Un sujet proposé par la Rédaction du Village de la Justice

Eclairage sur la conservation et l’effacement des données recueillies au FAED.

Par Florian Godest Le Gall, Avocat.

2845 lectures 1re Parution: Modifié: 4.73  /5

Explorer : # protection des données personnelles # conservation des données # effacement des données # cnil

Créé par le décret n°87-249 du 8 avril 1987, le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) a pour objet de collecter les « traces », ainsi que les empreintes digitales et palmaires des personnes mises en cause dans le cadre d’enquêtes de flagrance ou préliminaires, d’une commission rogatoire, d’enquêtes ou informations concernant les causes d’une mort, d’une disparition inquiétante ou encore d’une enquête consécutive à la découverte d’une personne grièvement blessée. Point sur son fonctionnement.

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Depuis sa création, cet outil a permis l’élucidation de plusieurs dizaines de milliers d’affaires et a considérablement facilité le travail d’identification d’auteurs potentiels d’infractions.

En effet, si le FAED collecte des traces et empreintes d’individus connus (6,2 millions d’individus en 2018), il collecte également des traces non identifiées ou « non résolues » sur les scènes d’infraction (220.000 toujours en 2018). Ces traces peuvent un jour correspondre ou « matcher » avec celles d’un individu mis en cause quelques années plus tard pour des faits différents et ainsi relancer des enquêtes jusque-là bloquées. Il s’agit donc indéniablement d’un progrès technique et pratique en termes d’investigation.

Néanmoins le FAED réunissant des données personnelles particulièrement sensibles, il convient de prêter une réelle attention sur son fonctionnement et le respect des limites posées par les textes qui l’encadrent. C’est la raison pour laquelle la CNIL a initié une procédure de contrôle à la suite de la décision n°2019-004C du 20 décembre 2018, dont la délibération SAN-2021-016 du 24 décembre 2021 a permis de mettre en évidence de sérieux manquements.

Afin de comprendre ces manquements et leurs conséquences, il est nécessaire de revenir sur le cadre du FAED.

De quoi est constitué le FAED et comment fonctionne-t-il ?

Comme évoqué supra, le FAED concentre des empreintes digitales et palmaires, ainsi que des traces récoltées afin de faciliter :
- La recherche et l’identification, par les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale ainsi que par le service national de la douane judiciaire, des auteurs de crimes et de délits et de faciliter la poursuite, l’instruction et le jugement des affaires criminelles et délictuelles dont l’autorité judiciaire est saisie ;
- La recherche et la découverte des mineurs et majeurs protégés disparus ainsi que celles des majeurs dont la disparition présente un caractère inquiétant ou suspect eu égard aux circonstances, à l’âge de l’intéressé ou à son état de santé ;
- L’identification dans un cadre judiciaire des personnes décédées ainsi que l’identification des personnes découvertes grièvement blessées dont l’identité n’a pu être établie ;
- L’identification dans un cadre extrajudiciaire des personnes décédées.

La consultation de ces empreintes et traces est autorisée afin de :
- Permettre l’identification d’un étranger dans les conditions prévues à l’article L611-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
- Permettre l’identification des personnes dans le cadre de la procédure de vérification d’identité de l’article 78-3 du Code de procédure pénale [1].

Peuvent y être enregistrées :

« 1° Les traces relevées dans le cadre :
a) D’une enquête pour crime ou délit flagrant ;
b) D’une enquête préliminaire ;
c) D’une commission rogatoire ;
d) D’une enquête ou d’une information pour recherche des causes de la mort ou d’une disparition, prévue par les articles 74,74-1 et 80-4 du Code de procédure pénale ;
e) D’une enquête consécutive à la découverte d’une personne grièvement blessée, lorsque la cause de ses blessures est inconnue ou suspecte, prévue par l’article 74 du Code de procédure pénale ;
f) De l’exécution d’un ordre de recherche délivré par une autorité judiciaire.

2° Les empreintes digitales et palmaires relevées dans le cadre d’une enquête pour crime ou délit flagrant, d’une enquête préliminaire, d’une commission rogatoire ou de l’exécution d’un ordre de recherche délivré par une autorité judiciaire, lorsqu’elles concernent des personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission d’un crime ou d’un délit, ou des personnes mises en cause dans une procédure criminelle ou délictuelle, dont l’identification certaine s’avère nécessaire ;
3° Les empreintes digitales et palmaires relevées sur les cadavres non identifiés et les personnes découvertes grièvement blessées dont l’identité n’a pu être établie, dans le cadre d’une enquête pour crime ou délit flagrant, d’une enquête préliminaire, d’une commission rogatoire, d’une enquête ou d’une information pour recherche des causes de la mort ou d’une enquête consécutive à la découverte d’une personne grièvement blessée, lorsque la cause de ses blessures est inconnue ou suspecte, prévue par les articles 74 et 80-4 du Code de procédure pénale ;
4° Les empreintes digitales et palmaires relevées dans les établissements pénitentiaires, en vue de s’assurer de manière certaine de l’identité des détenus qui font l’objet d’une procédure pour crime ou délit et d’établir les cas de récidive ;
5° Les traces et les empreintes digitales et palmaires transmises par des organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire ou des services de police étrangers en application d’engagements internationaux ;
6° Les empreintes digitales et palmaires relevées en application des articles L2223-42 du Code général des collectivités territoriales et 87 du Code civil et du décret n°2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d’identification des personnes décédées
 » [2].

Ces empreintes peuvent être accompagnées des informations suivantes :

« 1° Le sexe de la personne et, lorsqu’ils sont connus, ses nom, prénoms, date et lieu de naissance et éléments de filiation ;
2° Le service ayant procédé à la signalisation ;
3° La date et le lieu d’établissement de la fiche signalétique ;
4° La nature de l’affaire et la référence de la procédure.
5° Les clichés anthropométriques ;
6° Pour les empreintes transmises dans le cas prévu au 5° de l’article 3, l’origine de l’information et la date de son enregistrement dans le traitement.

