Au sommaire de cet article...
- 1. La transaction.
- 2. La conciliation.
- 3. La médiation.
- 4. Les remises gracieuses.
- 5. Les dégrèvements et restitutions d’office.
- 6. Le Défenseur des droits et le ministre du Budget.
- 7. La réclamation préalable.
- 8. La répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.
- 9. Le délai de saisine du juge de l’impôt
- 10. Le contentieux devant le tribunal administratif
- 11. Le contentieux devant le tribunal judiciaire.
- 12. Les voies de recours.
1. La transaction.
Un véritable contrat.
L’administration fiscale a la possibilité, dans le cadre d’une transaction, d’accorder une atténuation des pénalités appliquées. La transaction en droit fiscal est empruntée du droit civil. L’article 2044 du code civil dispose en effet que la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. La transaction, mode de règlement amiable du litige fiscal est donc un véritable contrat conclu entre l’administration fiscale et le contribuable qui doit de l’argent au fisc. La transaction implique des concessions réciproques constatées dans un contrat écrit. On connaît bien l’article 1103 du code civil selon lequel les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. La transaction engagent donc pleinement les parties. C’est ainsi par exemple que le juge a refusé à l’administration fiscale la possibilité de réclamer au contribuable des pénalités, une fois la transaction signée par les deux parties, alors même que six mois après la signature de la transaction, l’administration s’était rendue compte qu’elle a commis une erreur matérielle en indiquant dans la transaction un montant de pénalités mille fois inférieur à celui qui figurait dans la proposition initiale (CE, Sect. 28/09/1983, n°11513, Sté établissements Prévost, Rec. p.376).
De même, la conclusion d’une transaction avec l’administration fiscale par laquelle le contribuable donne son accord aux rehaussements de base notifiés, met fin à la procédure contradictoire sans que celle-ci puisse être rouverte par le défaut d’exécution de la transaction par le fait du contribuable (Conseil d’État, 9ème - 10ème chambres réunies, 12/07/2023, 463709, Sté New Asia, Dr fisc. 2023). Dans cette affaire, (il faut d’ailleurs observer le terme de « contrat de transaction » utilisé par le Conseil d’Etat), la société New Asia a conclu avec l’administration fiscale une transaction, prévoyant une réduction des pénalités mises à sa charge et moyennant, d’une part, le règlement de sa dette fiscale restante selon des modalités fixées en accord avec le comptable public, d’autre part, le nantissement de son fonds de commerce et enfin le renoncement à engager toute action contentieuse concernant l’imposition en litige. Par la suite, la société a cessé d’effectuer les règlements de sa dette fiscale puis a présenté une réclamation contentieuse et n’a qu’ultérieurement communiqué à l’administration fiscale la preuve de l’inscription du nantissement au registre du greffe du tribunal de commerce. Pour les juges du fond et le Conseil d’Etat, le défaut d’exécution de la transaction était le seul fait de la société New Asia, tenant à l’introduction de sa réclamation contentieuse, et l’administration fiscale, qui avait constaté pour ce motif la caducité de la transaction n’était pas tenue de rouvrir la procédure contradictoire ni de faire droit à la demande d’entretien avec l’interlocuteur départemental adressée antérieurement à la conclusion de la transaction.
Une transaction n’a de portée que pour les pénalités qui sont expressément mentionnées dans l’acte transactionnel (CE 24/03/2006, req.257533, SARL Le Cœur Samba, Dr. Fisc.2006, 39, comm.625, concl. Vallée). Sur le plan fiscal, c’est le 3° de l’article L 247 du Livre des procédures fiscales (LPF) qui prévoit que l’administration peut accorder, sur la demande, par voie de transaction, une atténuation d’amendes fiscales ou de majorations d’impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s’ajoutent ne sont pas définitives. Il ressort de ces dispositions que la transaction ne porte que sur les pénalités et non sur les droits.
Un contrat portant sur les seules pénalités et non sur les droits.
La transaction signée entre l’administration fiscale et le contribuable pour régler un litige ne peut porter sur le principal de l’impôt. Elle ne peut, en effet, porter que sur les pénalités, c’est-à-dire les majorations, les amendes et les intérêts de retard. En général, c’est le contribuable qui prend l’initiative de demander la conclusion d’une transaction. Mais l’administration peut, elle-aussi, prendre cette initiative. Il arrive même, quoi que cela soit peu fréquent, que le vérificateur qui a procédé à la vérification prenne l’initiative dès le stade de la proposition de rectification de suggérer une transaction. Pour certains auteurs, la transaction est proposée par l’administration fiscale dans les dossiers qui présentent un enjeux financier important ou stratégique (Maurice COZIAN, Florence DEBOISSY, Martial CHADEFAUX, Précis de fiscalité des entreprises, 2024-2025, 48e édition, n° 2874 p.1053).
Dans tous les cas, du côté de l’administration fiscale, on s’engage à faire une remise totale ou partielle des pénalités, et le contribuable, de son côté, s’engage à payer les droits, et le solde éventuel qui serait resté à sa charge, et en prenant aussi l’engagement de renoncer à toute procédure contentieuse liée aux pénalités ayant fait l’objet de la transaction.
La transaction est donc une convention entre l’administration et le contribuable, portant atténuation de pénalités, lorsque ces pénalités ne sont pas définitives, c’est-à-dire lorsque le contribuable dispose encore du moyen de les contester suivant la procédure contentieuse.
En signant une transaction, le contribuable renonce à engager ensuite une procédure contentieuse pour remettre en cause les pénalités qui ont fait l’objet de la transaction. En effet, aux termes de l’article L 251 du LPF, lorsqu’une transaction est devenue définitive après accomplissement des obligations qu’elle prévoit et approbation de l’autorité compétente, aucune procédure contentieuse ne peut plus être engagée ou reprise pour remettre en cause les pénalités qui ont fait l’objet de la transaction ou les droits eux-mêmes. Le contribuable doit donc renoncer expressément à tout recours contentieux relatif à ces pénalités. Il doit par ailleurs, s’engager à régler l’intégralité des impôts concernés et des pénalités restées à sa charge dans des délais souvent courts.
Lorsque l’administration accepte le principe d’une transaction, elle notifie la proposition au contribuable, en mentionnant les montants convenus, sachant que la transaction doit garantir le respect de la hiérarchie des sanctions. Autrement dit, l’atténuation accordée par l’administration fiscale ne doit pas placer le contribuable de mauvaise foi dans une situation plus favorable que celle d’un contribuable de bonne foi. C’est ce qui ressort de l’article L 247-0 A du LPF qui dispose que la détermination du montant de l’atténuation fixée en application du 3° de l’article L 247 garantit le respect de la hiérarchie des sanctions. Par exemple, en cas de manquement délibéré, le contribuable ne doit pas être finalement moins sévèrement sanctionné qu’en l’absence de manquement délibéré.
Lorsque l’administration fiscale n’a pas statué sur une demande gracieuse dans le délai de deux mois, elle est réputée avoir rejeté celle-ci, lequel délai est porté à quatre mois en cas de demande de transaction ou de demande en remise particulièrement complexe. Le contribuable dispose de trente jours pour donner son accord ou refuser la proposition.
L’administration fiscale peut ne pas faire droit à une demande de transaction. En effet, il peut arriver que l’administration refuse de faire une proposition de transaction à un contribuable qui l’aurait sollicitée. Le contribuable peut alors contester la position de l’administration devant le juge, en formant un recours pour excès de pouvoir. Il faut noter par ailleurs que le dernier al. de l’article L 247 du LPF indique que l’administration ne peut transiger lorsque le contribuable met en œuvre des manœuvres dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôle. La conclusion d’une transaction n’est donc pas possible lorsque le contribuable met en œuvre des manœuvres dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôle fiscal. La transaction est exclue dans ces circonstances. C’est le cas par exemple en matière d’opposition à contrôle fiscal, c’est-à-dire lorsque le vérificateur est empêché d’accomplir sa mission, soit du fait du contribuable, soit du fait de tiers.
Si le contribuable a la possibilité d’exercer un recours pour excès de pouvoir devant le juge lorsque l’administration lui refuse une transaction qu’il a sollicitée, il ne peut, en revanche, intenter une telle action contre une proposition de transaction que lui aurait faite l’administration fiscale et qu’il aurait jugé trop peu généreuse (CE, 04/03/2009, n°295.288, Sté Réseau Publics et Services).
En réalité, l’administration fiscale tient compte de certains éléments pour apprécier l’opportunité de signer une transaction avec le contribuable. Au rang de ces éléments, on peut citer notamment le comportement du contribuable (son respect ou non de ses obligations déclaratives par exemple, son attitude durant le contrôle fiscal etc.), l’importance de l’impôt fraudé ou dissimulés, l’étendue de sa responsabilité, sa bonne foi, l’ancienneté de la fraude, ses antécédents contentieux, ses facultés de paiement et éventuellement ses charges de famille ainsi que les difficultés économiques qu’il rencontre.
Les difficultés financières à l’origine de la demande de remise ou de modération ne doivent pas être imputables à l’organisation volontaire par le contribuable de son insolvabilité (CE 31-7-2009 n° 298973 : RJF 12/09 n° 1165). Cependant le choix du contribuable de rembourser prioritairement des dettes autres que sa dette fiscale ne caractérise pas une telle organisation (Conseil d’État, 8ème - 3ème chambres réunies, 07/03/2019, 419907, RJF 6/19 n° 578).
Aux termes de l’article L 251 du LPF, dans le cas où le contribuable refuse la transaction qui lui a été proposée par l’administration et porte ultérieurement le litige devant le tribunal compétent, celui-ci fixe le taux des majorations ou pénalités en même temps que la base de l’impôt. Le contribuable reste donc toujours libre pour ne pas appliquer une transaction qui lui semblerait, après coup, désavantageuse. Si le contribuable ne respecte pas son engagement, la transaction devient caduque.
En pratique, lorsque les rectifications qui sont assorties de pénalités résultent d’un contrôle fiscal, la demande de remise de pénalités est adressée au service vérificateur. C’est toujours mieux de discuter, au préalable, avec le comptable public chargé du recouvrement de cette initiative de demande de remise de pénalités avant d’adresser la demande au service vérificateur, et il faut prendre soin de mettre le comptable public en copie de la demande envoyée au service vérificateur. Si après analyse de l’ensemble du compte fiscal d’une société par exemple, le service vérificateur dit qu’il ne lui est pas possible de recevoir favorablement une demande de remise transactionnelle, il peut toutefois, indiquer qu’il est disposé à accorder à la société la plus large remise des majorations dès lors que l’entier principal aura été apuré auprès du Service des Impôts des Entreprises. Lorsque la totalité des droits sont payés, une remise de majoration est toujours possible.
Dans tous les cas et sauf lorsqu’il s’agit de rectifications qui ne souffrent d’aucun reproche, il est toujours conseillé de s’organiser de façon à pouvoir conserver la faculté de déposer un recours contentieux en vue de contester certains droits qui peuvent être injustifiés, tout en bénéficiant du sursis de paiement.
Un contrat ne pouvant concerner certains impôts et taxes.
Selon les dispositions de l’article L 247 du LPF, aucune autorité publique ne peut accorder de remise totale ou partielle de droits d’enregistrement, d’impôt sur la fortune immobilière, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de taxes sur le chiffre d’affaires, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes et contributions. Ainsi, aucune remise de droits d’enregistrement, d’IFI, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre et de TVA ne peut, en principe, être accordée. Par dérogation, l’administration peut accorder une remise totale ou partielle des rappels de TVA, résultant de la caractérisation d’un établissement stable en France d’une entreprise étrangère, sous réserve que le montant de la TVA rappelé ait été acquitté au titre des mêmes opérations par le preneur des biens et services fournis et n’ait pas été contesté par celui-ci dans le délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux.
2. La conciliation.
Les compétences du conciliateur fiscal départemental.
Le conciliateur fiscal départemental est un agent de la direction générale des finances publiques. Il y a un conciliateur fiscal au sein de chaque département. C’est un agent des impôts, de grande plus élevé. Sa saisine ne peut intervenir qu’après que le contribuable a déjà fait une première démarche sans succès auprès du service compétent. Les contribuables qui ne sont pas satisfaits de la réponse donnée par l’administration à leur demande peuvent donc saisir le conciliateur fiscal départemental. Ce dernier n’intervient pas au cours de la procédure d’imposition, mais postérieurement, dans le but de trouver une solution de conciliation. La plupart du temps, il est saisi à la suite d’une décision de rejet prise par l’administration fiscale, dans le cadre, par exemple, d’une réclamation contentieuse déposée par le contribuable.
En effet, dans une décision de rejet d’une réclamation préalable, le service indique au contribuable, évidemment, qu’il a la possibilité de saisir la juridiction compétente, mais qu’il peut aussi s’adresser au conciliateur fiscal de la direction pour lui faire part de toutes les difficultés survenues dans le traitement de sa demande. Les compétences du conciliateur sont larges et ne portent pas que sur les questions relatives au calcul de l’impôt. Le conciliateur peut être saisi dans le cadre d’un refus d’accorder au contribuable un délai de paiement par exemple, ou suite à l’échec d’une demande de remise gracieuse, du rejet d’une demande en remise des pénalités, et de façon plus générale, sur toute question ayant trait au fonctionnement de l’administration fiscale, comme par exemple, les demandes concernant des engagements pris en matière de qualité de service qui n’ont pas été respectés par l’administration.
Cependant, certaines situations ne relèvent pas du domaine de compétence du conciliateur. Il s’agit des procédures de vérification de comptabilité ou d’examen de situation fiscale personnelle, des litiges relatifs à la publicité foncière, ainsi que toutes les questions ayant déjà fait l’objet d’une requête au Président de la république, au Premier ministre, aux directeurs généraux de l’administration fiscale ou au Médiateur de la République.
En termes de délai de saisine, il peut être saisi dès que le contribuable a reçu la décision défavorable. Aucun délai n’est imposé au contribuable pour la saisine du conciliateur. Le conciliateur est saisi par courrier, mais il peut aussi être saisi par voie dématérialisée. En plus de l’adresse postale du conciliateur, l’administration met d’ailleurs souvent également l’adresse électronique du conciliateur sur sa décision, et rappelle au contribuable que cette démarche de saisine du conciliateur n’interrompt pas le délai de deux mois dont il dispose pour saisir le juge. En effet, la saisine du conciliateur n’interrompt pas les délais de recours contentieux et le contribuable n’est pas dispensé de payer les sommes qui lui sont réclamées, sauf si évidemment, il a fait une demande de sursis de paiement dans sa réclamation préalable. C’est d’ailleurs pourquoi il arrive que le contribuable saisisse le juge de l’impôt parallèlement au conciliateur. Dans ce cas, il pourra se désister de la procédure devant le tribunal si jamais le conciliateur lui donne gain de cause.
En principe le conciliateur répond dans les trente jours de sa saisine, en informant l’auteur de la saisine de sa décision ou si celle-ci n’est pas encore prise, d’une décision prochaine lorsque les dossiers sont plus complexes. Dans ses décisions, l’administration fiscale prévient souvent au contribuable du fait que le conciliateur fiscal s’efforce de répondre dans un délai de trente jours, sans dire que sa décision doit intervenir forcément dans les trente jours.
Les décisions du conciliateur fiscal départemental.
Le conciliateur, comme l’indique son nom, tente de trouver une solution à l’amiable au litige né entre le fisc et le contribuable, dans le but d’éviter la saisine du juge de l’impôt. Le recours au conciliateur s’analyse comme un
recours hiérarchique, dans la mesure où le conciliateur peut substituer sa décision à celle de l’administration fiscale et mettre fin au litige. Il a la capacité de réformer la décision qui fait l’objet de la saisine. Sa mission de conciliation consiste ainsi à trouver des solutions, qui tout en respectant la législation, tiennent compte des circonstances particulières des demandeurs. La saisine du conciliateur peut donc s’avérer utile. Contrairement à la saisine du supérieur hiérarchique, qui dans la plupart des cas, n’aboutit pas à grand-chose, celle du conciliateur aboutit, dans au moins un tiers des cas, à une décision totalement ou partiellement favorable au contribuable.
Les décisions prises par le conciliateur sont aussi susceptibles de recours. En effet, si le conciliateur confirme une décision de rejet prise par l’administration fiscale, la réponse du conciliateur est susceptible de recours devant le tribunal administratif, ce dernier recours pouvant être introduit par le contribuable, même s’il avait déjà fait un recours auprès du tribunal contre la décision de rejet de sa réclamation préalable.
3. La médiation.
Le Décret n°2002-612 du 26 avril 2002 instituant un médiateur.
Le médiateur est institué par le décret n°2002-612 du 26 avril 2002 dont l’article 1er dispose qu’un médiateur du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie est placé auprès du ministre et reçoit les réclamations individuelles concernant le fonctionnement des services du ministère dans leurs relations avec les usagers. L’article 3 dudit décret dispose que toute réclamation adressée au médiateur doit avoir été précédée d’une première démarche de l’usager auprès du service concerné, ayant fait l’objet d’un rejet total ou partiel. Le médiateur du ministère de l’économie et des finances intervient donc un peu comme les conciliateurs départementaux en accueillant les réclamations des contribuables, après une première démarche, sans succès, devant l’administration fiscale. Il ne peut intervenir en cas de contrôle fiscal en cours. Il peut être saisi, par exemple, après le rejet d’une réclamation préalable. Du coup, il n’est pas exclu que la mission du médiateur s’entremêle avec celle du conciliateur, qui lui aussi, comme on l’a vu, est saisi après une première démarche infructueuse. Le médiateur peut être saisi après une démarche infructueuse auprès du conciliateur. En pratique, le médiateur est saisi pour les dossiers les plus complexes. La saisine du médiateur peut être effectuée par lettre simple ou recommandée, ou par courriel. La saisine du médiateur n’a pas d’effet sur les délai de recours. D’ailleurs, à réception d’une demande, le médiateur en accuse réception et généralement, indique au contribuable que sa demande n’interrompt pas les délais de recours devant les tribunaux.
Les décisions du médiateur.
Le médiateur peut faire appel aux services du ministère pour l’instruction des réclamations dont il est saisi. Il dispose des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions. Cependant, contrairement au conciliateur, agent des impôt qui peut substituer sa décision à celle prise par le service, le médiateur n’est pas un agent de l’administration fiscale et ne prend pas une décision directe concernant un dossier. Après analyse du dossier, il adresse seulement des recommandations au service en proposant une solution équitable. En effet, aux termes de l’article 5 du décret du 26 avril 2002, lorsque la réclamation lui paraît fondée, le médiateur adresse une recommandation au service concerné, et est informé des suites données à cette dernière. Le médiateur n’impose donc pas de solution. Il propose une solution aux parties, et en particulier, au service, comme par exemple, le recours à une transaction. Le service n’a aucune obligation de suivre les recommandations du médiateur, mais dans la pratique, le service prend en compte les recommandations qui lui sont adressées. A noter d’ailleurs qu’en cas de rejet des recommandations du médiateur par le service, celui-ci peut saisir le Ministre à qui il appartiendra de prendre la décision.
