Cautionnement indéfini et obligation d’information annuelle : une jurisprudence favorable à la défense des cautions.

Par Florian Desbos, Avocat.

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Explorer : # cautionnement # obligation d'information # droits des cautions

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 10 octobre 2019 est sans aucun doute un arrêt important pour la défense des cautions. Il concerne les cautionnements indéfini consentis par des personnes physiques, certes un peu plus rare en pratique que les cautionnements limités, mais représentant souvent des enjeux importants, et l’obligation d’information en lien avec ces cautionnements.

Cour de cassation, 1ere chambre civile, 10 Octobre 2019, n°18.19-211

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Les textes régissant l’obligation d’information applicable à ces cautionnements figurent dans trois codes différents.

Il est rappelé que l’article 2293 alinéa 2 du Code civil dispose :

« Le cautionnement indéfini d’une obligation principale s’étend à tous les accessoires de la dette, même aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution.

Lorsque ce cautionnement est contracté par une personne physique, celle-ci est informée par le créancier de l’évolution du montant de la créance garantie et de ces accessoires au moins annuellement à la date convenue entre les parties ou, à défaut, à la date anniversaire du contrat, sous peine de déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités. »

Cette obligation d’information annuelle coexiste avec deux autres dispositions : l’article L313-22 du Code monétaire et financier et l’article L333-2 du Code de la consommation.

Ces dispositions prévoient des obligations différentes.

L’article L313-22 du code monétaire et financier impose aux établissements de crédit la délivrance d’une information à la caution sur le montant de la dette, non pas sur son évolution.

Par ailleurs l’information doit aussi porter sur le terme de l’engagement ou la faculté de la révocation de la caution.

L’article L333-2 du Code de la consommation étend à tout créancier professionnel et au profit des seules cautions personnes physiques l’information du code monétaire et financier.

Ces deux textes prévoient une sanction plus limitée que l’article 2293 alinéa 2 du Code civil : ceux-ci limitent en effet la sanction de la déchéance aux seuls accessoires nés pendant la période où l’information n’a pas été donnée.

L’espèce ayant donné lieu à l’arrêt en date du 10 octobre 2019 est assez classique : suite à des impayés de l’emprunteur la déchéance du terme a été prononcée et la Banque s’est retournée contre la caution, indéfinie et solidaire. Elle a fait ainsi inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien immobilier appartenant à la caution. La caution a assigné la Banque en mainlevée de la sûreté, en soutenant qu’il n’était pas justifié de son information annuelle du montant de la créance, et a sollicité la déchéance de tous les accessoires, intérêts, frais et pénalités.

La Cour d’appel de Basse-Terre a prononcé la déchéance de tous les accessoires de la dette, et a exigé de la Banque qu’elle recalcule le montant de sa créance.

La Banque a alors formé un pourvoi.

Elle a demandé que la Cour de cassation raisonne par analogie avec les articles L313-22 du Code monétaire et financier, et L333-2 du Code de la consommation, et limite la sanction de la déchéance du droit aux intérêts à ceux échus depuis la précédente information jusqu’à la date de la communication à la caution de la nouvelle information.

La Cour de cassation a rejeté ce raisonnement. On ne peut que l’approuver. Compléter un texte, sans aucune raison, avec des dispositions différentes, et concernant des champs d’application différents, et ce alors même que le texte dont il est fait application est clair, constituerait un empiétement flagrant sur les pouvoirs du législateur.

Le raisonnement par analogie à ses limites.

La déchéance totale du droit aux intérêts représente ainsi un moyen très sérieux pour les cautions indéfinies personnes physiques.

En effet les Banques souvent respectent leur obligation d’information de façon aléatoire, ou sont incapables de prouver le respect de celle-ci, sachant que la charge de la preuve de l’envoi des courriers d’information pèse sur elles.

La déchéance du droit aux intérêts depuis l’origine du contrat de prêt peut ainsi permettre de réduire de façon conséquente la dette des cautions.

Florian DESBOS
Avocat au Barreau de LYON
www.avocats-desbosbarou.fr

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