L’orientation scolaire désigne le processus pédagogique et administratif conduisant à diriger un élève scolarisé vers une filière d’étude secondaire, au collège ou au lycée [1]. Concrètement, il s’agit d’une orientation vers les voies d’orientations générales, technologiques ou professionnelles mais également vers des classes spécifiques (CHAM, ULIS, sections internationales [2]).
L’orientation scolaire peut se faire de manière consensuelle quand l’élève obtient la filière de son choix ou conflictuelle, quand ce n’est pas le cas. C’est cette dernière hypothèse qui nous intéressera.
Car si l’orientation scolaire dépend du choix personnel de l’élève et de ses parents [3], ils n’ont en réalité pas le dernier mot. L’administration scolaire non plus au demeurant, puisque ses décisions restent soumises au contrôle du juge.
Processus d’orientation scolaire.
Le processus d’orientation comporte plusieurs étapes bien définies dans le Code de l’éducation. Dans un premier temps, le conseil de classe étudie les demandes formulées par les familles [4]. Il émet alors des « propositions » d’orientation [5]. Si ces propositions sont en accord avec les demandes familiales, le chef d’établissement prend une décision [6]. Si ce n’est pas le cas, il doit recueillir les observations de la famille [7]. En cas de désaccord persistant, le chef d’établissement prend la décision d’orientation. Cette dernière doit être motivée, c’est-à-dire comporter « des éléments objectifs ayant fondé les décisions, en termes de connaissances, de capacités et d’intérêts ».
La décision d’orientation du chef d’établissement peut faire l’objet d’un appel devant des commissions dédiées à l’examen des recours en matière d’orientation [8].
Phase amiable obligatoire : les commissions d’appel.
Les décisions d’orientation prises dans l’enseignement public sont applicables dans les établissements d’enseignement privés sous contrat, et réciproquement [9]. Pourtant, elles ont recours à des commissions d’appel différentes. Les rectorats organisent les commissions d’appel qui gèrent les appels formés par les élèves scolarisés dans les établissements publics tandis que les établissements privés sous contrat disposent de leurs propres commissions d’appel.
Les étapes de la procédure d’appel sont déterminées par les articles D331-34 et D331-35 du Code de l’éducation pour le public et aux articles D331-46 à D331-61 pour le privé. Dans le public, l’élève ou ses parents doivent respecter le délai d’appel, très court, fixé à trois jours (dont ils sont sensés avoir été informés). C’est le chef d’établissement qui est saisi de l’appel et qui transmet ce dernier à la commission, assorti des « décisions motivées ainsi que tous éléments susceptibles d’éclairer cette instance ». L’élève mineur peut être entendu à sa demande, avec l’accord de ses parents. Ils peuvent être représentés par un avocat. Les décisions prises par la commission d’appel valent décisions d’orientation (presque) définitives.
En effet, en cas de désaccord sur la décision prise par la commission d’appel il est possible pour la famille d’obtenir le maintien dans le niveau de classe d’origine, c’est-à-dire le redoublement (une fois seulement) [10] Il est également possible de saisir les tribunaux pour contester cette décision.
Contester en justice la décision de la commission d’appel.
Avant de saisir un juge, il convient de déterminer la juridiction compétente. Le choix est simple : pour les écoles privées, il s’agit du juge judiciaire, pour les écoles publiques, du juge administratif [11]. Les décisions rendues par le juge judiciaires sont quant à elles plus rares - ou moins accessibles [12] et l’article se focalisera donc surtout sur le contentieux administratif.
S’agissant des établissements publics, il est nécessaire de saisir le tribunal administratif par un recours en excès de pouvoir et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la commission d’appel. Il faut avoir exercé au préalable le recours devant la commission d’appel.
Plusieurs types d’arguments - qu’on désigne sous le terme de « moyens » dans le jargon juridique - peuvent être soulevés. Le juge contrôle en premier lieu la bonne composition de la commission d’appel ayant pris la décision d’orientation contestée [13]. Il censure par exemple l’absence du recteur [14], ou du professeur principal [15]. L’absence du représentant des associations de parents d’élèves vicie également la procédure [16].
Le juge contrôle également les autres vices de procédures. Est ainsi annulée la décision d’orientation prise alors que l’enfant ou ses parents n’ont pas pu s’exprimer durant la commission [17]. Selon la jurisprudence, la date de la réunion de la commission d’appel soit portée à la connaissance des parents de l’élève concerné dans un délai leur permettant d’assister à cette réunion [18]. Le juge vérifie en outre que le dossier de l’élève a bien été transmis aux membres de la commission [19].
Le juge administratif a annulé une décision d’orientation prise alors que les parents n’avaient pas été reçus par le chef d’établissement, même si la plupart des juges considèrent que les vices de procédure intervenus en amont de la commission ont été purgés [20].
La jurisprudence contrôle également la forme de la décision. C’est le cas principalement quand la décision de la commission d’appel n’est pas du tout motivée [21] mais également quand elle est insuffisamment motivée [22]. Le seul fait d’indiquer « niveau non atteint » est insuffisant, la commission doit être plus précise [23]. C’est le cas également pour les termes « niveau insuffisant » [24] jugé trop flou pour constituer une motivation. La commission doit en outre examiner les demandes d’orientation alternatives effectuées par les parents [25].
Le juge contrôle enfin le contenu même de la décision d’orientation, se limitant cependant à un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation [26]. Le juge a censuré comme manifestement erroné le refus d’orientation opposé à un élève aux résultats mitigés et dont la scolarité avait été perturbé par des problèmes de santé et un contexte familial particulier [27]. Le juge a également suspendu une décision de refus d’orientation alors que l’élève avait plus de 10 de moyenne [28]. Les censures pour erreur manifeste d’appréciation restent cependant rares, le juge étant timide en la matière.
En matière d’orientation d’un enfant en matière de handicap, le juge procède à un contrôle plus poussé. Le contentieux est partagé entre juge administratif et judiciaire, les décisions d’orientation prises par la MDPH relevant du tribunal judiciaire. Ce dernier a pu ordonner à la MDPH l’orientation d’un élève en situation de handicap en classe ULIS [29]. Une décision similaire a été prise s’agissant d’orientation d’un enfant en ULIS en attente d’une place en IME [30].
Compte tenu de l’urgence à obtenir une décision d’orientation avant la rentrée suivante, les requérants doublent en général leur recours pour excès de pouvoir d’un référé suspension. Ce dernier est en principe jugé en un mois. Sa recevabilité est conditionnée à la justification de l’urgence. Dès lors qu’en matière d’éducation, le Conseil d’État retient l’urgence dès lors que la décision « risque de causer à ces élèves, ou à certains d’entre eux, un grave préjudice en les privant de la possibilité de faire, en temps utile (…) un autre choix de scolarité et de carrière » [31], ce qui nous semble être le cas automatiquement en matière d’orientation.
Le requérant peut également déposer un recours indemnitaire, pour lequel il est classiquement nécessaire de démontrer une faute de l’administration, le préjudice subi par le candidat et le lien de causalité entre les deux. La responsabilité de l’État a pu être retenue en raison de sa carence à orienter un élève dans une structure adaptée à son handicap [32]. Pour les autres élèves, les condamnations en raison d’une faute dans l’orientation d’un élève semblent rares. Pour ce type de contentieux, la représentation par un avocat est obligatoire.