4. Les remises gracieuses.
Les demandes de remises gracieuses.
Les demandes de remises gracieuses peuvent concerner non seulement les pénalités, mais aussi le principal de l’impôt. Aux termes du 2° de l’article L 247 du LPF, l’administration peut accorder sur la demande du contribuable des remises totales ou partielles d’amendes fiscales ou de majorations d’impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s’ajoutent sont définitives. Cette disposition prévoit ainsi la remise totale ou partielle des pénalités. Les demandes de remises de pénalités interviennent lorsque les impositions auxquelles elles s’ajoutent sont définitives, c’est-à-dire en pratique, lorsque les voies de recours sont épuisées. Les demandes de remises gracieuses peuvent se faire par courrier ou oralement auprès du service. Aucun délai n’est imposé pour ces demandes. Elles peuvent être faites dès la mise en recouvrement. En pratique, lorsque la demande est faite à la suite d’une vérification de comptabilité ou un examen de situation fiscale personnelle, elle est adressé au service vérificateur.
En ce qui concerne les demandes de remise portant sur l’impôt lui-même, c’est le 1° de l’article L 247 du LPF qui permet à l’administration d’accorder, sur la demande du contribuable, des remises totales ou partielles d’impôts directs régulièrement établis lorsque le contribuable est dans l’impossibilité de payer par suite de gêne ou d’indigence. Cette possibilité d’accorder des remises gracieuses, en ce qui concerne l’impôt lui-même, est assez restreinte, car en principe, le comptable public ne peut abandonner le recouvrement d’un impôt légalement dû. Il faut rappeler à ce propos les dispositions de l’article 432-10 du code pénal qui punit de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, d’accorder sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires. Pour accorder une telle remise gracieuse de l’impôt-lui-même, il faut, comme le prévoit la loi, une situation de gêne ou d’indigence. C’est le cas par exemple d’un ex-conjoint, qui se retrouve, après le divorce, dans une situation financière désastreuse, ou encore une entreprise en difficulté. L’état de gêne et d’indigence est apprécié, à la date de la demande et non à celle de l’établissement de l’impôt, en confrontant, en principe, le montant de la dette fiscale du contribuable au montant de ses ressources. Les ressources du contribuable s’entendent de ses revenus mensuels ainsi que son patrimoine susceptible d’être cédé ; ressources desquelles il faut retrancher ses charges, notamment le loyers, les pensions alimentaires et autres dettes. Une demande de remise gracieuse n’ouvre pas droit au sursis de paiement de l’impôt.
Le traitement des demandes de remises gracieuses.
Le traitement des demandes de remises gracieuses est fait au cas par cas, en tenant compte de la situation particulière de chaque demande et de la personnalité du contribuable. Si l’administration refuse d’accorder la remise demandée par le contribuable, ce dernier a la possibilité de saisir le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir, car le rejet d’une demande de remise gracieuse ne peut être déféré au juge administratif que par la voie d’un recours pour excès de pouvoir (CE 7e et 8e s.-s. 22-6-1983 n° 30300 et 30301). C’est ainsi par exemple qu’un contribuable qui a présenté à l’administration une demande de remise gracieuse n’est pas recevable à former, contre la décision de rejet, une demande en décharge ou réduction devant le juge de l’impôt (CE 8e et 9e s.-s. 16- 7-1976 n° 240). Il faut d’ailleurs noter que seul le juge administratif est compétent pour connaître d’un tel recours, même dans les cas où le refus de remise gracieuse porte sur un impôt dont le contentieux relève du juge judiciaire, sauf les cas de refus d’accorder une remise dans le cadre d’un plan de règlement en ce qui concerne la remise de dette aux entreprises en difficulté, dès lors que les refus ne sont pas détachables de la procédure collective (Tribunal des Conflits, 08/07/2013, C3912, Société Absis).
Dans cette affaire, à la suite d’une vérification de sa comptabilité, la société Absis a fait l’objet de rappels de TVA et de pénalités. Ayant été placée, par la suite, en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Tours, l’administration fiscale a déclaré la créance fiscale au passif de la société. Le mandataire judiciaire a fait une proposition d’apurement du passif prévoyant, s’agissant de la dette fiscale, une remise partielle, ce que le comptable public a refusé. Après homologation du plan de redressement par tribunal de commerce, la société a formé un recours gracieux auprès du chef du pôle de recouvrement des impôts de Tours qui a confirmé la précédente décision de refus. La société a alors saisi le tribunal administratif d’Orléans d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation de la décision administrative. Le président du tribunal administratif d’Orléans comme la cour administrative d’appel de Nantes ont rejeté la demande d’annulation comme ayant été portée devant une juridiction incompétente. Autrement dit, le recours aurait dû être porté devant le juge judiciaire. Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat a renvoyé la question au Tribunal des conflits.
Pour le juge des conflits de juridictions, le tribunal de la procédure collective est seul compétent pour connaître des contestations nées du redressement judiciaire ou soumises à son influence juridique, même si les créances dont il s’agit sont de nature fiscale et concernent un impôt dont le contentieux relève de la compétence de la juridiction administrative. Le TC a donc jugé que la contestation soulevée par la société Absis, objet d’une procédure de redressement judiciaire, qui a trait à l’élaboration des propositions pour le règlement de ses dettes en vue de l’établissement d’un projet de plan de redressement de l’entreprise, étant née de la procédure collective ouverte à son égard, relève de la compétence de la juridiction de l’ordre judiciaire. Le TC a toutefois précisé que cette compétence du juge judiciaire s’exerce sous réserve d’une éventuelle question préjudicielle relevant du juge administratif et dont dépendrait la solution du litige.
Le contrôle des refus de demandes de remises gracieuses.
Il revient donc, en principe, au juge administratif d’apprécier la décision de refus de demande gracieuse. Dans tous les cas, le juge ne peut, comme en plein contentieux, se substituer à l’administration pour accorder lui-même la remise demandée au contribuable, ni s’interroger sur l’opportunité ou pas d’accorder la remise demandée. Seule l’administration a compétence pour statuer sur une demande gracieuse. Le juge administratif ne peut pas statuer directement sur une telle demande (CE 8e et 9e s.-s. 24-5-1982 n° 26929). Il ne peut qu’annuler la décision de refus si elle ne lui semble pas fondée, c’est dire, au final, un refus qui serait illégal. Cette illégalité peut résulter d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur sur la matérialité des faits, d’un détournement de pouvoir, ou encore d’une incompétence de l’auteur de l’acte. La décision refusant une remise gracieuse ne peut être annulée que si elle est entachée d’une erreur de droit, d’une erreur de fait, d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir (CE 8e et 3e s.-s. 24-7-2009 n° 304674, Sté Leuchtturm Albenverlag GmbH, RJF 11/09 n° 989, concl. N. Escaut BDCF 11/09 n° 126). Le juge a annulé par exemple une décision de refus, erronée en droit, car prise au motif que le contribuable a consacré ses maigres ressources au paiement de dettes non fiscales, telles que ses honoraires d’avocats (Conseil d’État, 8ème - 3ème chambres réunies, 07/03/2019, 419907). Dans cette affaire, les contribuables ont fait une demande de remise gracieuse des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu mises à leur charge. La demande est refusée par le directeur départemental des finances publiques du Val d’Oise. Les contribuables ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’annuler la décision, en soutenant qu’ils sont surendettés, bénéficiaires du revenu de solidarité active et de la couverture maladie universelle, dépourvus de patrimoine et destinataires d’un avis de saisie de leurs meubles, et qu’ils se trouvaient, à la date à laquelle l’administration avait rejeté leur demande de remise gracieuse, en situation de gêne ou d’indigence au sens des dispositions de l’article L. 247 du LPF.
Le tribunal administratif a rejeté leur demande au motif qu’ils s’étaient eux-mêmes placés dans une situation d’insolvabilité et que la situation de gêne ou d’indigence dans laquelle ils se trouvaient était imputable à l’organisation volontaire par eux-mêmes de leur insolvabilité, d’autant qu’ils avaient perçus des revenus annuels de l’ordre de 35 000 € les deux années précédentes et avaient choisi d’affecter ces ressources au remboursement de crédits à la consommation et au règlement d’honoraires d’avocat plutôt qu’au comblement de leur dette fiscale. En cassation, après avoir rappelé que lorsque l’impossibilité de payer dans laquelle se trouve le contribuable par suite de gêne ou d’indigence, qui s’apprécie à la date à laquelle elle se prononce, est imputable à l’organisation volontaire par celui-ci de son insolvabilité, l’administration peut rejeter une demande de remise gracieuse sans avoir à rechercher s’il existe une disproportion entre les revenus du contribuable et le montant de sa dette fiscale, le Conseil d’Etat a annulé le jugement du tribunal administratif comme étant entaché d’erreur de droit.
En effet, la dette fiscale au titre de l’IR s’élevait, à l’exclusion des majorations et compte tenu des règlements partiels effectués, à environ 15 000 €. Or, les contribuables, dépourvus de patrimoine, percevaient un revenu de solidarité active de 621 € par mois ainsi qu’une allocation logement de 367 € mensuels et supportaient un loyer de 952 € par mois, le revenu demeurant disponible après paiement de leurs charges s’élevant par suite à 36 € par mois. Pour le Conseil d’Etat, il en résulte qu’ils se trouvaient dans l’impossibilité de payer du fait d’une situation de gêne ou d’indigence.
Il faut d’ailleurs remarquer que dans cet arrêt, le Conseil d’Etat, note, et contrairement à ce que soutient l’administration fiscale, que les dispositions du 1° de l’article L. 247 du LPF ne subordonnent pas la faculté qu’elles ouvrent à l’administration d’accorder au contribuable une remise gracieuse, pour ce qui concerne les dettes en principal relatives à des impôts directs, à la condition que les impositions en cause soient devenues définitives. En ce qui concerne les droits en principal donc, pour le Conseil d’État, la remise peut intervenir dès lors que l’imposition est régulièrement établie. Cette position du Conseil d’Etat infirme la doctrine administrative qui écarte les remises gracieuses d’impôts directs contestés devant la juridiction contentieuse tant qu’aucune solution définitive n’a été prise ou, à défaut de contestation, tant que le délai de réclamation n’est pas expiré (BOI-CTX-GCX-10-20 n° 130 à 150, 12-9-2012 et BOI-CTX-GCX-10 n° 10). La décision de refus d’accorder la remise gracieuse est directement annulée également par le Conseil d’Etat, car l’administration fiscale a commis une erreur manifeste d’appréciation.
En revanche, l’administration n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en rejetant une demande de remise gracieuse présentée par un contribuable qui a connu une période de chômage et de formation professionnelle dès lors que durant cette même période, celui-ci a conservé des revenus et remboursé un emprunt souscrit pour l’acquisition d’une maison d’habitation (CAA Nancy 1-6-1994 n° 93681). De même, l’administration ne commet pas d’erreur manifeste d’appréciation ni de détournement de pouvoir en refusant de prononcer la remise gracieuse demandée de taxe foncière sur les propriétés bâties, eu égard non seulement aux ressources de l’intéressé mais aussi à la valeur de son patrimoine, y compris sa résidence principale, et compte tenu du faible montant de la somme réclamée (CE 8e et 3e s.-s. 9-11-2005 n° 269669).
Il est vrai que le juge exerce, lors ces recours pour excès de pouvoir contre des décisions de refus de remise gracieuse, un contrôle de légalité sur une mesure d’équité. Dès lors que les décisions prises sur des demandes gracieuses relèvent du pouvoir discrétionnaire de l’administration, le juge se livre à un contrôle restreint. Mais, même si le contrôle du juge est un contrôle restreint, « il y a bien sûr quelque chose d’étrange dans ce contrôle de légalité d’une décision prise... en équité, c’est-à-dire en fonction de considérations théoriquement extra-juridiques. Mais le juge administratif s’efforce seulement de vérifier que la liberté d’appréciation laissée à l’administration ne se traduit pas par un comportement arbitraire » (Martin Collet, Pierre Collin ; Procédures fiscales ; Contrôle, contentieux et recouvrement de l’impôt ; Presses Universitaires de France, Collection Thémis, 5e édition, Parution 10/01/2024, page 232).
5. Les dégrèvements et restitutions d’office.
Selon les dispositions de l’article R*211-1 du LPF, la direction générale des finances publiques peut prononcer d’office le dégrèvement ou la restitution d’impositions qui n’étaient pas dues, jusqu’au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin, ou, en cas d’instance devant les tribunaux, celle au cours de laquelle la décision intervenue a été notifiée. Ces dispositions permettent ainsi à l’administration de prononcer d’office le dégrèvement d’impôt qui n’était pas dû, ou sa restitution s’il a déjà été payé. Il s’agit de réparer une erreur d’imposition.
Dans la plus grande majorité des cas, les dégrèvements d’impôt sont prononcés sans que le contribuable ait eu à faire une telle demande. Mais les dégrèvements ou restitutions peuvent aussi être faits à la demande du contribuable. Il arrive, en cours d’instance devant les juridictions, que l’administration prononce un dégrèvement, mais comme le prévoient les textes, cela peut intervenir jusqu’au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin, en l’absence d’instance devant les tribunaux. Un contribuable peut ainsi faire une telle demande lorsqu’il n’est plus recevable à déposer une réclamation contentieuse de fait de l’écoulement des délais de recours.
Il existe aussi certains dégrèvements spécifiques. C’est le cas par exemple du dégrèvement d’office que l’administration a l’obligation d’accorder au redevables de la taxe foncière sur le bâti âgés de plus de 65 ans et disposant de très faibles revenus. Conformément aux dispositions de l’article 1391 B du CGI, ce dégrèvement d’office est de 100 €. Il faut noter que, sauf dans certains cas spécifiques, comme celui-ci où la loi impose un dégrèvement d’office, la procédure de dégrèvement d’office ne présente pas un caractère obligatoire pour l’administration. L’administration n’est donc pas tenue, en principe, de prendre l’initiative du dégrèvement que le contribuable aurait pu obtenir en présentant une réclamation régulière (BOI-CTX-DRO-10 n° 30 et 40, 12-9-2012), ce qui est assez étonnant d’ailleurs, car il s’agit de réparer une erreur d’imposition, même si les impositions sont établies d’après des bases conformes aux déclarations souscrites par les contribuables, et non sur une erreur de l’administration fiscale.
6. Le Défenseur des droits et le ministre du Budget.
En dehors du recours au conciliateur, au médiateur, et autres recours hiérarchiques, deux autres voies de recours sont aussi offertes au contribuable, le Défenseur des droits et le ministre du Budget. En pratique ces voies de recours sont peu utilisées.
Le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante créée en 2011. Le 1° de l’article 4 de la loi organique 2011-333 du 29-3-2011, relative au Défenseur des droits, dispose que Le Défenseur des droits est chargé de défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d’une mission de service public. Il peut être saisi directement par toute personne physique ou morale qui s’estime lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d’un service public ou d’une administration. Le Défenseur des droits peut donc être saisi à propos d’un litige fiscal. Pour saisir le Défenseur des droits, il faut, bien sûr, avoir accompli une démarches préalables auprès de l’administration fiscale. La saisine du Défenseur des droits n’interrompt ni ne suspend les délais de prescription des recours administratifs ou contentieux. Lorsqu’il est saisi, le Défenseur des droits adresse des recommandations à l’administration fiscale.
En ce qui concerne le ministre du Budget, sa saisine est rare, mais toujours est-il que le contribuable peut le saisir lorsqu’il estime que son dossier est mal traité par le service. Les décisions de rejet de demande de remise gracieuse par exemple peuvent être soumises au ministre du Budget. Ce recours qui s’analyse comme un recours hiérarchique, est en pratique, utilisé par des élus, des grandes entreprises ou des personnalités publiques pour tenter de trouver une issue appropriée au litige qui les oppose à l’administration fiscale.
7. La réclamation préalable.
A côté des dispositifs mis en place pour un règlement non contentieux des litiges fiscaux, d’autres dispositifs permettent le règlement contentieux de ces litiges. Le règlement contentieux peut être non juridictionnel, c’est le cas de la réclamation préalable.
Le principe de la réclamation préalable.
Aux termes de l’article R*190-1 du LPF, le contribuable qui désire contester tout ou partie d’un impôt qui le concerne doit d’abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l’imposition. Le contribuable qui souhaite contester une imposition ne peut donc jamais saisir directement le juge de l’impôt. Il faut nécessairement d’abord s’adresser à l’administration elle-même dans un premier temps. Quel que soit l’impôt contesté, le contribuable a l’obligation de présenter à l’administration une réclamation préalable. La réclamation constitue la première étape de la procédure contentieuse.
Aux termes de l’article L199 du LPF, les décisions rendues par l’administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif ou le tribunal judiciaire, selon l’impôt concerné. Ce n’est donc au cas où la réponse à la réclamation préalable déposée devant l’administration ne donne pas entière satisfaction au contribuable que ce dernier peut envisager de saisir le juge de l’impôt.
C’est la réclamation préalable qui fait démarrer la procédure contentieuse, en ce sens que seuls les impôts que le contribuable conteste dans sa réclamation préalable peuvent ensuite être contestés devant le juge. Il est donc important de faire attention à ce qui est demandé dans la réclamation préalable. C’est ainsi par exemple que le contribuable qui ne demande qu’une réduction de son imposition dans la réclamation préalable ne peut pas demander, ensuite au juge, la décharge de l’imposition.
Les personnes susceptibles de déposer une réclamation préalable.
En ce qui concerne les personnes autorisées à déposer une réclamation préalable, il s’agit bien sûr, d’abord, du contribuable lui-même. Sont aussi recevable pour présenter une réclamation, les personnes mandatées par le contribuable, telles que son avocat par exemple, sans que l’avocat n’ait à justifier d’un quelconque mandat, contrairement à d’autres personnes que le contribuable aurait mandatées. En effet, aux termes de l’article R*197- 4 du LPF, toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d’un mandat régulier, toutefois, il n’est pas exigé de mandat des avocats inscrits au barreau ni des personnes qui, en raison de leurs fonctions ou de leur qualité, ont le droit d’agir au nom du contribuable. Peuvent aussi déposer une réclamation, certains tiers tels que les héritiers ainsi que les personnes tenues solidairement au paiement de l’impôt en cause.
Le dirigeant solidairement responsable des dettes fiscales de la société.
Les dirigeants de sociétés peuvent agir au nom de la personne morale qu’ils représentent. D’une part, aux termes de l’article L 267 du LPF, lorsqu’un dirigeant d’une société est responsable des manœuvres frauduleuses ou de l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, ce dirigeant peut être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal judiciaire. Un dirigeant de société peut donc être tenu solidairement responsable des dettes fiscales de la société.
D’autre part, aux termes de l’article R* 196-1 du LPF, pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l’administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d’un avis de mise en recouvrement.
La réclamation préalable, encore appelée recours administratif contentieux, est donc accompagnée de l’avis d’imposition ou de mise en recouvrement. Le Conseil d’Etat considère que la signification du jugement au dirigeant déclaré responsable des manquements de la société ouvre à celui-ci, le délai de réclamation, sans qu’il ait à attendre que l’administration fiscale lui adresse un avis de recouvrement ou un premier acte de poursuites (CE 30- 12-2021 n° 442804).
