La « une » raciste sur Christiane Taubira : que risque l'hebdomadaire « Minute » ?

La « une » raciste sur Christiane Taubira : que risque l’hebdomadaire « Minute » ?

Réginald Le Plénier
Rédaction du village de la justice

1844 lectures 1re Parution: Modifié: 4.73  /5

Explorer : # injure raciale # liberté d'expression # presse # procédure judiciaire

En l’espace de quelques semaines, Christiane Taubira, ministre de la Justice et garde des Sceaux, a été victime de trois injures à caractère racial. La dernière en date a eu lieu le 13 novembre 2013 et proférée par « Minute », titre de presse d’extrême droite.
Jean-Marc Ayrault, Premier Ministre a annoncé qu’une action en justice allait être intentée à l’encontre de l’éditeur de la revue et qu’une réflexion était portée pour savoir s’il était possible d’interdire la vente de ce magazine.

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L’infraction d’injure publique à caractère racial est-elle bien constituée ? Est-il possible d’interdire la vente du dernier numéro de cette revue d’extrême droite ?
Nous allons tenter de répondre à ces questions dans les lignes qui suivent.

Sur l’injure publique à caractère racial.

La loi du 29 juillet 1881 a instauré un certain nombre de règles qui constituent le socle de notre droit de la presse. Bien que ces dispositions datent de plus d’un siècle, elles sont encore applicables aujourd’hui.
L’injure est un délit réprimé par l’article 33 de la loi de 1881 qui dispose que « sera punie de six mois d’emprisonnement et de 22 500 euros d’amende l’injure commise, dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».
Il ne fait aucun doute que les propos voulant assimiler une personne de couleur à un animal sont une injure. Toutefois, pour que le délit soit constitué, il est nécessaire qu’il possède un caractère public : ce qui est le cas dans cette affaire. En effet, les propos ont été tenus dans la une d’une revue vendue en kiosque et par conséquent destinée au public.

« Minute » ne pourra échapper à la condamnation pour injure publique à caractère racial.

Toutefois, le titre de presse se veut serein à l’annonce de cette action en justice et rappelle la relaxe de Charlie Hebdo qui avait été également poursuivi pour injure publique à caractère racial suite aux caricatures de Mahomet. En mars 2007, la 17ème chambre du TGI de Paris avait précisé dans son jugement que « en dépit du caractère choquant, voire blessant, de cette caricature pour la sensibilité des musulmans, les circonstances de sa publication dans le journal Charlie Hebdo apparaissent exclusifs de toute volonté délibérée d’offenser directement et gratuitement l’ensemble des musulmans ».

Il y avait donc ici l’absence de tout désir d’offenser, de blesser la communauté musulmane, ce qui n’est pas le cas du titre de presse responsable de la une injurieuse, titre de presse bien connu pour ses prises de positions volontairement provocantes et blessantes.

Sur l’interdiction de la vente du numéro du titre de presse.

Une procédure en référé aurait pu permettre d’interdire la vente du dernier numéro de « Minute ». Cependant, seule Christiane Taubira aurait pu engager cette action. Elle a fait savoir qu’elle ne le souhaitait car cela aurait pu permettre d’augmenter la vente du titre de presse et lui faire de la publicité.
Toutefois, pour faire respecter l’ordre public, le Premier Ministre a décidé d’engager une action à l’encontre de la société éditrice et a opté pour la voie pénale.

Pourquoi cette procédure ?
La liberté d’expression est considérée en France comme étant un droit fondamental et interdire la vente d’une revue correspond à de la censure ce qui est contraire aux valeurs de la République. Il est ainsi extrêmement rare que les juges interdisent la vente d’un bien culturel. La condamnation en référé de la société éditrice paraissait ainsi extrêmement compromise et l’échec de l’Etat dans cette action aurait pu donner du crédit à la revue.

C’est pourquoi Jean-Marc Ayrault a choisi une procédure de fond qui prendra, certes, bien plus de temps que le référé mais qui présente une issue bien plus favorable pour l’Etat.

Réginald Le Plénier
Rédaction du village de la justice

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