Chambre sociale, 7 février 2018, n°16-10.955 : « Mais attendu d’abord qu’ayant constaté que les demandes de congé de la salariée mentionnaient comme motif de son absence l’exercice de ses fonctions de conseiller prud’homme, la cour d’appel en a déduit, dans l’exercice de son pouvoir souverain, que l’employeur était informé de l’existence du mandat, extérieur à l’entreprise, de la salariée ».
En l’espèce, une salariée, titulaire d’un mandat de conseiller prud’homme a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Cette salariée a saisi la juridiction prud’homale afin de contester la légitimité de son licenciement, qu’elle considère intervenu en méconnaissance du statut protecteur accordé aux salariés titulaires d’un mandat.
Les juges du fond accueillent les demandes de la salariée et déclarent nul le licenciement intervenu en violation du statut protecteur accordée à la salariée et condamnent l’employeur en conséquent. En effet, les juges du fond considèrent que l’employeur avait connaissance de la détention par la salariée d’un mandat de conseiller prud’homme en raison de ses diverses demandes de congé transmises à son responsable hiérarchique qui mentionnent une demande d’absence pour exercer les fonctions de conseiller prud’homme.
L’employeur forme un pourvoi en cassation.
L’employeur conteste notamment la décision rendue par les juges du fond en invoquant le fait qu’il ne pouvait être au courant du mandat détenu par la salariée. L’employeur avance notamment les arguments suivants à l’appui de son pourvoi :
- Les demandes de congé sont impropres à établir avec certitude la connaissance par l’employeur de la qualité de conseiller prud’homme de la salariée ;
- Le cas échéant s’il est considéré que ces preuves suffisent à déterminer la connaissance par l’employeur du mandat détenu par la salariée, l’employeur précise que c’était en l’espèce, le responsable hiérarchique de la salariée qui avait connaissance de la détention d’un mandat par cette dernière ;
- Par conséquent, il n’est pas établi en l’espèce que l’autorité en charge du licenciement était informée du mandat détenu par la salariée.
La chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 7 février 2018 (n°16-10.955) rejette le pourvoi formé par l’employeur. La Cour considère en effet que les demandes de congé de la salariée mentionnaient comme motif de son absence l’exercice de ses fonctions de conseiller prud’homme. Par conséquent, l’employeur était informé de l’existence du mandat de la salariée.
Protection des salariés investis de certains mandats :
En vertu de l’article L2411-1 du Code du travail dans son actuelle et sa précédente version, bénéficie de la protection contre le licenciement et plus largement, contre la rupture de son contrat de travail, le salarié investi de l’un des mandats suivants (pour les mandats les plus communs) : délégué syndical, membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique, représentant syndical au comité social et économique, représentant de proximité délégué du personnel, membre élu du comité d’entreprise, représentant syndical au comité d’entreprise, représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, salarié mandaté pour négocier et conclure un accord collectif, représentant des salariés au conseil d’administration ou de surveillance, conseiller du salarié, conseiller prud’homme, défenseur syndical, etc.
L’employeur a connaissance des mandats qui sont exercés à l’intérieur de son entreprise. De ce fait, les salariés concernés sont protégés dès lors que leur mandat prend effet et ce, jusqu’à une certaine limite qui diffère selon la nature du mandat du salarié.
En revanche, en ce qui concerne les mandats exercés à l’extérieur de l’entreprise, comme pour les plus communs, le mandat de conseiller prud’homme ou de défenseur syndical ou de conseiller du salarié, dans la mesure où ces fonctions ne sont pas exercées dans l’entreprise, l’employeur n’a pas toujours connaissance de la détention d’un tel mandat par le salarié.
Par conséquent, les salariés détenant un mandat extérieur à l’entreprise, même s’ils bénéficient de la protection accordée en vertu des articles L. 2411-1 et suivants du Code du travail, doivent, pour s’en prévaloir, informer leur employeur de la détention de leur mandat.
Condition d’application de la protection accordée aux salariés détenant un mandat extérieur à l’entreprise :
Le bénéfice de la protection accordée aux salariés titulaires d’un mandat extérieur à l’entreprise est subordonné à une démarche du salarié qui doit être antérieure à la rupture de son contrat de travail.
Ce dernier doit en effet avoir informé l’employeur de sa situation avant une certaine date butoir, qui dépend du mode de rupture de son contrat de travail.
La Cour de cassation admet toutefois le bénéfice de la protection dans le cas particulier du salarié qui ne serait pas en mesure d’établir qu’il a informé l’employeur, mais qui rapporte la preuve que ce dernier avait connaissance de son statut protecteur.
Information de l’employeur :
Le salarié, titulaire d’un mandat de conseiller prud’homal ne peut se prévaloir de la protection que si, au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement ou, s’il s’agit d’une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l’acte de rupture, il a informé l’employeur de l’existence de ce mandat ou s’il rapporte la preuve que l’employeur en avait alors connaissance (Cass. soc. 14-9-2012 n° 11-21.307).
Lorsque la rupture du contrat de travail impose la tenue d’un entretien préalable, le salarié doit prévenir l’employeur de son mandat au plus tard au cours de cet entretien.
Lorsque la rupture ne nécessite pas d’entretien préalable, l’employeur doit être informé avant la notification de l’acte de rupture.
Ainsi, sauf le cas particulier où le salarié démontre que son employeur avait forcément connaissance de son mandat et donc, de la protection accordée, un salarié ne peut se prévaloir de la protection qui lui est accordée au titre de son mandat s’il n’a pas informé son employeur de la détention d’un tel mandat dans les délais indiqués à savoir, au plus tard au moment de l’entretien préalable ou le cas échéant, lorsque le mode de rupture du contrat de travail ne nécessite pas d’entretien préalable, avant la notification de la rupture du contrat de travail.
Ainsi par exemple, n’est pas considéré comme nulle la rupture de la période d’essai d’un salarié n’ayant pas informé son employeur de son statut de conseiller du salarié lors de l’entretien préalable à l’issue duquel la fin de la période d’essai lui a été notifiée, et alors que l’intéressé ne s’était jamais absenté de l’entreprise pour exercer son mandat (Cass. soc. 6-5-2014 n° 13-16.498).
En revanche, et comme cela est le cas dans l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 7 février 2018 (n°16-10.955), lorsqu’il est démontré que l’employeur avait forcément connaissance du mandat détenu par le salarié, notamment dans ce cas d’espèce, lorsque les demandes de congé de la salariée mentionnaient comme motif de son absence l’exercice de ses fonctions de conseiller prud’homme, alors le salarié bénéficie de la protection accordée contre la rupture de son contrat de travail.
Attention cependant, il convient de rapporter la preuve de la connaissance par l’employeur de la détention d’un mandat par le salarié. Ce qui n’est pas toujours évident puisque l’exercice d’un mandat à l’extérieur de l’entreprise suppose que le salarié n’exerce pas les missions liées à son mandat au sein de l’entreprise.
Ainsi, par mesure de sécurité, il convient pour tous les salariés titulaires d’un mandat extérieur à l’entreprise, d’informer leur employeur de la détention d’un tel mandat le plus rapidement possible notamment lorsque la rupture du contrat de travail est envisagée (terme du CDD, rupture conventionnelle, procédure de licenciement, etc.).
Source : Cour de cassation, Chambre sociale, 7 février 2018, n°16-10.955.