Ainsi, la réclamation présentée par le dirigeant d’une société déclaré solidairement responsable des impôt dus par la société, après que le jugement assorti de l’exécution provisoire lui a été signifié, ne peut être considérée comme prématurée, alors même qu’à la date à laquelle le directeur des services fiscaux a statué l’intéressé n’avait pas encore été personnellement mis en demeure d’acquitter les impositions en cause.
Au cas particulier, par un jugement en date du 15 janvier 2018, assorti de l’exécution provisoire, qui lui avait été signifié, un dirigeant de société avait été déclaré solidairement responsable du paiement des droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société. L’intéressé a alors déposé une réclamation préalable, sans avoir encore reçu les avis de mise en recouvrement. Cette réclamation a été rejetée par l’administration fiscale, comme ayant été déposée prématurément, car l’intéressé n’avait pas encore été personnellement mis en demeure par l’administration fiscale d’acquitter les impositions en cause.
Le tribunal administratif de Marseille ayant été saisi, le président de la 7ème chambre, par une ordonnance du 16 mars 2020, a rejeté comme manifestement irrecevable parce que prématurée, la demande du dirigeant à la décharge en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à la société. En appel, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d’appel de Marseille, par une ordonnance du 17 juin 2020, a rejeté la requête d’appel comme étant manifestement dépourvue de fondement. Le dirigeant se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat contre l’ordonnance du président de la 3ème chambre.
Le Conseil d’Etat lui donne raison en annulant l’ordonnance du président de la 3ème chambre, estimant qu’en jugeant que la réclamation préalable présentée par l’intéressé était irrecevable au motif qu’au 15 mars 2019, date à laquelle le directeur des services fiscaux a rejeté celle-ci, l’intéressé n’avait pas encore été personnellement mis en demeure par l’administration fiscale d’acquitter les impositions en cause, alors qu’il est constant que, par un jugement en date du 15 janvier 2018, assorti de l’exécution provisoire, qui lui avait été signifié, il avait été déclaré solidairement responsable du paiement des droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit.
Le délai de réclamation.
Selon les dispositions de l’article R*196-1 du LPF, pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l’administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas, de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d’un avis de mise en recouvrement ; du versement de l’impôt contesté lorsque cet impôt n’a pas donné lieu à l’établissement d’un rôle ou à la notification d’un avis de mise en recouvrement ; de la réalisation de l’événement qui motive la réclamation. Le délai de réclamation est donc, en principe, au moins, de deux ans. En ce qui concernes les impôts locaux, le délai est d’un an au moins, conformément aux disposition de l’article R*196-2 du LPF selon lesquelles, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent être présentées à l’administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l’année suivant celle de la mise en recouvrement. Une réclamation présentée avant le point de départ du délai de réclamation est prématurée. Mais une telle réclamation prématurée peut être régularisée par la production, à l’administration, d’une copie de l’avis d’imposition (CE sect. 4-1-1974 n° 87418).
Lorsque la réclamation est déposée suite à un contrôle fiscal ayant abouti à des rectifications, le contribuable dispose d’un délai qui est égal à celui du droit de reprise de l’administration fiscale, c’est-à-dire un délai d’au moins trois ans, conformément aux dispositions de l’article R* 196-3 du LPF, aux termes duquel, dans le cas où un contribuable fait l’objet d’une procédure de reprise ou de rectification de la part de l’administration des impôts, il dispose d’un délai égal à celui de l’administration pour présenter ses propres réclamations, autrement dit, le contribuable peut déposer une réclamation au plus tard le 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle est intervenue la proposition de rectification. Le délai spécial de réclamation s’applique même lorsque les rectifications ont été établies par voie de taxation d’office. Il faut remarquer dans cette hypothèse de délai spécial que lorsque l’imposition résulte d’une rectification opérée selon la procédure contradictoire, le point de départ du délai spécial de réclamation dont disposent les contribuables est constitué par la date de réception de la proposition de rectification et non pas, par la date de mise en recouvrement des impositions.
Le délai de réclamation ne court toutefois que lorsque le contribuable a été régulièrement informé. En effet, le délai de recours ne court pas s’il n’a pas été mentionné avec les voies de recours dans la notification de la décision, c’est-à-dire sur l’avis d’imposition. Ainsi, en l’absence de la mention sur l’avis d’imposition des délais de recours, ces délais ne sont pas opposables au contribuable. En effet, selon le Conseil d’Etat, l’absence de mention sur l’avis d’imposition que l’administration adresse au contribuable, de l’existence et du caractère obligatoire de la réclamation contre les impositions prévues à l’article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, ainsi que des délais dans lesquels le contribuable doit exercer cette réclamation, est de nature à faire obstacle à ce que les délais prévus par les articles R. 196-1 et R. 196-3 du livre des procédures fiscales soient opposables au contribuable (Conseil d’Etat, 10ème et 9ème sous-sections réunies, du 27 juin 2005, 259368, publié au recueil Lebon).
Cependant, pour le Conseil d’Etat, une fois que le contribuable a eu connaissance de la décision d’imposition, il doit agir dans un délai raisonnable, qui est selon le Conseil d’Etat, et sauf circonstance particulières, d’un an. Autrement dit, pour le Conseil d’Etat, le contribuable doit agir dans un délai qui ne peut excéder un an, ce qui n’est pas du goût de la Cour de cassation.
En, effet, prenant expressément le contre-pied de la jurisprudence du Conseil d’Etat, la Cour de cassation juge que, en l’absence de notification des voies et délais de recours dans une décision administrative, celle-ci peut être contestée sans qu’aucun délai soit opposable au requérant ; ce dernier pouvant ainsi contester un titre exécutoire sans avoir à respecter un délai raisonnable institué par le Conseil d’Etat.
Le délai raisonnable de recours d’un an défini par le Conseil d’Etat.
Aux termes de l’article R. 421-5 du code de justice administrative, les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. Ainsi, conformément à ces dispositions, lorsque la notification d’une décision administrative ne mentionne pas les délais et voies de recours, cette décision peut être contestée sans qu’aucun délai soit opposable au requérant.
Cependant, le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 13/07/2016, s’était écarté de cette règle en posant le principe selon lequel le recours doit être exercé dans un délai raisonnable, délai qui ne peut, en règle générale et sauf circonstances exceptionnelles, excéder un an (CE ass. 13/07/2016 no 387763).
Cette décision de 2016 a été rendue en matière de contentieux général. Selon le Conseil d’Etat, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Le Conseil d’Etat en avait conclu que si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le Code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable, et que sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance.
Voilà donc posé par le Conseil d’Etat en 2016, ce principe de délai raisonnable d’un an pour contester une décision administrative, en l’absence de notification des voies et délais de recours dans la décision.
Même si dans l’affaire jugée en 2016, il s’agissait d’une décision expresse ne mentionnant pas les voies et délais de recours et contre laquelle le délai pour saisir le tribunal courait indéfiniment, on pouvait déjà légitimement se demander si cette solution, étendue à la matière fiscale, ne remettrait pas en cause la règle jurisprudentielle selon laquelle aucune disposition n’impartit de délai aux intéressés pour former un recours contre une décision implicite de rejet d’une réclamation préalable.
Dans son arrêt du 31/03/2017, le Conseil d’Etat a étendu sa jurisprudence au contentieux fiscal, tant en matière d’assiette que de recouvrement (CE sect. 31/03/2017 no 389842). Dans l’affaire jugée en 2017, des contribuable ont fait l’objet d’un examen d’ensemble de leur situation fiscale personnelle au titre des années 1987 à 1989, à la suite duquel l’administration fiscale leur a notifié des rectifications portant sur le revenu imposable des années 1987 et 1989. Ils ont contesté ces rectifications par deux réclamations des 31 décembre 1992 et 24 mars 1993 et obtenu un dégrèvement partiel des impositions en litige en octobre 1993. En août 2011, soit près de vingt années après, les contribuables ont saisi l’administration fiscale d’une nouvelle réclamation pour tenter de contester les impositions demeurant en litige. En l’absence de réponse dans le délai de six mois, les intéressés ont porté l’affaire devant le tribunal administratif de Paris qui leur a donné gain de cause et accordé la décharge de la totalité des redressements demeurant en litige, en écartant l’argument de l’administration selon lequel la réclamation devait être déclarée irrecevable, comme ayant été déposée au-delà du délai dont disposaient les contribuables. La Cour d’appel de Paris ayant suivi les premiers juges, l’administration s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.
Le Conseil d’Etat a donc saisi l’occasion pour étendre son principe de délai raisonnable de recours à la matière fiscale, en annulant l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris. Le Conseil d’Etat a ainsi jugé que le recours administratif préalable doit être présenté dans le délai prévu par les articles R 196-1 ou R 196-2 du LPF, prolongé d’un an ; que, dans cette hypothèse, le délai de réclamation court à compter de l’année au cours de laquelle il est établi que le contribuable a eu connaissance de l’existence de l’imposition ; que le contribuable peut justifier de circonstances particulières susceptibles de prolonger le délai de réclamation au-delà du supplément d’un an ; que le recours juridictionnel doit être exercé, comme la réclamation, dans un délai raisonnable.
La Cour de cassation écarte le principe du délai raisonnable en matière judiciaire.
C’est donc l’état de la jurisprudence lorsque l’affaire jugée le 8 mars 2024 s’est présentée devant la Cour de cassation qui, siégeant en assemblée plénière, refuse de transposer la règle prétorienne du délai raisonnable aux recours relevant de la juridiction judiciaire. Pour la Cour de cassation, en l’absence de notification mentionnant de manière exacte les voies et délais de recours, le débiteur peut ainsi saisir le juge judiciaire pour contester un titre exécutoire sans être tenu, ni par le délai de recours fixé par la loi, ni par le délai raisonnable défini par le Conseil d’Etat (Cour de cassation, Assemblée plénière, 8 mars 2024, Pourvoi n° 21-12.560).
En l’espèce, la commune de Sarrebourg a notifié à la société Cora, au titre des exercices 2009, 2010 et 2011, trois titres exécutoires pour le paiement de la taxe locale sur la publicité extérieure, mais les titres ne précisaient pas la juridiction devant laquelle le recours pour les contester devait être formé. La société qui s’était acquittée des sommes qui lui avaient été réclamées, a sollicité de la commune à titre conservatoire, le remboursement de certaines d’entre elles, en octobre 2013, en raison de la transmission par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel, le 3 septembre 2013, d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la taxe locale sur la publicité extérieure.
Le Conseil constitutionnel ayant déclaré certains articles du code général des collectivités territoriales contraires à la Constitution, la société a assigné, le 16 mars 2015, la commune de Sarrebourg devant un tribunal de grande instance en annulation des trois titres exécutoires précités, qui étaient fondés sur les articles censurés par la décision du Conseil constitutionnel, et en remboursement des sommes versées.
Par application du principe du délai raisonnable, la Cour d’appel de Metz a rejeté la demande de la société. Cette dernière se pourvoit en cassation devant
la Cour de cassation en contestant le fait qu’on lui reproche d’avoir saisi le tribunal de grande instance en annulation des titres exécutoires plus d’un an après que ces titres ont été portés à sa connaissance, alors que les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision, et le fait qu’on lui oppose un délai raisonnable d’un an pour agir, délai qui n’est prévu par aucun texte légal ou réglementaire.
La Cour de cassation lui a donné raison, en cassant, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu par la cour d’appel de Metz, et en adoptant des motifs assez particuliers, qu’il convient de reproduire ici :
« Depuis une décision du 13 juillet 2016, le Conseil d’État juge que si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable, lequel, en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance (CE, 13 juillet 2016, n° 387763, publié au Recueil Lebon) ».
« Si, pour répondre, notamment, aux impératifs de clarté et de prévisibilité du droit, une convergence jurisprudentielle entre les deux ordres de juridiction est recherchée lorsqu’il est statué sur des questions en partage, celle-ci peut ne pas aboutir en présence de principes et règles juridiques différents applicables respectivement dans ces deux ordres. Tel est le cas en l’espèce ».
« En l’absence de notification régulière des voies et délais de recours, le débiteur n’est pas tenu de saisir le juge civil dans le délai défini par la décision du Conseil d’État du 13 juillet 2016 précitée ».
« Pour écarter la demande d’annulation comme tardive, l’arrêt retient que plus d’un an s’est écoulé entre le jour où la société a eu connaissance des titres exécutoires et le jour où elle a agi en annulation de ces titres ».
« En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
C’est ainsi qu’a donc été cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 1er décembre 2020, entre les
parties, par la cour d’appel de Metz.
Il est vrai que ces décisions concernent la contestation de titres exécutoires émis pour le recouvrement de factures d’eau et de taxe locale sur la publicité extérieure dues à des collectivités locales. Mais, il faut remarquer que cette décision a été rendue par la Cour de cassation dans sa formation la plus solennelle, l’assemblée plénière. Elle a donc une portée générale et devra s’appliquer à toute la matière fiscale relevant de la compétence du juge judiciaire.
Lorsque l’administration fiscale rejette une réclamation préalable déposée par un contribuable, ce dernier dispose d’un délai de deux mois pour saisir le tribunal et ce délai court à partir du jour où le contribuable a reçu notification
de la décision de l’administration. Le délai de saisine du tribunal est un délai franc qui ne prend pas en compte le jour de la notification de la décision de l’administration. En cas de rejet total ou partiel de la réclamation, la décision prise par l’administration fiscale doit être motivée et doit comporter la mention des voies et délais de recours.
Une décision de TA Amiens et une décision de non admission du pourvoi du Conseil d’Etat retiennent que lorsque les délais de réclamation ne figurent pas sur l’avis d’imposition, mais dans la notice qui lui est annexée, l’information donnée au contribuable est suffisante, et que dans ces conditions, le contribuable qui a présenté une réclamation hors délai ne peut donc se prévaloir de l’inopposabilité à son égard des délais de réclamation qu’il n’a pas respectés (TA Amiens 26-1-2023 n° 2004144 ; CE (na) 3e ch. 9-11-2023 n° 472515, Sté Rayzaimi : RJF 2/24 n° 170, concl. T. Pez-Lavergne).
Dans tous les cas, si la décision de l’administration n’est pas satisfaisante, les contribuables peuvent saisir le juge de l’impôt. Rappelons que la juridiction compétente est différente suivant la nature de l’impôt contesté. Les contestations relatives aux impôts directs ou aux taxes sur le chiffre d’affaires sont du ressort des juridictions administratives, tandis que celles qui concernent les droits d’enregistrement et de timbre et l’impôt sur la fortune immobilière sont de la compétence des juridictions judiciaires.
Avec cet arrêt de la Cour de cassation, il n’est pas possible d’opposer au contribuable, en tout cas, en ce qui concerne les procédures devant les juridictions judiciaires, cette notion de délai raisonnable d’un an issue de la jurisprudence du Conseil d’Etat pour les recours, en l’absence de notification des voies et délais de recours dans une décision administrative, et notamment une décision de rejet d’une réclamation préalable.
Lorsqu’il s’agit d’une décision implicite de rejet de la réclamation, au cas où, par exemple, l’administration n’a pas répondu à la réclamation dans les six mois, les contribuables peuvent aussi saisir le juge de l’impôt, après ce délai de six mois. Le contribuable peut aussi prendre son mal en patience et ne pas saisir tout de suite le juge. Dans cette hypothèse aussi, aucun délai raisonnable ne pourra lui être opposé en matière judiciaire.
Au moment où certaines décisions du Conseil d’Etat ont pour conséquences de réduire les droits et garanties du contribuable, cette décision de la Cour de cassation est une belle victoire pour le contribuable, car en matière de contentieux fiscal, et plus encore qu’en matière de contentieux général, le principe de sécurité juridique qui implique que ne puissent être remises en cause, sans condition de délai, des situations consolidées par l’effet du temps, ne doit pas conduire le contribuable à supporter les conséquences des erreurs commises par l’administration fiscale.
Une réclamation postée avant la date d’expiration du délai de réclamation est recevable, même si l’administration a reçu le pli après cette date (CE 3e ch. 23-9-2022 n° 458597, SARL Eco Bat). De même, les délais de réclamation ne sont pas des délais francs. Le jour de l’échéance y est compris. C’est ainsi qu’aucune prorogation n’est admise au cas où le dernier jour est un samedi ou un jour férié. Cependant, par tolérance administrative, la réclamation est recevable le premier jour ouvrable suivant, si le dernier jour du délai est un dimanche ou un jour férié.
La forme et le contenu de la réclamation préalable.
Selon les dispositions de l’article R*197-3 du LPF, toute réclamation doit à peine d’irrecevabilité, mentionner l’imposition contestée ; contenir l’exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie, porter la signature manuscrite de son auteur ; être accompagnée soit de l’avis d’imposition, d’une copie de cet avis ou d’un extrait du rôle, soit de l’avis de mise en recouvrement ou d’une copie de cet avis, soit, dans le cas où l’impôt n’a pas donné lieu à l’établissement d’un rôle ou d’un avis de mise en recouvrement, d’une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. Ils résultent de ces dispositions que la réclamation doit être écrite. Lorsque l’avis d’imposition ou l’avis de mise en recouvrement n’est pas produit et que ce défaut de production a motivé le rejet de la réclamation, ce vice de forme peut être régularisé devant le tribunal administratif jusqu’à la clôture de l’instruction (CE 9e-7e s.- s. 20-2-1989 n° 65899).
Une réclamation verbale n’est donc pas recevable. C’est ainsi que la démarche du contribuable qui a exprimé une contestation lors d’une entrevue avec un inspecteur des impôts ne constitue pas une réclamation, dès lors qu’elle ne s’est matérialisée par aucun acte écrit (CAA Bordeaux 19-11-1993 n° 92-425 et 92-426).
On ne peut pas contester, en principe, non plus, une imposition qui n’a pas encore été mise en recouvrement. En pratique, il convient de préciser ses conclusions dans la réclamation. La réclamation peut tendre à obtenir, soit une décharge totale de l’imposition litigieuse, soit une réduction de cette imposition, soit encore une restitution lorsque l’impôt a déjà été payé. C’est ainsi par exemple qu’une lettre ne comportant aucune conclusion en décharge d’une imposition ne constitue pas une réclamation (CE 28-9-1988 n° 50514, 8e et 7e s.-s.). Il faut être précis dans la réclamation sur les impôts contestés d’autant que la réclamation fixe définitivement l’étendue du litige qui pourra être ultérieurement porté devant le juge au cas où le contribuable n’obtiendrait pas satisfaction devant l’administration fiscale. Quoiqu’il soit prudent de contester aussi bien les droits que les éventuelles pénalités, il n’est pas obligatoire de contester lesdites pénalités car la contestation des droits en principal dans la réclamation vaut aussi contestation des pénalités calculées en proportion de ces droits.
