Depuis la promulgation de la loi pour l’initiative économique du 1er août 2003, dite loi Dutreil, la doctrine n’a de cesse de dénoncer la formulation hasardeuse de l’article L 341-3 du Code de la consommation. Procédant à un élargissement des mesures issues de la loi Neiertz du 31 décembre 1989 codifiées à l’article L 313-8 du même code, l’article L 341-8 impose au créancier professionnel de faire reproduire à la caution solidaire, personne physique, une mention manuscrite destinée à alerter cette dernière sur la portée de son engagement. Adoptées à la hâte par la Commission spéciale à la suite de l’amendement d’un parlementaire, les dispositions issues de la loi pour l’initiative économique du 1er août 2003 n’ont fait qu’accroître les difficultés déjà générées par le formalisme de l’acte de cautionnement.
Sur la forme, le maintien des deux dispositions peut sembler surprenant, l’article L 341-3 englobant totalement l’article L 313-8 dont l’intérêt est dès lors bien mystérieux. On se souvient également qu’un important débat s’était noué autour de l’application dans le temps de la loi Dutreil, avant que la question ne soit finalement tranchée par la chambre mixte.
Sur le fond, l’article L.341-3 du Code de la consommation demeure toutefois une source encore abondante d’interrogations, tant sa rédaction semble procéder d’un législateur que l’on a pu qualifier d’aveugle et têtu.
La mention manuscrite imposée est ainsi formulée : « en renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X…, je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X… ». Carbonnier mettait en garde contre le trop plein d’information qui, à la longue, s’avère contre-productif en diminuant l’attention du destinataire. Le piège ici tendu par le législateur à la caution est encore plus grand et sournois. Abondante, l’information l’est certainement au vu de la multiplicité et de la diversité des textes destinés à l’assurer. Elle n’en est pas moins incomplète et erronée, puisque la solidarité est ici définie par seule référence à la renonciation au bénéfice de discussion et fait fi du bénéfice de division. Or, la renonciation au bénéfice de division est loin d’être exempte de dangers, notamment dans l’hypothèse où une dette serait cautionnée par plusieurs cofidéjusseurs.
Ce texte est encore plus surprenant par la sanction qu’il assigne au respect de ce formalisme. La mention concernant la solidarité de l’engagement est requise « à peine de nullité de [l’] engagement ». C’est donc le cautionnement dans son entier qui tombe pour sanctionner le formalisme relatif à la seule solidarité. Il eût été plus logique de sanctionner le défaut de la mention requise par l’article L 341-3, non point par l’inefficacité du cautionnement, mais plutôt par l’inefficacité de la seule solidarité, objet du formalisme informatif prévu par ce texte. Ainsi, en l’absence de la mention manuscrite prescrite par l’article L 341-3, on aurait pu imaginer que la clause prévoyant la solidarité soit réputée non-écrite et le cautionnement requalifié en cautionnement simple. L’équilibre entre protection de la caution et efficacité de la sûreté s’en serait trouvé bien plus respecté.
Pourtant, au vu de la lettre du texte, il semblait falloir se résigner à voir appliquer cette sanction pour le moins baroque qui aboutit, in fine, à ce que le créancier d’un cautionnement solidaire à la mention erronée soit moins bien loti que s’il n’avait pris aucune disposition en ce sens. Il n’y avait plus qu’à attendre l’hypothétique intervention d’un législateur plus avisé.
C’était peut-être sans compter sur l’audace de la jurisprudence dont le rôle n’est plus seulement de dire le droit mais parfois, aussi, de le redresser.
En effet, confrontée à l’application de l’article L 341-3, la Cour d’appel de Bourges n’hésitait pas à énoncer que : « la solidarité ne constituant qu’une modalité spécifique du cautionnement, la sanction de l’inobservation de la mention imposée par l’article L. 341-3 du Code de la consommation ne peut conduire qu’à l’impossibilité pour la banque de se prévaloir de cette solidarité, l’engagement souscrit […] dans le respect des dispositions de l’article L 341-2 du même code demeurant valable en tant que cautionnement simple ». On pouvait redouter la censure des magistrats du quai de l’Horloge, dont il est peu dire qu’ils se sont érigés en garant d’une application littérale des articles L. 341-2 et L. 341-3 (la Cour de cassation estime par exemple qu’un cautionnement qui ne reproduit pas lesdites mentions "à la virgule près" encourt la nullité).
Pourtant, l’arrêt de la Cour d’appel de Bourges est approuvé par les magistrats du Quai de l’Horloge par un arrêt de rejet du 8 mars 2011.
En opportunité, la solution ne peut être qu’accueillie favorablement. Si la mention manuscrite concernant la solidarité est absente ou erronée, il n’en reste pas moins que le formalisme relatif à l’engagement de caution lui-même, et notamment l’article L 341-2, a bien été respecté. On voit donc mal pour quelle raison le cautionnement devrait être annulé en son ensemble, comme si « la modalité de solidarité formait un tout indivisible avec le cautionnement ». Il semble en effet difficile de soutenir que la solidarité constituait la cause impulsive et déterminante du cautionnement seul argument qui, au-delà du texte, pourrait justifier la nullité de l’acte dans son ensemble.
D’un point de vue strictement juridique, il est toutefois clair que les juges procèdent ainsi à une application en totale contradiction avec la lettre du texte. La formule « à peine de nullité de son engagement » vise de toute évidence la nullité du cautionnement. Elle est d’ailleurs reprise à l’identique de l’article L 341-2 dont il n’est pas contesté qu’il vise – cette fois de façon cohérente – la nullité de l’acte dans son ensemble. L’arrêt statue donc purement et simplement contra legem : la jurisprudence ne dit plus le droit, elle le (re)fait.
Avec une bonne dose de hardiesse, il n’est pourtant pas impossible de soutenir qu’il faut comprendre à la lecture de l’article L 341-3 que la « nullité de l’engagement » désigne non pas la nullité de l’engagement de caution, mais la nullité de l’engagement de solidarité. La Cour de cassation ne prend même pas la peine de feindre de le penser…
Voilà toutefois une décision courageuse qui méritait une brève mise en lumière.