour répondre aux besoins des militaires, et très transversal."

Mon domaine de compétences est, tout à la fois, « ultra spécialisé », pour répondre aux besoins des militaires, et très transversal, pour les assister dans toutes leurs problématiques (procédures administratives gracieuses et contentieuses, dommage corporel, droit pénal, recours en matière fiscale, etc…).

En réalité, mon activité ne relève d’aucune branche du droit particulière mais vise à répondre aux besoins d’une clientèle spécifique [3]

V.J : Cette approche est-elle novatrice ? A quels besoins répondez-vous ? Permet-elle de mieux répondre aux attentes des clients ?

T.M : "Le statut des militaires est tellement particulier que seul un avocat qui maîtrise bien ses différents aspects peut, à mon sens, répondre efficacement à leurs interrogations.

A titre d’exemples, les militaires sont soumis à des obligations spécifiques en matière de mutation ou de discipline. De même, ils sont, par principe, soumis à une obligation de recours préalable obligatoire (RAPO) avant toute saisine d’un tribunal administratif, ce qui n’est pas le cas de beaucoup d’autres fonctionnaires. D’un autre côté, les militaires disposent de droits propres en matière de congé maladie et d’indemnisation de leurs préjudices professionnels, par exemple.

Par ailleurs, il est très complexe pour un « civil » d’appréhender les enjeux des règles coutumières et des codes de conduite auxquels sont soumis les militaires.

Finalement, l’« ultra spécialisation » en droit militaire m’a semblé être la meilleure façon d’anticiper au mieux les problématiques des militaires et de leurs familles, et de leur fournir un accompagnement approprié tant sur le plan purement juridique qu’humain.

En me « spécialisant », j’ai pu rencontrer une clientèle à la fois très variée (militaires de tous les grades, gendarmes, sapeurs-pompiers de Paris, marins-pompiers, médecins militaires, légionnaires…) et présentant des problématiques souvent connexes voire similaires (sanction, mutation, indus de solde, accident de service, etc.).

Aujourd’hui, j’ai le sentiment d’être en mesure de fournir une véritable expertise à mes clients, de maîtriser les procédures et les codes institutionnels auxquels ils sont soumis et, ainsi, de leur délivrer une défense de qualité à la hauteur de leurs difficultés.

Je ne regrette absolument pas d’avoir fait ce choix et je suis fière d’accompagner des personnels qui sont parfois en grand désarrois."

V.J : Beaucoup des avocats de niche que nous avons recensés sont des femmes... Il y a une explication sans doute assez objective à cela : il y a de plus en plus de femmes avocates correspondant au niveau d’expérience habituel pour créer son cabinet ... Pour autant, y voyez-vous autre chose, une autre explication ?

T.M : "Si beaucoup d’avocats de niche sont des femmes, c’est à mon avis pour deux raisons principales.

D’abord, le taux d’emploi des femmes s’est considérablement accru ces dernières décennies. Il est donc dans le sens de l’histoire de retrouver de plus en plus de femmes à des postes à responsabilités dans tous les domaines et, par conséquent, de plus en plus de femmes avocates.

"Notre société évolue, dans tous ses pans économiques, vers un monde de spécialisations et d’expertises."

Ensuite, notre société évolue, dans tous ses pans économiques, vers un monde de spécialisations et d’expertises. Les clients aspirent à des réponses efficientes et sur-mesure, ce qui est une exigence parfaitement légitime.

C’est, à mon avis, la conjonction de ces deux facteurs qui conduit, tout naturellement, à ce qu’il y ait de plus en plus de femmes dans les cabinets de niches.

A titre personnel, il ne me semble pas que ma qualité de femme ait joué un quelconque rôle dans mes choix professionnels. C’est peut-être plutôt ma qualité de maman qui a pu influencer mon envie de devenir rapidement mon propre patron et ainsi, de créer, très tôt, mon propre cabinet.

En revanche, la délimitation du périmètre de mon cabinet émane d’une véritable réflexion. J’ai toujours eu la volonté de créer une structure à taille humaine qui me permette de me démarquer.

Les clients qui me choisissent ne le font donc pas uniquement pour mes compétences en droit militaire mais, également, parce qu’ils savent que je travaille sans intermédiaire et que j’assure personnellement le suivi de mes dossiers."

Le commentaire de la Rédac’ du Village : La spécialisation est plus transversale que vous ne le croyez, et dans l’air du temps !

Paradoxalement, se spécialiser sur une niche et s’y consacrer à 100% revient à aborder des sujets transversaux de droit, et donc à ne pas s’enfermer, mais plutôt à pousser très loin la connaissance d’un public de clientèle et ses demandes particulières, dans de nombreux domaines. Et à être en capacité d’avoir une vraie relation de proximité et d’apporter un conseil expert à un public qui souvent ne trouve pas les bonnes réponses dans un conseil généraliste.

Comme la société évolue de plus en plus vers du sur-mesure (quel que soit le secteur d’activité), que les clients aspirent à des réponses efficientes, l’exigence grandit pour le conseil juridique... La spécialisation semble alors une réponse pertinente.

Interview de Tiffen Marcel réalisée par Nathalie Hantz,
Rédaction du Village de la Justice.

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Notes de l'article:

[1Attention, l’article traite ici d’un domaine du droit particulier, et non des spécialités officielles qui font l’objet de 28 mentions de spécialisation et de leurs qualifications spécifiques dont la liste est publiée par le Garde des sceaux. CNB.

[2Tiffen Marcel est Avocate au Barreau de Paris, Cabinet Obsalis Avocat.

[3N.D.L.R. : Seule la qualification spécifique "droit pénal militaire" figure parmi les qualifications spécifiques sous la spécialité droit pénal.

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Discussion en cours :

  • par Girard Fabienne , Le 6 octobre 2022 à 20:29

    Article très intéressant qui permet de mieux connaître une spécificité peu courante actuellement.

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