Il faut accompagner la réclamation de toutes les pièces qui justifient les arguments développés pour contester les impositions litigieuses. Au cas où les pièces justificatives ne sont pas encore rassemblées, la réclamation peut toutefois être envoyée et on pourra envoyer au service les pièces dans un second temps. En cas de réclamation consécutive à un contrôle fiscal, il est utile d’accompagner la réclamation de la proposition de rectification également, et le cas échéant, des observations formulées par le contribuable à la suite de la proposition de rectification ainsi que la réponse du service à ces observations. L’objet de la demande peut être soit « réclamation préalable », soit « recours administratif contentieux », mais il importe simplement que l’administration comprenne ce que lui demande le contribuable.
Quand on est avocat déposant pour le compte de son client, une réclamation suite à un contrôle fiscal, on peut, par exemple, après avoir indiqué l’objet de la demande, les adresses des destinataires et la date, indiquer : « J’interviens en qualité de conseil de la société X (ou de M ou MME Y), à la suite la proposition de rectification du (date de la proposition de rectification), liée à la vérification de comptabilité (ou à l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle) concernant la période du (date de début de la période vérifiée) au (date de fin de la période vérifiée), et la réponse du (date de la réponse aux observations éventuelles), aux observations formulées par le contribuable (date à laquelle les observations ont été envoyées), maintenant en totalité (ou partiellement) les rectifications qui ont été proposées. Mon client conteste les impositions pour les raisons exposées ci-après ».
Puis, il faut reprendre un par un, les différents points de rectification qu’on souhaite contester. A chaque fois, il faut d’abord rappeler les règles de droit applicables, la jurisprudence allant dans le sens de la contestation avant de confronter les règles au cas particulier et indiquer expressément que la rectification en question est contestée. Si des observations avaient été formulées suite à la proposition de rectification et que le service a apporté une réponse, il faut analyser les éléments de réponse apportés et les contrer utilement. Il est donc recommandé de bien citer dans sa demande les dispositions législatives ou réglementaires sur lesquelles elle se fonde, en précisant, s’il y a lieu, l’interprétation qu’on entend leur donner et se référer à des décisions de jurisprudence appropriées.
La réclamation doit être signée par le contribuable ou la personne mandatée à cet effet. Si la réclamation n’est pas signée, l’administration doit inviter le contribuable, par lettre recommandée avec accusé de réception, à signer sa réclamation dans un délai de trente jours. Passé ce délai, une réclamation non signée ou signée irrégulièrement est irrecevable (BOI-CTX-PREA-10-50 n° 130, 12-9-2012).
La réclamation doit en principe être adressée au service des impôts dont dépend le lieu de l’imposition ou au service qui est à l’origine des impositions contestées. Dans le cadre d’une réclamation déposée à la suite des rectifications issues d’un contrôle fiscal, il faut adresser la réclamation au service vérificateur. Le contribuable ne court toutefois aucun risque pour avoir envoyé sa réclamation au mauvais service, car il appartient au service des finances publiques saisi d’une réclamation qui ne lui est pas destinée de la transmettre au service compétent et d’aviser le réclamant de cette transmission (BOI-CTX-PREA-10-10, n° 120). Une réclamation non signée n’est pas recevable même si elle a été envoyée par lettre recommandée (CE 7e-8e s.-s. 4-6-1975 n° 98031).
La réclamation peut être envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception ou être envoyée par courriel. Il ne résulte pas des articles R 190-1, R 197-3 et R 197-4 du LPF qu’une réclamation ne peut pas régulièrement être adressée par courrier électronique à l’administration fiscale. En pratique, les réclamations sont envoyées par l’avocat à l’administration par courriel. En cas d’envoi par courriel, et dans le cas d’une réclamation déposée suite à un contrôle fiscal, il est conseillé d’adresser la réclamation, non seulement au vérificateur ayant procédé à la vérification de comptabilité ou à l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, mais aussi à son service, comme par exemple la brigade de vérification à laquelle il appartient. Lorsque les pièces constituent des fichiers trop lourds à envoyer directement par courriel, il faut demander au vérificateur de créer un jeton ESCALE, permettant l’envoi de fichiers plus volumineux. En pratique, il est important lorsque la réclamation est envoyée au service vérificateur, de mettre en copie le comptable public, c’est-à-dire le pôle de recouvrement, surtout si un sursis de paiement est demandé. Bien-sûr que lorsque le service vérificateur reçoit la réclamation, il en informe le pôle de recouvrement, mais il peut arriver qu’un comptable public, pressé de recouvrer l’impôt, commence à pratiquer des saisie administratives à tiers détenteur, ne sachant pas qu’une réclamation avec demande de sursis de paiement est déposée. Il peut même être utile de téléphoner rapidement au pôle de recouvrement pour l’informer qu’une réclamation est déposée avec demande de sursis de paiement.
Le sursis de paiement.
En principe lorsqu’on conteste une imposition, il faut quand-même payer en attendant l’issue de la contestation. Cependant, selon les dispositions de l’article L 277 du LPF, et contrairement au droit administratif général où les réclamations n’ont en elles-mêmes aucun effet suspensif, en matière fiscale, le contribuable qui conteste le bien- fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s’il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes.
Il est donc possible au contribuable, et c’est ce qui est fortement recommandé, de faire une demande de sursis de paiement dans sa réclamation préalable. Cette demande de sursis aboutit à la suspension de l’exigibilité des impositions en litige, en attendant d’avoir la position de l’administration sur le dossier. C’est très important d’assortir sa réclamation de sursis de paiement afin d’éviter d’éventuelles saisies administratives à tiers détenteur pendant la procédure de contestation. Quand on intervient pour le compte d’un client, il faut, en général, finir sa réclamation en indiquant que « par application de l’article L 277 du LPF, mon client sollicite l’octroi du sursis de paiement des impositions contestées ». Comme le précisent les dispositions de l’article L 277 al. 2 du LPF, l’exigibilité de la créance et la prescription de l’action en recouvrement sont suspendues jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l’administration, soit par le tribunal compétent. En effet, le sursis de paiement conserve son effet lorsque la contestation est portée devant le juge de l’impôt, après le rejet total ou partiel de la réclamation par l’administration fiscale, et ce, jusqu’au prononcé de la décision du tribunal.
Le droit au sursis de paiement s’arrête en principe lorsque le tribunal rend sa décision. Autrement dit, un éventuel appel formé contre le jugement du tribunal n’empêche pas le comptable de retrouver son droit au recouvrement. Toutefois, on peut rappeler les dispositions de l’article L521-1 du Code de justice administrative selon lesquelles quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Il est donc toujours possible au contribuable de demander au juge des référés de la Cour administrative d’appel la suspension de la décision d’imposition. Il est possible au contribuable, même en cassation, d’user de cette faculté. C’est l’article R 821-5 du Code de justice administrative qui lui donne cette faculté en disposant que la formation de jugement peut, à la demande de l’auteur du pourvoi, ordonner qu’il soit sursis à l’exécution d’une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l’annulation de la décision juridictionnelle rendue en dernier ressort, l’infirmation de la solution retenue par les juges du fond.
La demande de sursis, lorsqu’elle n’est pas faite dans la réclamation, peut toujours être faite postérieurement. Lorsque le comptable public reçoit la demande de sursis de paiement, il demande au contribuable la présentation d’une garantie. En effet, le sursis de paiement, lorsqu’il est demandé, ne peut être refusé, mais le contribuable doit présenter des garanties.
La demande de garanties par le comptable public.
Aux termes des dispositions de l’article L 277 al.3 du LPF, lorsque la réclamation porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés, et l’article R 277-7 du LPF précise qu’en cas de réclamation relative à l’assiette d’imposition et portant sur un montant de droits supérieur à 4 500 €, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés. Ainsi, dès lors que le litige porte sur une somme en droits, à l’exclusion des pénalités, supérieure à 4 500 €, une garantie est demandée par le comptable public. Lorsque le contribuable ne présente pas spontanément les garanties lors de sa demande de sursis de paiement, le comptable public l’invite à présenter les garanties dans un délai de quinze jours. En effet, selon les dispositions de l’article R*277-1 du LPF, le comptable compétent invite le contribuable qui a demandé à différer le paiement des impositions à constituer les garanties prévues à l’article L. 277 et le contribuable dispose d’un délai de quinze jours, à compter de la réception de l’invitation formulée par le comptable, pour faire connaître les garanties qu’il s’engage à constituer.
En pratique, le comptable public envoie un courrier imprimé 3740-SD dont l’objet est « constitution de garantie suite au dépôt d’une réclamation ». Ce courrier indique en substance, « vous avez contesté le bien-fondé ou le montant des impositions visées ci-dessous et demandé à surseoir au paiement de la partie contestée de ces impositions, dans les conditions prévues par les articles L 277 et R*277-1 du livre des procédures fiscales ». Il rappelle alors les impositions concernées et précise « conformément aux dispositions de ces articles, vous devez constituer des garanties à hauteur du montant des droits contestés, à savoir (montant des droits, sans les pénalités). Ces garanties peuvent notamment consister en une consignation à un compte d’attente au Trésor, une affectation hypothécaire ou la présentation d’une caution. Je vous serai obligé de bien vouloir, dans les quinze jours suivant la réception de la présente lettre, me faire connaître les garanties que vous proposez de constituer. Je vous précise qu’à défaut de réponse de votre part dans ce délai, je serai dans l’obligation de prendre des mesures conservatoires. Je me tiens à votre dispositions pour tout renseignement complémentaire et vous prie d’agréer, Monsieur ou Madame, l’expression de ma considération distinguée ». Le courrier rappelle ensuite, en général, les dispositions des articles L 277, R*277-1, R*277-2, R 277-3-1, R 277-4, R 277-5, R 277-6 et R 277-7 du LPF.
Les imprimés 3740-SD indiquent toujours ces trois types de garanties, mais il faut noter que selon les dispositions de l’article R*277-1 al. 2 du LPF, ces garanties peuvent être constituées par un versement en espèces qui sera effectué à un compte d’attente au Trésor, par des créances sur le Trésor, par la présentation d’une caution, par des valeurs mobilières, des marchandises déposées dans des magasins agréés par l’Etat et faisant l’objet d’un warrant endossé à l’ordre du Trésor, par des affectations hypothécaires, par des nantissements de fonds de commerce.
En pratique, lorsque le contribuable ne peut présenter aucune des garanties ci-dessus, il est possible de proposer au comptable le versement à son compte d’une certaine somme tous les mois. Quand on est avocat intervenant pour le compte de son client, on peut alors envoyer au comptable le message suivant : « Je reviens vers vous à propos de la demande de garantie dans le cadre de la réclamation déposée par (nom et adresse du client). Mon client ne pouvant faire une consignation à un compte d’attente, une affectation hypothécaire ou présenter une caution, il vous propose de faire des virements mensuels d’un montant de (montant proposé) à votre compte. Ces virements interviendront le (date du mois choisi) de chaque mois, et débuteront dès le (date de début des virements).Si vous ne trouvez pas d’inconvénients à ces règlements, je vous prie de bien vouloir me communiquer le RIB du service ».
En général, faute de mieux, plusieurs comptables acceptent une telle proposition. D’autres sont plus réticents. Dans tous les cas, lorsque les garanties proposées par le contribuable sont suffisantes, le comptable a l’obligation de restituer au contribuable, d’éventuels sommes ou biens qu’il a pu appréhender antérieurement à la demande de sursis de paiement. C’est ce qui ressort des dispositions de l’article R277-3-1 du LPF aux termes desquelles, lorsque le redevable fournit des garanties suffisantes, au sens de l’article R. * 277-1, à l’appui d’une réclamation assortie d’une demande de sursis de paiement, celles-ci se substituent aux sommes ou biens appréhendés avant la réclamation pour le recouvrement des créances qui font l’objet de la contestation. Dans ce cas, le comptable restitue les biens ou sommes appréhendés, avant la réclamation pour le montant des créances effectivement garanties.
Lorsque le contribuable ne présente pas de garanties ou lorsque les garanties qu’il a proposées sont jugées insuffisantes par le comptable public, ce dernier notifie sa décision au contribuable par pli recommandé avec demande d’avis de réception postal dans un délai de quarante-cinq jours à compter du dépôt de l’offre, car à défaut de réponse par le comptable dans ce délai, et selon les dispositions de l’article R*277-1 du LPF, les garanties offertes sont réputées acceptées.
En pratique, le comptable public envoie un courrier imprimé 3741-SD dont l’objet est « rejet des garanties proposées suite au dépôt d’une réclamation ». Ce courrier indique en substance, « vous avez contesté le bien- fondé ou le montant des impositions visées ci-dessous et demandé à surseoir au paiement de la partie contestée de ces impositions, dans les conditions prévues par les articles L 277 et R*277-1 du livre des procédures fiscales ». Il rappelle alors les impositions concernées et indique « Par courrier (ou par courriel) en date de (date de la proposition des garanties), vous m’avez proposé la garantie suivante (rappel de la garantie proposée, par exemple, le versement d’une somme de mille euros par mois). Je vous informe qu’il ne m’est pas possible d’accepter cette garantie pour la raison suivante (par exemple, les délai de paiement ne constituent pas une garantie au sens de l’article R 277 du livre des procédures fiscales). Je vous invite à me faire part dans les meilleurs délais, d’une nouvelle proposition. Conformément aux dispositions des articles L 279 et L 279 A du livre des procédures fiscales, vous pouvez contester cette décision devant le juge du référé dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la présente lettre. Je vous précise que cette saisine du juge du référé ne sera recevable qu’à la condition de consigner à ma caisse, à un compte d’attente, une somme égale au dixième des impôts contestés, soit une somme de (il indique le montant correspondant au dixième des droits contestés). Une caution bancaire ou la remise de valeurs mobilières cotées en bourse peut tenir lieu de consignation. Je me tiens à votre dispositions pour tout renseignement complémentaire et vous prie d’agréer, Monsieur ou Madame, l’expression de ma considération distinguée ». Le courrier rappelle ensuite, en général, les dispositions des articles L 279 et L 279 A du LPF.
A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le contribuable bénéficie quand-même du sursis de paiement et le comptable ne peut que prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés, conformément aux dispositions de l’article L277 al. 4 du LPF. Il ne peut en revanche pratiquer, par exemple, des saisies administratives à tiers détenteur, pour recouvrer l’impôt, et ce, tant que l’administration n’aura pas pris une décision de rejet total ou partiel de la réclamation ou que le tribunal, le cas échéant, n’aura rendu sa décision.
En cas de dépréciation ou d’insuffisance révélée des garanties que le contribuable aurait présentés, le comptable peut à tout moment, en application de l’article R 277-2 du LPF, lui demander par lettre recommandée avec avis de réception, un complément de garantie pour assurer le recouvrement de la somme contestée.
Le contrôle des refus de sursis de paiement
Selon les dispositions de l’article L 279 du LPF, en matière d’impôts directs et de taxes sur le chiffre d’affaires, lorsque les garanties offertes par le contribuable ont été refusées, celui-ci peut, dans les quinze jours de la réception de la lettre recommandée qui lui a été adressée par le comptable, porter la contestation, par simple demande écrite, devant le juge du référé administratif, qui est un membre du tribunal administratif désigné par le président de ce tribunal. Il s’agit du référé fiscal qui est une procédure d’urgence. En effet, le contribuable peut contester devant le juge administratif, le refus du comptable d’accepter les garanties qu’il a proposées, mais il doit le faire dans un délai très court, soit dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la décision de refus. Il faut noter que conformément aux dispositions de l’article L279 A du LPF, lorsque la contestation porte sur un impôt qui relève de la compétence du juge judiciaire, le contribuable doit saisir le juge des référés du tribunal judiciaire.
L’article L 279 al. 2 pose cependant une condition de recevabilité. En effet, comme le rappelle le comptable public dans sa lettre de rejet, la demande n’est recevable que si le redevable a consigné auprès de lui, à un compte d’attente, une somme égale au dixième des impôts contestés. Une caution bancaire ou la remise de valeurs mobilières cotées en bourse peut tenir lieu de consignation.
La procédure étant une procédure urgente, le juge des référés, lui-aussi, doit se prononcer, en principe dans un délai d’un mois. Et il lui revient de décider si les garanties proposées répondent ou non aux conditions fixées par la loi. Le juge ne statue donc pas ici sur la légalité de la décision prise par le comptable public et ne se soucie pas d’un éventuel défaut de motivation, car « en application des dispositions précitées de l’article L. 279 du livre des procédures fiscales, il revient au juge du référé fiscal et au tribunal administratif statuant en appel non de statuer sur la légalité de la décision du comptable, mais d’apprécier eux-mêmes si les garanties offertes répondent aux conditions prévues à l’article L. 277 ; dès lors, en jugeant que le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la décision par laquelle le comptable a refusé la garantie offerte par la société était inopérant, le tribunal n’a pas commis d’erreur de droit » (Conseil d’Etat, 8 / 9 SSR, du 1 décembre 1999, 184304, mentionné aux tables du recueil Lebon).
L’éventuel appel formé contre la décision du juge des référés est fait dans un délai de huit jours devant le président de la Cour administrative d’appel qui statut, en principe dans un délai d’un mois.
En ce qui concerne les saisies conservatoires, mesures que peut prendre le comptable public en l’absence de garantie proposée ou lorsqu’il estime que les garanties proposées sont insuffisantes, le contribuable peut les contester aussi devant le jugé du référé fiscal. En effet, selon les dispositions de l’article L 277 al. 5 du LPF, lorsque le comptable a fait procéder à une saisie conservatoire, le contribuable peut demander au juge du référé de prononcer la limitation ou l’abandon de cette mesure si elle comporte des conséquences difficilement réparables. La limitation ou l’abandon des mesures est donc conditionnée au fait que ladite mesure comporte des conséquences difficilement réparables pour le contribuable. Dans le cadre de la contestation devant le juge du référé, des mesures conservatoires prises par le comptable public, le délai de quinze jours pour sa saisine n’est pas exigé. Il n’est pas exigé non plus que le contribuable fasse une consignation du dixième des droits contestés.
L’éventuel appel formé contre la décision du juge du référé, en matière de saisie conservatoire, est fait dans un délai de huit jours, non pas comme en matière de la contestation du refus de garantie devant le président de la Cour administrative d’appel ; la juridiction d’appel étant ici, selon la nature de l’impôt en cause, le tribunal administratif ou le tribunal judiciaire, qui rend sa décision dans le délai d’un mois.
Le délai de réponse à une réclamation préalable
Lorsque l’administration reçoit une réclamation, elle doit en principe y répondre dans un délai de six mois. En effet, selon les dispositions de l’article R*198-10 du LPF, la direction générale des finances publiques statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation. En pratique, l’administration répond, dans la majorité des cas dans ce délai, mais il arrive aussi que le délai de réponse soit long, voire très long. Certaines réclamations peuvent recevoir leur réponse au bout de deux ans ! Les dispositions de l’artcile R*198-10 du LPF précisent que si l’administration n’est pas en mesure de répondre dans les six mois, elle doit, avant l’expiration de ce délai, en informer le contribuable en précisant le terme du délai complémentaire qu’elle estime nécessaire pour prendre sa décision. Ce délai complémentaire ne peut, toutefois, excéder trois mois. Cependant, en pratique, l’administration n’infirme généralement pas lorsque la réponse ne peut intervenir dans les six mois. Elle notifie simplement la décision une fois qu’elle est prise. Il a été jugé que la circonstance que l’administration n’a pas statué sur la réclamation dans le délai de six mois qui lui est imparti, ni avisé le contribuable de la nécessité d’un délai complémentaire, n’entache pas de nullité la décision de rejet prise ultérieurement et que le silence ainsi gardé pendant six mois sur la réclamation du contribuable peut seulement être considéré comme équivalent à un rejet et permet à l’intéressé de porter le litige devant le tribunal administratif (CE 13-7-1967 n° 71240).
