Nullité d’une caution pour dol en raison d’un défaut d’information.

Par Florian Desbos et Laurie Lherbier, Avocats.

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Explorer : # nullité de la caution # défaut d'information # devoir d'information des banques # réticence dolosive

Le Tribunal Judiciaire de Lyon (TJ Lyon, 4 janvier 2022, n°19/01109), comme avant lui la Cour d’appel de Rouen (CA Rouen, ch. civ. et com., 17 décembre 2020, n°19/00230) a jugé que le défaut d’information peut constituer une réticence dolosive de nature à entraîner la nullité de l’acte de cautionnement.

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Dans cette affaire, un entrepreneur avait souscrit en 2011 un emprunt auprès d’une Banque pour l’acquisition d’un fonds de commerce.

Cet emprunt avait été triplement garanti par :
- Un nantissement sur le fonds de commerce ;
- Une garantie SACCEF à hauteur de 30% ;
- Une caution personne physique à hauteur de 100%.

Face aux impayés de l’emprunteur, la Banque prononça la déchéance du terme et assigna la caution en paiement de la somme de 162 876,76 euros outre intérêts, devant le Tribunal Judiciaire de Lyon.

En défense, la caution, qui n’avait pas été régulièrement informée du caractère subsidiaire de la garantie SACCEF et donc de la portée de son engagement, invoqua la nullité de l’acte de cautionnement sur le fondement du dol [1].

En l’espèce, les éléments d’information délivrés par la Banque concernant la mise en œuvre des garanties étaient lacunaires :
- L’acte de prêt renvoyait à une annexe, laquelle n’avait pas été fournie par la Banque ;
- L’acte de cautionnement mentionnait pour l’essentiel que la caution renonçait à se prévaloir des articles 2303 et 2310 du Code civil.

Dans ces circonstances, la juridiction a accueilli l’argumentation développée par la caution en jugeant que :

« Au vu de ces éléments, le caractère subsidiaire de la caution SACCEF Pro mise en œuvre par la Cie EUR de Garanties et Cautions, qui n’avait pas pour effet de fournir une garantie conjointe à l’obligation contractée par X, ni de réduire l’étendue de son engagement, n’était pas mentionné sur l’acte de prêt et il n’était stipulé que de manière peu abordable pour une caution non avertie dans l’acte de caution de X.

Cette défaillance dans le devoir d’information préalable de X, constitue une réticence dolosive qui a vicié son consentement, donné au vu d’un ensemble des garanties dont elle ne pouvait comprendre l’économie. »

La présente décision s’inscrit dans le cadre d’un contentieux déjà fourni en matière d’acte de cautionnement.

Elle vise plus particulièrement le cas d’un contrat de prêt pour lequel la Banque aurait assorti son engagement d’une garantie de type SACCEF (Société d’Assurance des Crédits des Caisses d’Epargne de France) ou OSEO, afin de faire face au risque de défaillance de l’emprunteur.

Ces garanties couvrent une partie de l’emprunt souscrit et ne peuvent être actionnées par la Banque qu’après épuisement des voies de recours à l’encontre des cautions personnes physiques.

La jurisprudence a déjà eu l’occasion de se prononcer sur le devoir d’information des banques en la matière.

Elle a pu juger que la carence de la Banque dans son devoir d’information concernant l’objet et le fonctionnement de la garantie OSEO engage sa responsabilité, et que le préjudice de la caution consiste en une perte de chance de ne pas contracter [2].

Elle a cependant pu écarter sa responsabilité en présence d’une caution « manifestement avertie en matière financière » [3].

La carence de la Banque est appréciée in concreto. Ainsi, la jurisprudence a récemment écarté la responsabilité de l’établissement bancaire, considérant que les éléments fournis suffisaient à éclairer la caution sur le caractère subsidiaire de la garantie [4].

Dans l’affaire commentée, la nouveauté se situe donc sur le terrain de la sanction applicable en cas de manquement par la Banque à son devoir d’information.

Déjà, la Cour de cassation n’excluait pas que l’erreur sur le caractère subsidiaire de la garantie puisse fonder la nullité de l’acte de cautionnement [5].

Le Tribunal Judiciaire de Lyon, comme avant lui la Cour d’appel de Rouen [6] a cette fois-ci jugé que le défaut d’information peut constituer une réticence dolosive de nature à entraîner la nullité de l’acte de cautionnement [7].

Nul doute que ces décisions ont été rendues en considération de la qualité de la caution, des éléments d’information fournis par la Banque et de l’accessibilité de ces éléments pour une personne non avertie.

En effet, dans les deux espèces, les juges ont relevé que la caution était l’épouse du gérant et n’avait aucun rôle dans le commerce pour lequel l’emprunt avait été souscrit.

Ils ont également relevé que les informations fournies par la Banque étaient peu abordables pour une caution non avertie.
Cette décision apparaît difficilement critiquable.

Florian Desbos et Laurie Lherbier
SCP Desbos Barou
Avocats au Barreau de Lyon
www.avocats-desbosbarou.fr

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Notes de l'article:

[1Ancien. art. 1116 Code civil.

[2CA Toulouse, 8 octobre 2013, n°12/00998, CA Agen, civ. 15 mars 2018, n°16/01130.

[3Cass, ch. com, 3 décembre 2013, n°12-23.976.

[4Cass, com. 5 février 2020, n°18-21.444.

[5Cass, com., 22 septembre 2015, n°14-17.671.

[6CA Rouen, ch. civ. et com., 17 décembre 2020, n°19/00230.

[7Dans d’autres espèces, la jurisprudence avait déjà pu admettre que le manquement de la banque à son devoir d’information puisse constituer une réticence dolosive sanctionnée par la nullité de l’acte de cautionnement (voir Cass, 1 ère civ., 13 mai 2003, 01 11.511 ; Cass, com., 23 septembre 2014, n°13-20.766).

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