Les traces d’empreintes enregistrées sont accompagnées des informations suivantes :
1° Le lieu sur lequel elles ont été relevées, ainsi que la date du relevé ;
2° Le service ayant procédé au relevé des traces ;
3° La date et le lieu d’établissement de la fiche supportant la reproduction des traces papillaires ;
4° La nature de l’affaire et la référence de la procédure ;
5° L’origine de l’information et la date de son enregistrement dans le traitement
 » [3].

Combien de temps ces informations sont-elles conservées ?

Les mentions portées au FAED sont conservées pour des durées de 10 à 25 ans en fonction de la nature des faits ayant mené au fichage, de l’âge de la personne sur laquelle les empreintes ont été récoltées et du cadre procédural ayant mené au fichage. A noter que sur décision du procureur de la République ou d’un juge d’instruction, la durée du fichage peut être allongée de 15 à 25 ans.

Ces données doivent faire l’objet d’une suppression par le service gestionnaire en cas de relaxe ou d’acquittement devenu définitif, mais également en cas de non-lieu, de classement sans suite pour absence d’infraction, insuffisance de charges ou pour auteur inconnu. Dans l’hypothèse d’un classement sans suite ou d’un non-lieu, le procureur de la République peut s’opposer à l’effacement s’il estime que la conservation des empreintes et traces est nécessaire.

Peut-on demander l’effacement des données récoltées ?

Il est fort heureusement possible de solliciter l’effacement des données personnelles recueillies au sein du FAED ! Pour ce faire, il convient de faire parvenir une requête motivée au procureur de la République, par LRAR ou par dépôt au greffe. Le procureur compétent est celui de la juridiction du ressort dans lequel la procédure ayant donné lieu à l’enregistrement a été menée. A noter que si le procureur de la République du domicile du requérant peut recevoir la requête, il devra cependant l’adresser au parquet compétent.

En raison de la très forte utilité de ce fichier pour l’élucidation des affaires, l’effacement ne peut être accordé que sur la base d’une requête précisément motivée.

A compter de la réception de la requête, le parquet dispose d’un délai de 3 mois pour faire connaître sa réponse. Une fois ce délai épuisé, ou en cas de réponse négative, il conviendra de saisir le juge de la liberté et de la détention qui disposera alors d’un délai de 2 mois pour rendre une ordonnance motivée. Cette dernière est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre de l’instruction. Là encore, le recours devra être motivé, étant précisé que la motivation devient à ce stade un critère de recevabilité du recours.

Il est donc conseillé d’engager cette procédure avec l’assistance d’un avocat pénaliste.

Quels sont les manquements constatés par la CNIL ?

Le FAED n’ayant dorénavant plus aucun secret pour vous, il est utile de s’intéresser aux conclusions tirées par la CNIL à la suite de son contrôle. Si l’utilité du FAED ne fait aucun doute, le fichier est victime des habituelles dérives administratives auxquelles nous sommes malheureusement trop habitués.

Les manquements sont nombreux et touchent la quasi-totalité du fichier. La CNIL a en effet pu observer que des informations non-prévues par les textes étaient récoltées comme les noms de victimes ou des numéros d’immatriculation. Il a été également observé la subsistance d’un « fichier manuel » constitué de fiches de signalisation au format papier et ce alors qu’il devait être mis fin à son existence depuis 2001. Les informations présentes sur ces fiches ne reposent donc sur aucune base légale.

La conservation des données au-delà des durées prévues par les textes a également été décelée. Ce manquement trouve son origine dans le choix erroné (et étonnamment opportun…) du point de départ du délai de conservation. Ce dernier doit être le moment de l’établissement de la fiche d’une personne, or en pratique, le délai était reporté sur chaque nouvelle fiche de signalisation faisant alors courir un nouveau délai englobant l’ensemble des fiches existantes pour l’individu concerné.

Tout comme le fichier de Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ), on constate également que l’effacement « automatique » découlant d’une décision de classement, d’acquittement ou de relaxe n’était pas respecté, du fait de l’absence de transmission automatique des décisions par les juridictions au gestionnaire du fichier.

Ainsi, de nombreuses fiches étaient conservées en l’absence de décision expresse du procureur de la République.

Ces manquements auraient pu passer totalement inaperçue sans l’intervention de la CNIL, puisqu’elle relève également un défaut d’information des personnes concernées par le fichage. Ainsi, de nombreuses personnes faisant l’objet d’un fichage au FAED l’ignoraient, voire ignoraient jusqu’à l’existence du fichier.

Dernier point, encore plus inquiétant compte tenu notamment de l’actualité (piratage du ministère de la justice), il a été constaté que le mot de passe permettant d’accéder au FAED n’était pas suffisamment robuste, ce qui laisse craindre une vulnérabilité inadmissible au regard de la sensibilité des données concernées.

Un rappel à l’ordre du ministère de l’intérieur a donc été prononcé par la CNIL, ainsi que l’injonction de mettre en conformité le fichier. L’injonction de mettre notamment un terme au fichier manuel expirera le 31 décembre 2022.

Au regard de ces informations, il apparait utile de s’intéresser à vos éventuelles données personnelles qui pourraient être présentes au sein du FAED et d’envisager à titre individuel, de solliciter leur effacement.

Florian Godest Le Gall
Avocat pénaliste

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Notes de l'article:

[1Article 1er du décret n°87-249 du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l’intérieur.

[2Article 3 du décret n°87-249 du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l’intérieur.

[3Article 4 du décret n°87-249 du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l’intérieur.

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