Il est donc toujours possible pour le contribuable qui le souhaite de saisir le juge de l’impôt, en l’absence de décision de l’administration dans les six mois, en assimilant cette absence de réponse à une décision implicite de rejet, mais il vaut mieux prendre son mal en patience, car tant que l’administration n’a pas notifié de décision, le délai de deux mois pour saisir le juge suite à une décision de l’administration, ne court pas. Seule une décision expresse de l’administration fait courir le délai de saisine du juge. Si l’administration met deux ans pour prendre sa décision le contribuable disposera de deux mois, après la notification de la décision pour la contester devant le juge de l’impôt.
La réponse de l’administration à une réclamation préalable
L’administration vérifie d’abord les conditions de forme, notamment, si la réclamation est présentée dans le délai de réclamation et si elle comporte la signature du déposant. Si c’est le cas la réclamation est recevable en la forme. Sur le fond, en pratique, lorsque l’administration prend une décision de rejet suite à une réclamation qui lui a été adressée, elle le fait par courrier en utilisant l’imprimé 4140-SD. Dans sa lettre de réponse, l’administration indique l’adresse du service ayant pris la décision (adresse postale et adresse mail, en général, l’adresse mail du service et celle du vérificateur lorsque la décision fait suite à un contrôle), l’adresse postale et l’adresse mail du conciliateur fiscal, le poste comptable, c’est-à-dire le PRS, le SIP ou le SIE chargé du recouvrement des impositions litigieuses, le lieu d’imposition, l’impôt ou taxe faisant l’objet de contestation (par exemple IR et PS ou IS et TVA), le N° de l’affaire (un numéro interne à l’administration), ainsi que la date de la réclamation. Puis il est mis comme objet : « Procédure contentieuse : Rejet de votre réclamation ».
Ensuite, il est écrit en substance : « vous m’avez adressé une réclamation concernant l’imposition désignée plus haut. Votre dossier a fait l’objet d’un examen attentif. Toutefois, votre demande a été refusée pour les raisons exposées ci-après ».
Les points de contestations sont alors repris un par un par l’administration pour justifier le maintien des impositions, car en cas de rejet total de la réclamation ou en cas d’une admission qui n’est que partielle, l’administration doit motiver sa décision, ce qui n’est pas forcément le cas, lorsque l’admission est totale. Par exemple, une décision qui ne permet pas au réclamant de connaître pour chacune des impositions contestées le montant de la réduction qui lui est accordée ne peut être regardée comme suffisamment motivée (CE 8-1-1975 n° 92518). Toutefois, le défaut de motivation de la décision n’entache pas la régularité de l’imposition. Un tel défaut de motivation a pour seul effet de ne pas faire courir le délai de recours devant le tribunal.
Si des pièces justificatives ont été produites, l’administration indique pourquoi ces pièces ne lui permettent pas de changer d’avis sur les impositions en question.
L’administration précise, en général, dans sa lettre que « si la demande est en partie rejetée pour défaut de justificatifs, je vous invite à m’adresser une nouvelle réclamation, accompagnée des documents demandés, avant de déposer tout autre recours ». Il est enfin indiqué au contribuable les modalités de recours contre la décision prise. Ces modalités sont indiquées en ces termes : « À compter du jour de réception de cette lettre, vous avez deux mois pour contester cette décision devant le juge. Pour ce faire, il vous suffit d’envoyer une demande sur papier libre, datée et signée, au tribunal administratif de (tribunal administratif compétent territorialement), dans laquelle vous exposerez les raisons de votre désaccord. N’oubliez pas de joindre à votre requête dûment datée et signée l’intégralité de la présente décision et toutes pièces que vous jugerez utiles d’adresser au tribunal. L’ensemble de ces documents doit être adressé en double exemplaire. Vous avez la possibilité de saisir la juridiction par voie dématérialisée via le site Télérecours (www.telerecours.fr). Si vous choisissez de vous faire représenter par un avocat, ou si vous êtes une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d’un service public, la saisine par ce téléservice est obligatoire. Vous pouvez aussi vous adresser au conciliateur fiscal de la direction, dont les coordonnées figurent dans le cadre plus haut, pour lui faire part de toutes les difficultés survenues dans le traitement de votre demande. Votre attention est toutefois appelée sur le fait que cette démarche n’interrompt pas le délai de deux mois dont vous disposez pour saisir le juge. Toutefois, j’attire votre attention sur le fait que le conciliateur fiscal s’efforce de répondre dans un délai de 30 jours. Je me tiens à votre dispositions pour tout renseignement complémentaire ».
Le courrier comporte la signature de son auteur. En effet, conformément aux disposition de l’article L 212-1 du Code des relations entre le public et l’administration, la décision par laquelle l’administration statue sur la réclamation doit comporter la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. Cependant, il est admis que les décisions d’admission totale ou partielle d’une réclamation sont dispensées de la signature de leur auteur dès lors qu’elles comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient.
Lorsqu’il s’agit d’une décision d’acceptation partielle, l’administration utilise l’imprimé 4135-SD, en mettant comme objet du courrier : « Procédure contentieuse : Acceptation partielle de votre réclamation ». Puis il indique en substance : « vous m’avez adressé une réclamation concernant l’imposition désignée plus haut. Après un examen attentif, j’ai décidé d’accepter en partie votre demande pour les raisons exposées ci-après. Le montant dégrevé vous sera automatiquement remboursé si vous avez déjà payé cet impôt et si vous êtes par ailleurs, à jour de vos paiements ».
L’administration rend sa décision en tenant compte des dispositions législatives et règlementaires, mais aussi de l’évolution de la jurisprudence ou de la doctrine exprimée au jour de l’examen de la demande. C’est ainsi par exemple que si une jurisprudence plus favorable est intervenue depuis, elle profite au contribuable.
Les décisions sont notifiées, en général, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Lorsque l’avocat a demandé à être destinataire des pièces de la procédure de son client, une copie lui est en général aussi adressée, soit par lettre simple, soit par courriel. Il a été jugé que le délai de recours devant le tribunal administratif court à compter du jour où la notification de la décision de l’administration statuant sur la réclamation du contribuable a été faite au contribuable lui-même, alors même que cette réclamation aurait été présentée par l’intermédiaire d’un mandataire. La circonstance que le contribuable aurait non seulement mandaté un conseil pour le représenter, mais aussi fait élection de domicile en son cabinet, est sans incidence sur l’application de cette règle (CE 8e s.-s.18-2-2008 n° 289552, 289553, 289554, Sté coopérative agricole La Luzerne de Champagne). Lorsque le contribuable était absent lors du passage du facteur, et qu’il a retiré le pli par la suite, le point de départ du délai de recours est la date du retrait effectif. En revanche, lorsque le pli n’ a pas été retiré, la notification du pli est considérée comme régulièrement effectuée à la date de présentation du pli au domicile du contribuable absent.
On note aussi le fait que l’administration peut s’abstenir de prendre elle-même une décision sur la réclamation et préférer soumettre d’office le litige à la décision du tribunal compétent, à condition d’en informer le contribuable préalablement.
La possibilité de déposer une nouvelle réclamation
Lorsque le contribuable voit sa réclamation préalable rejetée par l’administration fiscale, bien sûr qu’il peut saisir le juge de l’impôt ou le conciliateur fiscal, mais rien en lui interdit de déposer une nouvelle réclamation ou même de déposer autant de réclamations à chaque fois que la précédente est rejetée, tant qu’il est dans le délai qui lui est imparti pour déposer une réclamation, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la mise en recouvrement, ou en cas de contrôle, jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle est intervenue la proposition de rectification. Cependant, il vaut mieux disposer de documents complémentaires pour déposer ces nouvelles réclamations. Comme le rappelle d’ailleurs l’administration dans ces décisions de rejet, « si la demande est en partie rejetée pour défaut de justificatifs, je vous invite à m’adresser une nouvelle réclamation, accompagnée des documents demandés, avant de déposer tout autre recours ». Le contribuable peut donc utilement, à l’intérieur du délai légal, renouveler sa réclamation sans qu’il soit nécessaire que celle-ci repose sur des moyens de fait ou de droit nouveaux. A défaut, le contribuable qui n’est pas satisfait de la réponse donnée par l’administration à sa réclamation préalable peut porter son problème devant le juge de l’impôt.
8. La répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.
Le contentieux fiscal se partage entre je juge administratif et le juge judiciaire, même si l’essentiel de la matière relève de la compétence du juge administratif. L’article L 199 du LPF est le siège de la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Selon les dispositions de cet article, en matière d’impôts directs et de taxes sur le chiffre d’affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l’administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif. En matière de droits d’enregistrement, d’impôt sur la fortune immobilière, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions, le tribunal compétent est le tribunal judiciaire.
Pour faire simple, relèvent de la compétence du juge administratif, les impôts directs et la taxe sur la valeur ajoutée : impôts sur le revenu, impôts sur les sociétés, impôts directs locaux comme la taxe foncière et la taxe d’habitation, la CSG et CRDS sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement. Ces impôts relevant de la compétence du juge administratif représentent plus de 95% du contentieux fiscal.
Relèvent de la compétence du juge judiciaire, les impôts indirects et l’impôt sur la fortune immobilière : droits d’enregistrement, droit de timbre, contributions indirectes et taxes assimilées telles que la taxe sur les véhicules de société, les droits de place dans les halles et marchés, les droits sur les alcools, la CSG et CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement, la taxe de publicité foncière, l’IFI. Le contribuable doit donc s’adresser, soit au tribunal administratif, soit au tribunal judiciaire, en fonction de l’impôt qui fait l’objet de contestation.
9. Le délai de saisine du juge de l’impôt
Comme indiqué plus haut, il est rappelé que lorsque l’administration fiscale rejette une réclamation préalable déposée par un contribuable, ce dernier dispose d’un délai de deux mois pour saisir le tribunal et ce délai court à partir du jour où le contribuable a reçu notification de la décision de l’administration. Le délai de saisine du tribunal est un délai franc qui ne prend pas en compte le jour de la notification de la décision de l’administration. Les dispositions de l’article R 421-7 du Code de justice administrative (CJA) prévoient toutefois que le délai général de deux mois ouvert aux contribuables pour porter les litiges devant les tribunaux administratifs de la métropole est augmenté d’un mois pour les personnes qui demeurent dans un département d’outre-mer ou dans une collectivité territoriale d’outre-mer, et de deux mois pour celles qui demeurent à l’étranger.
En cas de silence gardé par l’administration pendant six mois, ce silence vaut, en principe, décision implicite de rejet et le contribuable peut saisir le juge de l’impôt. On rappelle, comme il a été indiqué plus haut, que les dispositions de l’article R*198-10 du LPF précisent que si l’administration n’est pas en mesure de répondre dans les six mois, elle doit, avant l’expiration de ce délai, en informer le contribuable en précisant le terme du délai complémentaire qu’elle estime nécessaire pour prendre sa décision. Ce délai complémentaire ne peut, toutefois, excéder trois mois. Cependant, en pratique, l’administration n’infirme généralement pas lorsque la réponse ne peut intervenir dans les six mois. Elle notifie simplement la décision une fois qu’elle est prise. Il a été jugé que la circonstance que l’administration n’a pas statué sur la réclamation dans le délai de six mois qui lui est imparti, ni avisé le contribuable de la nécessité d’un délai complémentaire, n’entache pas de nullité la décision de rejet prise ultérieurement et que le silence ainsi gardé pendant six mois sur la réclamation du contribuable peut seulement être considéré comme équivalent à un rejet et permettant à l’intéressé de porter le litige devant le tribunal administratif (CE 13-7-1967 n° 71240).
Il est donc toujours possible pour le contribuable qui le souhaite de saisir le juge de l’impôt, en l’absence de décision de l’administration dans les six mois, en assimilant cette absence de réponse à une décision implicite de rejet, mais il vaut mieux prendre son mal en patience, car tant que l’administration n’a pas notifié de décision, le délai de deux mois pour saisir le juge suite à une décision de l’administration, ne court pas. Seule une décision expresse de l’administration fait courir le délai de saisine du juge. Si l’administration met deux ans pour prendre sa décision le contribuable disposera de deux mois, après la notification de la décision pour la contester devant le juge de l’impôt.
Une fois saisi, le juge de l’impôt est un juge de plein contentieux, c’est-à-dire qu’il n’est pas conduit uniquement à l’annulation de la décision prise par l’administration fiscale, mais peut prononcer lui-même la décharge ou la réduction d’imposition que lui demande le requérant. Le juge joue ici le rôle de l’administration fiscale en déterminant lui-même le montant de l’impôt dû par le contribuable. Annulant un arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Nantes, le Conseil d’Etat a jugé que « le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie est fondé à soutenir qu’en accordant à la société requérante un dégrèvement de taxe professionnelle, la cour a méconnu l’office du juge de plein contentieux, qui est de calculer exactement le montant des droits faisant l’objet de sa décision, et à demander pour ce motif, l’annulation de l’arrêt attaqué » (Conseil d’Etat, 9ème et 10ème sous-sections réunies, du 19 mai 2004, 253375, inédit au recueil Lebon). Le juge de plein contentieux ne peut donc se contenter d’annuler la décision de l’administration fiscale et renvoyer les parties et à revoir leur position. Il doit lui-même, en lieu et place de l’administration calculer exactement le montant de l’impôt dû par le contribuable. Cependant le juge de l’impôt ne peut pas statuer au-delà de ce qui lui est demandé. Si le contribuable demande par exemple une réduction de l’imposition en cause, le juge ne peut pas lui accorder une décharge complète. Il n’appartient pas non plus au juge de l’impôt de substituer par exemple un fondement justifié pour le maintien d’une imposition à la place d’un fondement erroné de l’administration. Le conseil d’Etat a ainsi jugé que « c’est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que l’administration avait donné à l’imposition un fondement erroné, il n’appartient pas au juge de l’impôt, lorsqu’il n’y est pas invité par l’administration défenderesse, de substituer au fondement de l’imposition contestée un autre fondement, sur lequel serait justifié le maintien de cette imposition » (Conseil d’Etat, Section, du 21 mars 1975, 85496, publié au recueil Lebon).
10. Le contentieux devant le tribunal administratif
Les modalités de saisine du juge administratif
L’instance peut être introduite soit par le contribuable lui-même ou par ses héritiers, soit par un mandataire, comme par exemple son avocat. Les avocats régulièrement inscrits au barreau sont, en matière fiscale, dispensés de justifier d’un mandat lorsqu’ils agissent pour le compte d’un contribuable (article. R 197-4 du LPF). La saisine est également possible pour le cessionnaire d’une créance fiscale. En effet, le Conseil d’Etat a jugé qu’en cas de cession d’une créance fiscale dont le bien-fondé est contesté, le droit de saisir le juge de l’impôt n’est pas réservé au contribuable cédant. Si la cession est antérieure à la saisine du juge, le cessionnaire a, au même titre que le cédant, qualité pour agir.
En l’espèce, une société a demandé, sur le fondement du IV de l’article 271 du code général des impôts et conformément aux modalités fixées à l’article 242-0 C de l’annexe II à ce code, le remboursement de crédits TVA au titre des mois de juin et juillet 2007. En l’absence de réponse de l’administration fiscale à cette demande, la Banque, à qui cette créance avait été cédée par conventions des 12 juin et 1er août 2007, a saisi le tribunal administratif qui, par un jugement du 26 février 2013, a rejeté sa demande tendant au remboursement des crédits TVA. La cour administrative d’appel ayant rejeté son appel contre ce jugement, la Banque se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat.
Le Conseil d’Etat a considéré que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que la Banque n’était pas recevable à saisir le juge de l’impôt en sa qualité de cessionnaire de la créance sur le Trésor, au motif que le juge ne peut être valablement saisi d’une contestation relative à l’existence ou au montant d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée que par l’assujetti bénéficiaire du droit à déduction. La cour a également commis une erreur de droit en jugeant que la Banque n’était pas titulaire d’une créance sur le Trésor au motif que l’administration fiscale avait refusé le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée demandé par la société, alors que la contestation par l’administration fiscale du bien-fondé de la créance ne saurait avoir en elle-même d’incidence sur l’existence d’une telle créance, ni sur la qualité pour agir de son cessionnaire.
Ainsi, si le contribuable titulaire d’une créance fiscale qu’il cède dans le cadre de la loi « Dailly » conserve la qualité de contribuable et donc la qualité pour agir devant le tribunal, l’établissement de crédit cessionnaire, comme le cédant, a qualité pour agir devant le juge de l’impôt afin d’obtenir le paiement de cette créance, indépendamment des procédures de notification ou d’acceptation de la cession, lorsque la cession de la créance intervient avant la présentation de la demande au tribunal.
Le cessionnaire d’une créance fiscale, notamment un crédit TVA, dont le remboursement a été régulièrement demandé par le cédant mais dont l’administration conteste le bien-fondé peut ainsi saisir le juge de l’impôt d’une contestation relative à l’existence ou au montant de ce crédit, alors même qu’il n’est pas l’assujetti bénéficiaire du droit à déduction et que la cession n’a pas été notifiée à l’administration (CE 9e-10e ch. 20-9-2017 n° 393271).
Aux termes de l’article R 411- 1 du Code de justice administrative, la juridiction administrative est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge. Cette saisine du juge administratif peut se faire par simple lettre. Il suffit que la lettre comporte l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge, c’est-à-dire ce que le contribuable demande exactement au juge. On rappelle que dans sa décision de rejet ou d’acceptation partielle, l’administration indique les modalités de recours au contribuable en ces termes : « À compter du jour de réception de cette lettre, vous avez deux mois pour contester cette décision devant le juge. Pour ce faire, il vous suffit d’envoyer une demande sur papier libre, datée et signée, au tribunal administratif de (tribunal administratif compétent territorialement), dans laquelle vous exposerez les raisons de votre désaccord. N’oubliez pas de joindre à votre requête dûment datée et signée l’intégralité de la présente décision et toutes pièces que vous jugerez utiles d’adresser au tribunal. L’ensemble de ces documents doit être adressé en double exemplaire. Vous avez la possibilité de saisir la juridiction par voie dématérialisée via le site Télérecours (www.telerecours.fr). Si vous choisissez de vous faire représenter par un avocat, ou si vous êtes une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d’un service public, la saisine par ce téléservice est obligatoire » .
L’article R 414-1 du CJA prévoit en effet que la requête doit, à peine d’irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique lorsqu’elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public autre qu’une commune de moins de 3 500 habitants ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d’un service public, sachant que l’application Télérecours est accessible depuis le site www.telerecours.juradm.fr en ce qui concerne les tribunaux administratifs.
En vertu de l’article R 431-3, 2° du CJA, l’avocat n’est pas obligatoire. En pratique, lorsque c’est l’avocat qui saisit le TA pour son client, il dépose une requête par voie dématérialisée via le site Télérecours. L’objet de la requête peut être : « Requête introductive d’instance devant le tribunal administratif de (TA compétent) ». On peut indiquer ensuite : « Mesdames et Messieurs les Président et Conseillers composant le Tribunal Administratif de (TA compétent), A la requête de (nom et adresse postale du client) Ayant pour avocat (nom et prénom de l’avocat, barreau, adresse postale et courriel, numéro de Toque) ; CONTRE : Une décision de l’Inspecteur des finances publiques en date du (date de la décision de rejet) ». Vient ensuite l’exposé des faits qui peut être très court, comme par exemple : « A la suite d’une proposition de rectification du (date de la proposition de rectification), liée à la vérification de comptabilité (ou à l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle) concernant la période du (date de début de la période vérifiée) au (date de fin de la période vérifiée), et la réponse du (date de la réponse aux observations), aux observations formulées par le contribuable le (date des observations du contribuable) maintenant en totalité (ou partiellement) les rectifications qui ont été proposées, le contribuable a déposé une réclamation préalable le (date du dépôt de la réclamation préalable). Par une décision du (date de la décision de rejet ou d’acceptation partielle), l’administration a rejeté la réclamation (ou a maintenu partiellement les impositions) ».
En ce qui concerne l’exposé des moyens, il convient de reprendre un par un, les différents points de rectification qu’on souhaite contester et qu’on a soulevés dans sa réclamation préalable, en indiquant pourquoi la réponse donnée par l’administration dans sa décision de rejet n’est pas fondée, sachant que le juge est tenu de relever d’office l’irrecevabilité de conclusions présentées devant le tribunal administratif et tendant à la restitution d’une imposition non contestée dans la réclamation préalable (CE 9e et 10e s.-s. 26-12-2013 n° 354662, min. c/ Caisse autonome des retraites des travailleurs salariés de Monaco). Il a été jugé par exemple que le contribuable qui, dans sa réclamation, s’est borné à contester la taxe professionnelle à laquelle il a été assujetti au titre d’un établissement n’est pas recevable à contester devant le tribunal administratif la taxe professionnelle afférente à un autre établissement situé dans la même rue, mise en recouvrement sous un autre article du rôle (CE 9e s.-s. 15-1-1992 n° 74603).
En contestant la décision, il faut à chaque fois, d’abord rappeler les règles de droit applicables, la jurisprudence allant dans le sens de la contestation avant de confronter les règles au cas particulier et indiquer expressément que la rectification en question est contestée. Il faut analyser les éléments de réponse donnés par l’administration fiscale dans sa décision de rejet ou d’acceptation partielle, et les contrer utilement, car le tribunal administratif rejette les demandes qui ne sont pas motivées. Par exemple, sont irrecevables comme non motivées ou insuffisamment motivées, une requête dans laquelle le contribuable se borne à déclarer qu’il conteste la décision du directeur rejetant sa réclamation et à joindre à ladite demande les articles litigieux ainsi que la lettre du directeur (CE 9e s.-s. 31-1-1964 n° 51427) ; à mentionner qu’il persiste dans sa demande en dégrèvement (CE 7e et 9e s.- s. 6-11-1968 n° 74153) ; à « prier » le tribunal de « prendre note » du fait qu’il conteste la décision du directeur dont copie se trouve jointe (CE 7e et 9e s.-s. 19-11-1976 n° 94559) ; ou encore à demander au tribunal administratif de bien vouloir « statuer sur son cas personnel » (CE 7e et 9e s.-s. 29-7-1983 n° 34686 et 34687). De même n’est pas motivée la demande dans laquelle le contribuable se borne à déférer la décision de rejet du directeur pour « violation de la loi et des principes généraux du droit » (CE 7e et 8e s.-s. 21-3-1980 n° 8862), la violation de diverses lois (CE 7e et 9e s.-s. 21-5-1986 n° 57811) ou à critiquer la législation en vertu de laquelle l’imposition est établie (CE 9e s.-s. 25-1-1963 n° 58049 ) ; à soutenir que le taux de l’impôt est trop élevé, tout en ne contestant pas que les impositions litigieuses mises à sa charge aient été exactement calculées (CE 9-10-1961 n° 50807), ou bien à indiquer qu’il « ne doit rien », sans que cette affirmation soit précisée dans une pièce annexe permettant d’en apprécier la portée exacte (CE 11-1-1963 n° 46799, 9e s.-s. : RO p. 261, Lebon p. 865) ; ou encore à affirmer qu’il est en mesure d’établir qu’il n’a commis aucune dissimulation ni minoration des recettes (CE 7e s.-s. 10-1-1966 n°60313) ; ou bien encore à alléguer tout simplement que ses bases d’imposition sont considérablement surévaluées par rapport à ses ressources (CE8e et 9e s.-s. 24-7-1987 n° 57744).
Il faut donc motiver sa requête par des moyens adéquats et dans ses conclusions, il faut un PAR CES MOTIFS qui demande au tribunal d’annuler la décision de l’administration fiscale, de prononcer soit la décharge des impositions supplémentaires maintenues dans la décision de rejet ou d’acceptation partielle, soit une réduction de ces impositions, sans oublier de demander au juge administratif de mettre à la charge de l’Etat, une certaine somme en application de l’article 761-1 du code de justice administrative. La requête doit être signée par l’avocat. En effet, en application de l’article R 431-4 du CJA, la requête au tribunal administratif doit être signée par son auteur. L’absence de signature a pour effet de rendre la demande irrecevable. Toutefois, ce vice de forme résultant du défaut de signature peut être régularisé, sachant que le juge ne peut relever d’office l’irrecevabilité tirée du défaut de signature sans avoir au préalable invité l’intéressé à régulariser sa requête.
Il faut joindre les pièces du dossier (au minimum, la décision de l’administration qu’on conteste). Selon les dispositions de l’article R 412-1, al. 1 du CJA, la requête doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée lorsque la demande au tribunal administratif fait suite à une décision de l’administration, ou de la pièce justifiant de la date du dépôt de la réclamation lorsque le contribuable saisit le tribunal administratif en l’absence d’une décision prise par l’administration dans le délai imparti pour statuer sur la réclamation.
La CAA Bordeaux a jugé par exemple qu’une requête accompagnée d’une copie du recto seulement de la décision attaquée, lequel ne comporte pas les motifs de cette décision, est irrecevable dès lors qu’elle ne reproduit ni même ne précise ces motifs dans des conditions permettant de suppléer à leur non-production et que le contribuable, invité à régulariser la requête, n’a pas satisfait à cette demande. Au cas particulier, « il résulte des mentions mêmes du jugement attaqué que le requérant a été invité par le greffier en chef du tribunal à régulariser sa demande par la production de la décision attaquée ; que son allégation selon laquelle cette invitation aurait été assortie d’un délai inférieur à celui que prescrivaient les dispositions de l’article R 149-1 du C. TA-CAA alors applicable n’est corroborée par aucune pièce du dossier, l’intéressé s’étant abstenu d’appuyer son affirmation de toute justification ; que s’il a répondu à cette invitation, il s’est borné, à nouveau, à produire la copie du recto de l’avis de rejet de sa réclamation » (CAA Bordeaux 6-7-2001 n° 98-1095).
Il faut nommer les pièces du dossier d’après une indication que donne le tribunal administratif. Par exemple : « 1 Proposition de rectification, 2 Observations du contribuable, 3 Réponse aux observations du contribuable, 4 Avis de mise en recouvrement, 5 Réclamation préalable, 6 Décision de rejet etc. ». On peut mettre son bordereau de pièces, mais le site Télérecours propose d’éditer un bordereau automatique, plus simple. Dès que la requête est envoyée, on reçoit un accusé de dépôt automatique, puis après enregistrement par le greffe du tribunal, on reçoit un accusé d’enregistrement de la requête.
Si le contribuable peut saisir le juge administratif d’une requête suite à une décision de l’administration dont il n’est pas content, n’oublions toutefois pas que les dispositions de l’article R741-12 du CJA prévoient que le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros.
Le mémoire en défense de l’administration fiscale
Une fois la requête déposée, le TA en informe l’administration. Ce sont les divisions juridiques de l’administration qui traitent cette partie contentieuse. L’administration produit alors un mémoire en défense qui sera communiqué par le TA au contribuable. L’avocat reçoit le mémoire via Télérecours.
Dans son mémoire en défense produit sur un imprimé 4535-SD, après avoir indiqué le nom de l’affaire (dénomination sociale de la société ou nom de la personne physique), un N° ERICA (relatif au TA), le service comptable de l’affaire (PRS, SIE ou SIP), le lieu d’imposition, et la brigade ou le service vérificateur, l’administration indique : « PROCÉDURE CONTENTIEUSE, MÉMOIRE EN DÉFENSE, POUR : L’Administrateur de l’État, CONTRE (dénomination sociale de la société ou nom de la personne physique) ».
Le mémoire rappelle ensuite les faits et procédure de l’affaire, et précise le quantum du litige, c’est-à-dire la somme globale sur laquelle porte le litige. Si l’administration n’a pas de reproche sur la recevabilité en la forme de la requête, elle indique « cette requête, recevable en la forme, appelle de ma part les observations suivantes ». Le mémoire reprend alors les différents points pour justifier le bien-fondé des impositions litigieuses, et en conclut que « pour l’ensemble des motifs exposés ci-dessus et tous autres à suppléer le cas échéant, j’estime qu’il convient pour le Tribunal administratif de rejeter la requête déposée par la société X ou M ou MME Y ». L’administration peut aussi conclure à l’admission partielle de la requête, notamment en cas de productions d’éléments nouveaux par le contribuable pouvant justifier la réduction des impositions. Quoique rare, l’administration peut aussi conclure à une admission totale, notamment lorsque la procédure est viciée. Le mémoire de l’administration est notifié au contribuable ou à son avocat par le tribunal.
La cristallisation de la demande et l’autorisation des moyens nouveaux
En matière fiscale, les moyens nouveaux peuvent être soulevés à tout moment de la procédure. Cependant, la demande est cristallisée en ce sens que le contribuable est tenu par le contenu de sa demande. Les moyens, ce sont les arguments que le contribuable avance pour soutenir sa demande. La demande, c’est ce que demande exactement le contribuable au juge de l’impôt. Cette demande peut être, soit la décharge totale de l’imposition litigieuse, soit la décharge partielle de cette imposition, soit encore la restitution totale ou partielle d’un impôt qu’il a déjà payé. En effet, tel qu’il ressort des dispositions de l’article R*200-2 du LPF, le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu’il a visées dans sa réclamation à l’administration. Mais, dans la limite du dégrèvement ou de la restitution primitivement sollicités, il peut faire valoir toutes conclusions nouvelles à condition de les formuler explicitement dans sa demande introductive d’instance. Ce qui n’est pas demandé à l’administration ne peut être demandé au juge.
Si la demande est cristallisée, les moyens nouveaux, eux sont admis tout au long de la procédure. L’article L199 C du LPF dispose en effet que l’administration, ainsi que le contribuable, dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d’appel, jusqu’à la clôture de l’instruction. En revanche, les moyens nouveaux ne sont pas recevables devant le Conseil d’Etat, sauf lorsque le Conseil d’Etat, après annulation, règle lui-même l’affaire au fond.
Le contribuable peut donc avancer des arguments qu’il n’aurait pas évoqués dans sa réclamation préalable pour soutenir sa demande. Par exemple, un contribuable qui, dans sa requête s’est borné à contester le bien-fondé de l’imposition est recevable à invoquer, avant la clôture de l’instruction, l’irrégularité de la procédure d’imposition (BOI- CTX-ADM-10-20-30 n° 240, 12-9-2012).
Toutefois, et comme le précise les dispositions précitées, ces nouveaux moyens ne sont accueillis que dans la limite du dégrèvement ou de la restitution primitivement sollicités. Il faut donc rester dans la limite du montant global de dégrèvement initialement demandé.
Certains moyens dits d’ordre public, tels que par exemple la date d’entrée en vigueur d’une loi, sont eux soulevés d’office par le juge de l’impôt, même si aucune des parties ne le lui demande. En revanche, divers moyens ont été jugés inopérants, c’est ceux qui, bien que recevables et fondés, sont sans influence sur la solution du litige. Par exemple, a été jugé inopérant, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative serait contraire à un principe général du droit fiscal (CE 8e et 7e s.-s. 2-6-1989 n° 66604). De même, le moyen tiré de la rupture d’égalité devant les charges publiques est inopérant à l’encontre d’une imposition légalement établie (CE 8e et 3e s.-s. 18-5-2005 n° 258951). Le moyen tiré de ce que le vérificateur aurait agi de manière discriminatoire (la société soutenait que les origines ethniques du gérant avaient été le motif de l’intervention du vérificateur et de la sévérité des rectifications) ne peut, en tout état de cause, être accueilli à l’appui d’une demande en décharge de l’impôt dès lors que la procédure d’imposition a été régulière et que l’exagération des bases d’imposition ou l’illégalité du mode de calcul de l’imposition ne sont pas démontrées. Un tel moyen est inopérant, une imposition régulièrement établie et correctement calculée au regard de la loi fiscale étant légalement due (CE 8e et 7e s.-s. 13-4-1988 n° 19615 bis).
La compensation d’assiette
On peut rappeler les dispositions de l’article 1289 du code civil qui prévoient que lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une envers l’autre, il s’opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes. C’est cette possibilité de compensation entre dettes réciproques que consacre l’article L 203 du LPF, aux termes duquel lorsqu’un contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition quelconque, l’administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l’expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l’imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l’assiette ou le calcul de l’imposition au cours de l’instruction de la demande. Quant à l’article L 80 du LPF, il dispose que l’administration peut effectuer toutes les compensations entre l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés et différents autres impôts et taxes. La compensation qui peut être opposée à tout moment de la procédure contentieuse, devant le tribunal administratif (CE 8e s.-s. 27-10-1965 n° 55607), comme devant la cour administrative d’appel (CAA Bordeaux 3-6-1998 n° 95- 1019, min. c/ B), peut également s’exercer au stade de la procédure de contrôle et de rectification. Elle peut être opposée aussi bien par l’administration que par le contribuable.
Ainsi l’administration peut prononcer une décharge mais profiter pour compenser la perte réalisée par une autre imposition qui serait dû par le contribuable et qui n’a jusqu’alors pas été invoqué. De son côté, le contribuable peut obtenir qu’une imposition injustifiée vienne compenser une rectification. Cependant la compensation d’assiette, lorsqu’elle est demandée, aussi bien par le contribuable que par l’administration, ne peut, sauf exception prévue par la loi, jouer qu’au titre d’un même impôt et d’une même période d’imposition. Elle ne peut jouer qu’entre des éléments relatifs à la même année d’imposition (CE 8e - 9e s.-s. 18-11-1983 n° 28348). C’est ainsi par exemple qu’un rappel de TVA ne peut être compensé par un excédent de TVA que le contribuable aurait acquitté pour des opérations effectuées après la période vérifiée même si le vérificateur a admis cette compensation dans les notifications de redressement (CE plén. 23-3-1984 n° 35599).
Cependant, par dérogation à la règle d’identité d’impôt, l’article L 204 du LPF autorise, dans certains cas, la compensation entre impôts différents. En effet, selon les dispositions de cet article, la compensation peut aussi être effectuée ou demandée entre d’une part, à condition qu’ils soient établis au titre d’une même année, l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, la taxe sur les salaires, la taxe d’apprentissage, la cotisation perçue au titre de la participation des employeurs à l’effort de construction ; et d’autre part entre les droits d’enregistrement, la taxe de publicité foncière exigible sur les actes qui donnent lieu à la formalité fusionnée en application de l’article 647 du CGI et les droits de timbre, perçus au profit de l’Etat.
La compensation peut être opposée à tout moment de la procédure, de sorte que l’administration, comme le contribuable peut se prévaloir de la compensation aussi bien devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d’appel, sachant que l’expiration du délai de reprise ne peut être opposée à une demande de compensation. Il s’agit d’une dérogation aux règles relatives à la prescription.
La compensation ne peut cependant être soulevée d’office par le juge. Il appartient à l’administration ou au contribuable de présenter une demande de compensation (CE 9e - 8e s.-s. 23-10-1991 n° 55599-5560). Qu’elle soit demandée par l’administration ou le contribuable, la compensation n’intervient que dans la limite du quantum de l’imposition contestée (CE plén. 11-7-2011 n° 301849 Sté Crédit Lyonnais).
La substitution de motif ou de base légale
La substitution de motif ou de base légale constitue pour l’administration un outil formidable pour réparer d’éventuelles erreurs juridiques qu’elle aurait commises. Si cette possibilité n’existait pas, des contribuables pourraient échapper, par chance (puisque l’administration aurait commis une erreur de fondement juridique de l’imposition en question), à une imposition à laquelle ils étaient normalement soumis. L’administration n’est donc pas liée par les arguments et fondements juridiques qu’elle a invoqués dans le redressement qu’elle a effectué. Devant le juge de première instance comme devant le juge d’appel, si l’administration s’aperçoit que les arguments ou les fondements juridiques utilisés ne sont pas les bons et que cela peut permettre au contribuable de faire tomber les impositions, elle est en droit de modifier les éléments avancés initialement dans la proposition de rectification pour invoquer les moyens et fondements adéquats afin de maintenir les impositions litigieuses. Par exemple, l’administration peut avoir taxé un revenu, comme étant un BIC, en se fondant sur les dispositions relatives à cette catégorie de revenus. Rien ne l’empêche, s’il s’avère que ce revenu n’est pas du BIC, mais un BNC, par exemple, de maintenir son imposition et invoquer les dispositions appropriées.
Mais cette possibilité offerte à l’administration ne doit pas avoir privé le contribuable d’une garantie dont il aurait bénéficié au titre du nouveau fondement invoqué par l’administration fiscale, comme par exemple le droit d’avoir porté le litige devant la commission départemental des impôts, ce qui n’aurait pas été le cas, avec le premier fondement retenu. Dans un arrêt du 20 juin 2007, le Conseil d’Etat a rappelé clairement que si l’administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l’imposition, une telle substitution ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend relatif à une question de fait dont la solution commande le bien-fondé du nouveau motif invoqué par l’administration.
Au cas particulier les impositions litigieuse à laquelle la société avait été soumise résultaient de la remise en cause de la déduction d’une provision pour dépréciation de licences de transport. L’administration a procédé à la réintégration de la provision lors de la procédure de rectification contradictoire en soutenant que le motif pour lequel la provision était constituée, en l’occurrence, un changement de réglementation, ne constituait pas un événement rendant probable la dépréciation des licences de transport antérieurement acquises, et, faisant valoir qu’il s’agissait là d’une question de droit échappant à la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires. Devant la cour administrative d’appel, l’administration a abandonné le motif initial, que le tribunal administratif avait jugé infondé, et soutenu que la réintégration de la provision était justifiée du fait que son montant ne correspondait pas à une évaluation suffisamment précise de la dépréciation des licences que détenait la société. La cour administrative d’appel, estimant que le nouveau motif soulevait une question de fait relevant de la compétence de la commission départementale des impôts, a jugé que sa substitution au motif initialement retenu par l’administration, sans que la société ait bénéficié de la garantie que constitue la consultation de cette commission, ne pouvait pas être admise. En cassation, le Conseil d’Etat a confirmé la position de la Cour d’appel en rejetant le pourvoi formé par l’administration contre l’arrêt d’appel (Conseil d’État, 9ème et 10ème sous- sections réunies, 20/06/2007, 290554). Il ressort aussi de l’avis du Conseil d’Etat du 1er avril 2010 que « si l’administration peut, à tout moment de la procédure contentieuse, y compris pour la première fois en appel, invoquer tout nouveau fondement à une imposition contestée devant le juge de l’impôt, c’est à la condition qu’un débat contradictoire ait lieu sur ce point devant le juge et que le nouveau fondement invoqué ne prive pas le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi » ( Avis n° 334465 du 1er avril 2010).
En revanche l’administration peut demander qu’une imposition établie sur le fondement de l’article L 64 du LPF relatif à l’abus de droit soit maintenue sur le fondement de la fraude à la loi, dès lors que cette substitution de base légale ne prive le contribuable d’aucune garantie de procédure, la commission départementale des impôts n’étant pas compétente pour apprécier si les opérations litigieuses pouvaient être qualifiées de fraude à la loi (CE 8e -3e s.-s. 7-9-2009 n° 305586, min. c/ SA Axa).
Dans le même sens, il a été jugé que l’administration, qui a taxé une plus-value de cession de valeurs mobilières dans la catégorie des RCM est fondée à demander en cours d’instance, par substitution de base légale, la taxation de cette plus-value sur le fondement de l’article 92 B du CGI dès lors que le contribuable n’a été privé d’aucune garantie de procédure du fait de l’application de la nouvelle base légale, et notamment pas de celle attachée à la saisine de la commission départementale, incompétente pour connaître du litige (CAA Paris 12-5-2010 n° 08- 4607).
De même, l’administration peut demander en appel qu’une imposition établie à tort dans la catégorie des BIC soit maintenue par substitution de base légale dans la catégorie des BNC, dès lors qu’en l’absence d’une déclaration spéciale le montant du bénéfice non commercial pouvait être arrêté d’office (CAA Nantes 31-12-1991 n° 1231). L’administration est fondée à demander que l’article 109, 1-2° du CGI soit substitué à l’article 109, 1-1° de ce Code comme fondement de l’imposition de revenus distribués, dès lors que cette substitution de base légale ne prive le contribuable d’aucune des garanties de procédure prévues par la loi (CE 3e - 8e s.-s. 5-1-2005 n° 254831).
Lorsque l’administration propose une substitution de base légale, le juge vérifie d’office si la procédure d’imposition liée à la nouvelle base invoquée a été régulièrement suivie (CE 8e - 9e s.-s. 22-5-1992 n° 63849). Ainsi, lorsqu’il est saisi d’une demande de substitution de base légale, le juge doit vérifier d’office que la substitution proposée ne prive pas le contribuable d’une garantie de procédure prévue par la loi (CE 8e - 3e s.-s.1-12-2004 n° 250344).
Ce pouvoir de substitution reconnu à l’administration pour corriger à tout moment de la procédure, ses erreurs est donc encadré par le juge et ne doit pas conduire à priver les garanties de procédure reconnues au contribuable. Si les erreurs peu graves peuvent être corrigées par l’administration en cours de procédure, les erreurs substantielles ayant privé le contribuables de ses garanties ne sauraient être tolérées et la décharge de l’impôt est prononcée dans ces circonstances, même si l’article L80 CA du LPF introduit par la Loi n°90-1169 du 29 décembre 1990, art. 45, dispose que « la juridiction saisie peut, lorsqu’une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d’imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l’exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. Elle prononce la décharge de l’ensemble lorsque l’erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu’elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France ».
La substitution de base légale n’est possible que s’il y a identité d’impôt. Elle ne peut être opérée pour des impôts distincts. De même, elle ne peut se faire d’office. Il n’appartient pas au juge de substituer d’office la bonne base légale à la mauvaise qu’aurait choisie l’administration fiscale. Il n’appartient pas au juge de substituer au fondement de l’imposition contestée un autre fondement légal, en l’absence de conclusions de l’administration en ce sens (CE 8e ch. 22-12-2017 n° 406791). Lorsque l’administration prend l’initiative de la demande de substitution, elle doit être précise dans sa démarche. La demande de substitution de base légale n’est recevable que si l’administration définit avec précision le fondement sur lequel elle sollicite la taxation de la somme litigieuse (CE 8e - 3e s.-s. 30- 11-2001 n° 208446).
Cette substitution de base légale peut être invoquée par l’administration à chaque étape de la procédure, c’est-à- dire aussi bien au stade de la réclamation, devant le tribunal administratif (CE 9e s.-s. 10-2-2010 n° 316437), que pour la première fois devant le juge d’appel (CE 8e - 3e s.-s. 8-6-2011 n° 311580). En revanche, elle ne peut être invoquée pour la première fois devant le juge de cassation dès lors qu’elle ne constitue pas un moyen d’ordre public (CE 9e - 10e s.-s. 23-3-2005 n° 237810).
La charge de la preuve
De façon générale, il revient à celui qui invoque de prouver. Mais en matière fiscale, les règles de preuve dépendent de la procédure d’imposition. En cas de contrôle fiscal, lorsque l’administration procède à des rectifications suivant la procédure contradictoire et que le contribuable conteste les rectifications, il revient à l’administration fiscale d’apporter la preuve de ses prétentions. Cependant l’article R*194-1 al .1 du LPF dispose que lorsque, ayant donné
son accord à la rectification ou s’étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l’imposition, en démontrant son caractère exagéré. Autrement dit, le contribuable lorsque, à réception d’une proposition de rectification, n’a pas présenté des observations dans les délais impartis pour indiquer son désaccord sur les rectifications proposées, il peut toujours les contester plus tard par la voie d’une réclamation contentieuse, mais il va lui revenir de supporter la charge de la preuve.
Il faut rappeler que lorsque le contribuable reçoit une proposition de rectification qui arrive parfois comme une proposition indécente, il dispose d’un délai de 30 jours pour faire parvenir à l’administration son acceptation ou ses observations ; le délai pouvant être prorogé de 30 jours supplémentaires à la demande du contribuable. L’application de la prorogation est de droit en procédure de rectification contradictoire si la demande a été formulée dans le délai par le contribuable. Les demandes de prorogation du délai de réponse présentées après l’expiration du délai initial ne sont pas recevables sauf circonstances exceptionnelles invoquées par le contribuable (Inst. 31- 3-2008, 13 L-3-08 n° 9). La prorogation de 30 jours concerne les réponses aux rectifications effectuées dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire. Cependant, les contribuables qui sont taxés d’office en application de l’article L 69 du LPF (défaut de réponse à une demande d’éclaircissements ou de justifications) à l’issue d’un examen de situation fiscale personnelle peuvent bénéficier de la prorogation pour répondre à la proposition de rectification s’ils le demandent expressément avant l’expiration du délai de 30 jours initial (Inst. 31- 3-2008, 13 L-3-08 n° 4).
Le délai de 30 jours, éventuellement prorogé, est un délai franc. Il est fait abstraction du jour du point de départ du délai et de celui de son échéance. De même, lorsque le dernier jour où le contribuable peut présenter sa réponse est un samedi ou un jour férié, le délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Pour apprécier la recevabilité de la réponse à l’égard du délai, il est retenu comme date celle de l’envoi des observations à l’administration, le cachet de la poste faisant foi. Il est recommandé de doubler cet envoi par l’envoi d’un courriel.
Les cas d’acceptation ne sont pas très fréquents, étant précisé que l’absence de réponse dans le délai imparti produit les mêmes effets qu’une acceptation formelle. L’acceptation du contribuable peut être formelle ou sous conditions. La circonstance que la loi donne au contribuable un délai de trente jours pour présenter les observations sur une proposition de rectification ne rend pas irrégulière une procédure dans laquelle le contribuable donne son accord par écrit avant l’expiration de ce délai, y compris le jour même de la réception de la proposition. Cette acceptation est opposable au contribuable dès lors qu’il ne l’a pas remise en cause dans le délai de réponse (CE 6-1-1986 n° 42033 ; CAA Marseille 16-11-1999 n° 97-60). De même, l’acceptation immédiate qu’a donnée le contribuable, par écrit et en présence de ses conseils, à la proposition de rectification que le vérificateur lui a remise en main propre est régulière même si elle n’a été accordée que du fait des difficultés de trésorerie qu’il connaissait alors (CE 6-1-1988 n° 54799).
A la place d’une acceptation, bien souvent, c’est des observations que le contribuable est amené à formuler. Aucune condition de forme n’étant imposée par la loi, le contribuable peut présenter ses observations oralement ou par écrit. Cependant, il a été jugé que les observations que le contribuable entend présenter en réponse à la proposition de rectification doivent être formulées par écrit dans le délai prévu par la loi. Ainsi, des observations écrites parvenant après l’expiration de ce délai sont considérées comme tardives alors même que le contribuable aurait, dans ce délai, présenté des observations orales au cours d’un entretien avec le vérificateur (CE 3-7-1985 n° 39952).
Les observations, elles-mêmes, peuvent consister en un refus pur et simple ou comporter une argumentation à laquelle l’administration devra répondre. Il convient de reprendre un par un les éléments qu’on entend contester et appuyer ses arguments avec des documents justificatifs.
Dans tous les cas, il convient de répondre à la proposition de rectification dans le délai imparti en fournissant au vérificateur des pièces justificatives permettant de soutenir les arguments avancés et en soulevant l’ensemble des
points litigieux, car si le contribuable ne conteste que certains chefs de rectifications, l’administration pourra considérer qu’il a donné son accord tacite sur les chefs de rectification non critiqués, et la charge de la preuve sera renversée à leur propos en cas de recours contentieux.
En dehors d’une acceptation ou en l’absence de contestation des rectification dans les délais, l’article R*194-1 al.2 du LPF prévoit qu’en cas de contestation par le contribuable d’une imposition établie d’après ses propres déclarations, il lui revient d’apporter la preuve de ses contestations. De même, l’article L193 du LPF prévoit que dans tous les cas où une imposition a été établie d’office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l’imposition. C’est le cas lorsque le contribuable n’a pas déclaré ses bases d’imposition et que l’administration a procédé à une taxation d’office. Dans une proposition de rectification, l’administration précise toujours d’ailleurs la procédure d’imposition utilisée, sachant que dans la même proposition de rectification, certaines rectifications peuvent avoir été faites suivant la procédure contradictoire et d’autres, celle de la taxation d’office. L’imposition d’office peut être effectuée lorsque par exemple, lors du contrôle l’administration n’a pas obtenu les pièces comptables pouvant permettre de justifier telle ou telle charge.
L’article L192 al.1 du LPF prévoit que lorsque la commissions départementale des impôts a été saisi d’un litige ou d’une rectification, l’administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l’avis rendu par la commission. Cependant l’al.2 du même article dispose que la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l’imposition a été établie conformément à l’avis de la commission. C’est le cas par exemple lorsqu’il y a rejet de comptabilité. Il arrive en effet que la comptabilité présente de graves irrégularités que le vérificateur décide de la rejeter et de la reconstituer lui-même.
En effet, dans certaines situations, l’administration fiscale peut estimer que la comptabilité de l’entreprise est dénuée de toute valeur probante au regard des graves irrégularités qu’elle comporte. Le rejet de la comptabilité est possible, d’abord lorsque la comptabilité est irrégulière, c’est-à-dire lorsqu’elle comporte des erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées, lorsqu’il y a absence de pièces justificatives, ou encore, la non-présentation de la comptabilité, tout simplement.
Il a été jugé que le fait qu’une comptabilité comporte des omissions volontaires de recettes suffit en principe à établir son absence de valeur probante (CE 24 novembre 1986 n° 46012). L’omission de comptabilisation des recettes, pour une partie de la période vérifiée, affecte ainsi la valeur probante de la comptabilité, pour toute la période (CE 7 juillet 1982). Est également dépourvue de valeur probante, une comptabilité commune à deux entreprises différentes, même si elles sont installées dans les mêmes locaux (CE 3 décembre 1982). La valeur probante fait aussi défaut en l’absence de documents comptables, alors même qu’il est établi qu’ils ont été détournés par le comptable (CE 2 juin 1982). Il en est de même lorsque la comptabilité a été détruite par un incendie (CE 26 juillet 1982), ou encore lorsque les documents ont été volés (CE 27 février 1984). Cependant l’omission de dépenses faites sans factures, et d’un faible montant pendant une période limitée ne prive pas la comptabilité de valeur probante (CE 27 octobre 1982). Le rejet de comptabilité est possible également lorsque, la comptabilité est apparemment régulière, mais que le vérificateur a des raisons sérieuses d’en contester la sincérité. C’est le cas d’une boîte de nuit ou d’une boulangerie qui soutiendraient qu’elles n’encaissent jamais d’espèce.
Dans tous ces cas de figures, la société supporte la charge de la preuve en cas de contestation des rectifications. Mais aussi, le contribuable supporte la charge de la preuve dans les situations où, en réalité, les éléments de preuve ne peuvent être qu’en sa possession et non en possession de l’administration fiscale. Quelle que soit la procédure suivie, il revient au contribuable de justifier notamment de l’exactitude des écritures comptables portant sur des créances de tiers, des amortissements ou des provisions. C’est ce qui ressort clairement de l’arrêt du Conseil d’Etat, rendu en assemblée plénière le 27 juillet 1984 selon lequel « si l’acte contesté par l’administration s’est traduit, en comptabilité, par une écriture portant, soit sur des créances de tiers, des amortissements ou des provisions, soit sur les charges, l’administration doit être réputée apporter la preuve qui lui incombe si le contribuable n’est pas, lui-même, en mesure de justifier dans son principe comme dans son montant, de l’exactitude de l’écriture dont s’agit, quand bien même, en raison de la procédure mise en œuvre, il n’eût pas été, à ce titre, tenu d’apporter pareille justification ; qu’en revanche, si l’acte auquel l’administration attribue un caractère anormal s’est traduit en comptabilité par des écritures autres que celles mentionnées ci-dessus, ce qui est le cas, notamment, des écritures qui retracent l’évolution de l’actif immobilisé, avant la constitution des amortissements ou des provisions, il appartient à l’administration d’établir les faits qui donnent selon elle, un caractère anormal à l’acte, alors même que, à raison de la procédure suivie, le contribuable devrait démontrer l’exagération de l’imposition contestée » (Conseil d’Etat, 7/8/9 SSR, du 27 juillet 1984, 34588, publié au recueil Lebon).
Dans certaines hypothèses spécifiques également, il appartient toujours au contribuable de supporter la charge de la preuve. C’est par exemple, en cas de transferts indirects de bénéfices à l’étranger, siège de l’article 57 du CGI qui a pour objet d’empêcher le transfert à l’étranger de bénéfices sur lesquels l’entreprise devrait normalement payer l’impôt en France, et c’est pareil dans tous les cas où il est reproché à certains actes de ne pas avoir été opérés dans l’intérêt de la société.
Pour le cas très fréquent de la preuve du caractère normal ou anormal d’un acte (charge déductible dans le premier cas et non déductible dans le second), il appartient toujours au contribuable de démontrer l’existence d’une contrepartie, mais le contribuable s’acquitte de cette obligation par la fourniture d’une facture régulière. Il revient ensuite à l’administration de fournir les éléments permettant de contester utilement l’acte en question car « en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en a retirée ; dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de ce que la charge en cause n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive » (Conseil d’Etat, Section du Contentieux, du 20 juin 2003, 232832, publié au recueil Lebon, SOCIETE ETABLISSEMENTS LEBRETON).
Sur cette notion d’acte anormal de gestion, rappelons que les charges acceptées en déduction du résultat doivent se rattacher à une gestion normale de l’entreprise, ce qui exclut la déduction des dépenses liées à des actes anormaux de gestion et des sanctions pécuniaires, conformément aux articles 38 et 39-2 du CGI. De même, les charges doivent être exposées dans l’intérêt direct de l’exploitation ce qui exclut les dépenses personnelles et les dépenses somptuaires (art. 39-4 du CGI).
L’acte anormal de gestion est celui qui met une dépense ou une perte à la charge de l’entreprise ou qui la prive d’une recette sans être justifié par les intérêts de l’exploitation. L’acte anormal de gestion est caractérisé si une société s’appauvrit à des fins étrangères à son intérêt (CE plén. 21-12-2018 no 402006). C’est une construction jurisprudentielle qui déroge au principe de la liberté de gestion.
Ainsi, si en principe, le dirigeant d’une entreprise doit pouvoir juger de l’opportunité de sa gestion, sans que le vérificateur puisse critiquer son choix (par exemple décider de financer un investissement par l’emprunt plutôt que sur ses fonds propres), cela n’empêche pas l’administration fiscale de faire référence à la notion d’acte anormal de gestion et de procéder à la rectification de certaines opérations. C’est le cas par exemple des sommes facturées à l’entreprise pour des prestations fictives (CE 2 mars 1988 n° 45625), de prise en charge de frais incombant à des entreprises tierces sans aucune contrepartie (CE 18 novembre 1985 n° 51321), ou encore des dépenses dont le montant est excessif. Le fait qu’une société prenne en charge les frais d’entretien des pièces utilisées personnellement par son principal actionnaire est qualifié d’acte anormal de gestion (CE 4 décembre 1981). Sont qualifiés d’actes anormaux de gestion, des travaux effectués par l’entreprise dans des locaux appartenant à son dirigeant, dès lors que ces travaux ne sont pas utiles ou affectés à l’exploitation (CE 24 juin 1987). Il y a acte anormal de gestion lorsque des rémunérations sont versées à un salarié attaché au service personnel du dirigeant de l’entreprise (CE 27 octobre 1986). Le fait de renoncer à obtenir une contrepartie lors de la signature d’une concession de licence de marque (CE 26 septembre 2011), ainsi que l’acquisition par une société d’un brevet, dont
l’inventeur est son propre PDG, alors que la société n’est pas en position d’exploiter le brevet du fait de son objet social et de ses difficultés financières (CE 17 octobre 2003), constituent des actes anormaux de gestion. Un surprix payé sans justification à un fournisseur étranger constitue un acte anormal de gestion (CE 25 mars 1983).
De même, constitue un acte anormal de gestion le versement par une sous-filiale à sa société mère d’avances hors de proportion avec la solvabilité de cette dernière en l’absence de justification de la nécessité de ces avances pour éviter la liquidation de la société mère dans des conditions entraînant sa propre liquidation. Au cas particulier, pour la CAA de Bordeaux et pour le Conseil d’Etat qui a refusé l’admission du pourvoi formé contre l’arrêt d’appel, ces avances constituent un acte anormal de gestion dès lors que leur montant apparaît hors de proportion avec la solvabilité de la société mère compte tenu du montant des capitaux propres de cette dernière et de ses résultats financiers qui ne sont pas de nature à établir l’existence de difficultés financières majeures. Il est par ailleurs relevé que la sous-filiale ne justifie pas que les avances consenties étaient nécessaires pour éviter la liquidation de la société mère dans des conditions telles qu’elle entraînerait elle-même sa liquidation. Dans ces circonstances, il convient de réintégrer dans son bénéfice imposable le montant des provisions pour dépréciation de créances constituées par la sous-filiale, correspondant à ces avances de trésorerie.
Les arguments soulevés par la société pour demander au Conseil d’Etat l’admission du pourvoi formé contre l’arrêt rendu par CAA Bordeaux n’ont pas convaincu le Conseil d’Etat. En effet, pour demander l’annulation de l’arrêt qu’elle a attaqué, la société soutient que la Cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit en jugeant que la circonstance qu’elle entretenait historiquement des relations commerciales avec sa société-mère ne suffisait pas à justifier de l’existence de relations commerciales. Elle soutient, de même, que la cour d’appel a également commis une erreur de droit en jugeant que l’administration fiscale avait, à bon droit, estimé que les avances qu’elle avait consenties constituaient un acte anormal de gestion, aux motifs, d’une part, que le montant de ces avances apparaissait hors de proportion avec la solvabilité de la bénéficiaire et, d’autre part, qu’elle ne justifiait pas que ces avances étaient nécessaires pour éviter la liquidation de sa société mère dans des conditions telles qu’elle entraînerait sa propre liquidation. Ces arguments n’ont pas eu la faveur du Conseil d’Etat qui a refusé l’admission du pourvoi (CAA Bordeaux 10-10-2023 n° 21BX04692 ; CE (na) 11-6-2024 n° 490101).
Il n’est donc pas toujours évident, en dehors des cas spécifiquement prévu par le loi de se retrouver sur cette question de la charge de la preuve. On peut rappeler schématiquement que l’administration doit, notamment, apporter la preuve de la portée réelle d’un acte lorsqu’elle entend remettre en cause la qualification donnée par le contribuable ; elle doit rapporter la preuve des éléments déterminant la situation du contribuable, le régime d’imposition, la catégorie de revenus, etc. ainsi que celle de l’accomplissement des formalités qui lui incombent dans le déroulement de la procédure d’imposition.
Il lui appartient toujours par exemple d’apporter la preuve de la confusion entre le patrimoine social et celui d’un dirigeant ( CE 8e - 9e s.-s. 23-11-1992 n° 82623 et 82624) ou celle de rabais sur prix d’achat constituant en réalité des commissions passibles de la TVA (CE 9e - 8e s.-s.15-5-1985 n° 43728), ou encore celle du caractère prépondérant d’une activité commerciale au regard d’une activité libérale exercée par le même contribuable (CE 9e - 7e s.-s. 6-2-1985 n° 40688).
En revanche, le contribuable doit, notamment, apporter la preuve de l’accomplissement des formalités qui lui incombent ainsi que celle de l’exactitude de ses écritures. C’est ainsi par exemple que quelle que soit la procédure suivie, c’est à lui qu’il appartient d’établir l’erreur comptable qu’il allègue (CE 9e et 8e s.-s. 10-3-1999 n° 154859, SARL Sté d’exploitation de la clinique Paofai).
En fonction de la partie qui supporte la charge de la preuve, l’issue d’une affaire peut aller dans un sens comme dans l’autre. Quoi que cela soit rare, il n’est pas impossible pour le juge de trancher dans un sens opposé deux affaires portant pourtant sur des questions de fait identiques, mais dans lesquelles la charge de la preuve repose soit sur l’administration fiscale, soit sur le contribuable.
Le jugement du tribunal administratif.
La procédure est essentiellement écrite devant le tribunal administratif. Les échanges de mémoires permettent à chaque partie de discuter les arguments de son adversaire, jusqu’à ce que le tribunal décide de clore l’instruction s’il estime que l’affaire est en état d’être jugée. Le juge peut aussi d’office ou sur demande d’une partie ordonner une expertise, comme par exemple une expertise de la comptabilité d’une société. L’article R 621-1 du CJA prévoit en effet que la juridiction peut, soit d’office, soit sur la demande des parties ou de l’une d’elles, ordonner, avant dire droit, qu’il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. Seules les questions de fait sont de la compétence des experts. Le tribunal n’est pas obligé de suivre l’avis de l’expert.
Lorsque l’instruction est terminée, une date d’audience est fixée. Au cours de l’audience, les parties peuvent faire des observations orales, mais en pratique, la procédure étant essentiellement écrite, les parties ne sont pas présentes à l’audience. Le jugement peut être rendu par le président du tribunal administratif, une formation collégiale, ou pour des questions délicates, la formation plénière réunissant tous les magistrat du tribunal.
Le jugement est notifié aux parties et pour l’avocat, il est envoyé via Télérecours. Un courriel du greffe prévient l’avocat qu’il a un message (Notification d’envoi de document, Notification de jugement).
11. Le contentieux devant le tribunal judiciaire.
On rappelle que l’article L 199 du LPF est le siège de la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction et qu’en matière de droits d’enregistrement, d’impôt sur la fortune immobilière, de taxe de publicité foncière, notamment, le tribunal compétent est le tribunal judiciaire. Le TJ traite moins de 5% du contentieux fiscal, l’essentiel tourant autour des droits d’enregistrement et principalement, les droits de succession ou de donation. Donc, en matière de droits d’enregistrement et d’impôt sur la fortune immobilière, le contribuable qui veut contester une décision défavorable rendue par l’administration fiscale sur sa réclamation préalable, doit porter le litige devant le tribunal judiciaire, et doit se faire représenter par un avocat.
En matière fiscale, l’essentiel des règles de procédure applicables devant le juge administratif sont applicables devant le juge judiciaire. En effet, les règles applicable en matière de contentieux fiscal sont inscrites dans le LPF, et le juge judiciaire comme le juge administratif appliquent pour l’essential les règles contenues dans le LPF. Selon les dispositions de l’article R*200-1 du LPF, « les dispositions du code de justice administrative sont applicables aux affaires portées devant le tribunal administratif ou devant la cour administrative d’appel, sous réserve des dispositions particulières prévues par le présent livre ». L’article R772-1du LPF ajoute que « les requêtes en matière d’impôts directs et de taxe sur le chiffre d’affaires ou de taxes assimilées dont l’assiette ou le recouvrement est confié à la direction générale des impôts sont présentées, instruites et jugées dans les formes prévues par le livre des procédures fiscales. Les requêtes relatives aux taxes dont le contentieux ressortit à la juridiction administrative et autres que celles qui sont mentionnées à l’alinéa 1 sont, sauf disposition spéciale contraire, présentées et instruites dans les formes prévues par le présent code ».
Il ressort de ces dispositions qu’en matière de contentieux fiscal devant le juge administratif, le principe, c’est l’application des règles contenues dans le LPF. C’est lorsque le LPF est muet sur la question que le juge administratif s’appuie sur le CJA.
Ce principe s’applique exactement en matière judiciaire, en sens que c’est le LPF qui s’applique et en cas de silence du LPF, le juge judiciaire puise dans le code de procédure civile (Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 21 janvier 1997, 95-11.531, Publié au bulletin). Dans cette affaire, les parties n’ayant accompli aucune diligence pendant deux ans, l’administration a demandé au tribunal de grande instance de Nice devant lequel l’instance était pendante, que soit prononcée la péremption de l’instance.
Un jugement du TGI ayant accueilli la demande, le contribuable se pourvoit en cassation contre le jugement lui reprochant d’avoir violé l’article R. 202-2 du LPF qui donne autorité au tribunal pour imposer des délais aux parties.
La cour de cassation rejette le pourvoi en jugeant que « en l’absence de dispositions contraires édictées dans le Code général des impôts ou dans le Livre des procédures fiscales en ce qui concerne la saisine du tribunal de grande instance et la procédure, les règles générales de la procédure civile sont applicables en matière fiscale ; que, si l’article R. 202-1 du Livre des procédures fiscales prévoit que le Tribunal accorde aux parties ou aux agents de l’Administration qui suivent les instances les délais nécessaires pour présenter leur défense, il ne dispense pas les parties de l’obligation que leur fait l’article 2 du nouveau Code de procédure civile de conduire l’instance et d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis, de manière notamment à ne pas se voir opposer la péremption d’instance ; que le Tribunal ayant constaté que le délai de 2 ans prévu par l’article 386 du nouveau Code de procédure civile s’était écoulé sans aucune diligence des parties, c’est à bon droit qu’il a prononcé la péremption demandée ».
Nous renvoyons donc pour l’essentiel aux règles de procédure devant le tribunal administratif, et développons ici quelques particularités. Certains auteurs pensent que le juge judiciaire, juge des libertés et droits fondamentaux, a, en matière fiscale, une interprétation des procédures généralement favorable au contribuable (Lolita Girondeau, Contribution à l’étude de la pénalisation du droit fiscal, Préface de Thierry Lambert, Edition L’Harmattan, Collection Finances publiques, Parution 23/07/2021).
Dans tous les cas, la procédure devant le TJ est également une procédure essentiellement écrite. Selon les dispositions de l’article R*202-2 du LPF, la demande en justice est formée par assignation. L’assignation doit contenir certaines mentions obligatoires telles que pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ; pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ; dans tous les cas, l’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée, l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit. Les mentions de l’assignation sont indiquées dans les dispositions combinées des article 56 et 54 du CPC et les articles L 199 et R 202-1 s. du LPF.
En pratique, lorsque c’est l’avocat qui saisit le TJ pour son client, il assigne par voie électronique via le portail e- barreau. Dans son assignation, après avoir indiqué le TJ faisant l’objet de la saisie, il indique le début d’une date que complètera l’huissier chargé de signifier l’assignation à l’administration fiscale. Puis, il peut indiquer À LA DEMANDE DE (nom et prénom ainsi que l’adresse du contribuable) ayant pour avocat (nom et prénom de l’avocat, barreau, adresse postale et courriel, numéro de Toque) J’AI, (il laisse de l’espace pour que l’huissier puisse indiquer son nom), HUISSIER DE JUSTICE SOUSSIGNÉ, L’HONNEUR D’INFORMER (nom et adresse de la Direction Régionale des Finances Publiques ayant prise la décision) Qu’un procès lui est intenté, pour les raisons ci-après exposées, devant le Tribunal Judiciaire (nom et adresse du TJ), Et qu’elle est convoquée à comparaître à l’audience du (date et heure de l’audience).
Il faut rappeler que conformément à l’article 751 du Code de procédure civile (CPC), la demande formée par assignation est portée à une audience dont la date est communiquée par le greffe au demandeur sur présentation du projet d’assignation. L’avocat, comme le contribuable s’il n’a pas constitué avocat, doit donc prendre date auprès du greffe du TJ, date que doit contenir l’assignation. Il faut rappeler toutefois que pour les instances introduites depuis le 1er janvier 2020, les parties sont tenues de constituer avocat. C’est ce qui ressort de l’article R 202-2, al. 2 du LPF « Les parties sont tenues de constituer avocat ». Cependant, l’administration est dispensée de constituer avocat car selon l’article R 202-2, al. 3 du LPF, l’Etat, les régions, les départements, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
Puis, viennent les mentions relatives au délai de constitution éventuelle d’avocat, avant de mentionner que les pièces sur lesquelles la demande est fondée, sont indiquées et jointes en fin d’acte selon bordereau.
En ce qui concerne l’OBJET DE LA DEMANDE, il faut commencer par le rappel des FAITS ET PROCEDURE, rappel qui peut être très simple tel que par exemple : A la suite d’une proposition de rectification du (date de la proposition de rectification), consécutive à un acte notarié du (date d’un acte éventuel de donation ou de succession), le contribuable a formulé des observations le (date des observations du contribuable). Dans une réponse aux observations du contribuable en date du (date de la réponse du service au observations du contribuable) le service a maintenu en totalité ou partiellement les rectifications proposées. Après notification d’un avis de mise en recouvrement (date de la mise en recouvrement), le contribuable a déposé une réclamation préalable en date du (date de la réclamation préalable). Par une décision du (date de la décision de l’administration) le service a rejeté la réclamation, ou a accepté partiellement la réclamation.
Après les faits et procédure, vient la partie DISCUSSION, et il convient, comme devant le tribunal administratif, de reprendre un par un, les différents points de rectification qu’on souhaite contester et qu’on a soulevés dans sa réclamation préalable, en indiquant pourquoi la réponse donnée par l’administration dans sa décision de rejet n’est pas fondée. En contestant la décision, il faut à chaque fois, d’abord rappeler les règles de droit applicables, la jurisprudence allant dans le sens de la contestation avant de confronter les règles au cas particulier et indiquer expressément que la rectification en question est contestée. Il faut analyser les éléments de réponse donnés par l’administration fiscale dans sa décision de rejet, et les contrer utilement.
Il faut, enfin, un PAR CES MOTIFS qui demande au tribunal d’annuler la décision de l’administration fiscale, de prononcer soit la décharge des impositions supplémentaires maintenues dans la décision de rejet, soit une réduction de ces impositions, sans oublier de demander au juge administratif de mettre à la charge de l’Etat, une certaine au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. Il faut joindre les pièces du dossier (au minimum, la décision de l’administration qu’on conteste), suivant bordereau.
Contrairement à la procédure devant le tribunal administratif, l’assignation ne peut être directement déposée, après rédaction, devant le tribunal. Il faut la confier à un huissier qui doit le signifier à l’administration fiscale, c’est-à-dire que l’huissier se déplace à l’adresse indiquée pour remettre l’assignation à l’administration fiscale. L’assignation doit être signifiée au directeur en charge du pôle juridictionnel judiciaire compétent, mais en cas de remise d’un acte à un service incompétent pour le recevoir, cet acte est transmis au service compétent. Il faut observer que dans sa décision de rejet, l’administration indique les voies de recours ainsi que le nom et l’adresse du service à qui il faut délivrer l’assignation.
Une fois signifiée, l’huissier remet à l’avocat, lorsque le contribuable en a un, l’expédition qu’il convient de placer devant le TJ via RPVA. Aux termes de l’article 754 du CPC, le TJ est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise d’une copie de l’assignation au greffe du tribunal.
Les conclusions en défense ou mémoire en défense de l’administration fiscale.
Comme le mémoire en matière administrative, l’administration produit ces conclusions ou son mémoire en défense qui sera communiqué par le TJ au contribuable. L’avocat reçoit le mémoire via RPVA.
Dans ses conclusions en défense, après avoir indiqué la référence interne de l’affaire et indiqué le n° RG de l’affaire, l’administration indique CONCLUSIONS EN DEFENSE POUR la Direction générale des Finances publiques, poursuites et diligences de la directrice régionale des Finances publiques (nom de la direction régionale) qui élit domicile en ses bureaux du pôle juridictionnel judiciaire, situés (adresse du service), Défenderesse ; CONTRE (nom et adresse du contribuable) ayant pour avocat (nom et adresse de l’avocat), DEMANDEUR.
Les conclusions rappelle ensuite les faits et procédure de l’affaire, et précise le quantum du litige, c’est-à-dire la somme globale sur laquelle porte le litige. Les conclusions reprennent les différents points pour justifier le bien- fondé des impositions litigieuses, et en conclut que pour l’ensemble de ces motifs, les rectifications notifiées au demandeur sont entièrement fondées. PAR CES MOTIFS, l’administration demande au tribunal de CONFIRMER les rappels effectués, CONFIRMER la décision de rejet, DEBOUTER le demandeur et le CONDAMNER aux entiers dépens.
L’administration peut aussi conclure à l’admission partielle de la requête, notamment en cas de productions d’éléments nouveaux par le contribuable pouvant justifier la réduction des impositions. Quoique rare, l’administration peut aussi conclure à une admission totale, notamment lorsque la procédure est viciée.
L’administration étant dispensée du ministère d’avocat, lorsqu’elle n’a pas constitué avocat, les conclusions sont remises à un huissier qui doit procéder à sa signification à la partie adverse. La procédure est essentiellement écrite, les échanges de conclusions permettent à chaque partie de discuter les arguments de son adversaire, jusqu’à ce que le tribunal décide que l’affaire est en état d’être jugée. Au cours de l’audience, les parties peuvent faire des observations orales, mais en pratique, la procédure étant essentiellement écrite, les parties ne sont pas présentes à l’audience. Le jugement du TJ peut être rendu par le tribunal statuant en formation collégiale ou à juge unique. Le jugement est notifié aux parties et pour l’avocat, il est envoyé par voie électronique via le portail e- barreau.
12. Les voies de recours.
Naturellement, lorsqu’ils ne sont pas satisfaits de la décision du tribunal administratif ou du tribunal judiciaire, le contribuable, comme l’administration fiscale ont la possibilité de faire appel, soit devant la cour administrative d’appel (CAA), pour les jugements rendus par le TA, soit devant la cour d’appel (CA) pour les jugements rendus par le TJ, voire ensuite, de saisir le juge de cassation, c’est-à-dire le Conseil d’Etat, en matière administrative ou la Cour de cassation, en matière judiciaire.
L’appel devant la cour administrative d’appel ou la cour d’appel.
On rappelle que, contrairement à la procédure devant les premiers juges, l’appel n’a pas un caractère suspensif, c’est-à-dire que le sursis de paiement ne joue plus, en ce sens que si le contribuable n’a pas obtenu gain de cause devant le TA ou le TJ, il devra payer les impositions contestées. L’appel du contribuable ne suspend donc pas l’exécution de du jugement. Si au contraire, le TA ou le TJ donne raison au contribuable, l’administration de son côté, même lorsqu’elle interjette appel du jugement, devra accorder la décharge des impositions litigieuses, sauf en cas de sursis à exécution accordé par le juge. En appel, la demande conduit la cour d’appel ou la cour administrative d’appel à annuler ou réformer le jugement rendu par le TJ ou le TA, et à statuer à nouveau. L’appel permet à la cour d’appel, non seulement de vérifier que les juges du premier degré ont donné au litige une solution justifiée par les faits de l’espèce et les règles de droit applicables. Selon les disposition de article 542 du CPC, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel. Le contribuable doit aussi avoir à l’esprit que lorsqu’il fait appel d’un jugement qui a rejeté en totalité ou en partie sa demande, l’administration a la possibilité (et c’est souvent le cas), de faire un appel incident, demandant au juge d’appel de réformer la décision des premiers juges dans un sens qui finalement pourra être plus défavorable au contribuable qu’en première instance.
Cependant certains jugements du TA ne sont pas susceptibles d’appel en raison du faible montant sur lequel porte le litige. Ainsi en matière fiscale et conformément aux dispositions de l’article R811-1-4° du CJA, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges relatifs aux impôts locaux, à l’exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale. Les jugements rendus à propos d’impôt locaux peuvent faire l’objet directement d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. Il faut observer, en revanche que tous les jugements rendus par le TJ peuvent faire l’objet d’appel. Aucune exception n’est prévue.
En ce qui concerne les délai d’appel, curieusement en matière administrative, le contribuable et l’administration ne sont pas logés à la même enseigne. En effet, selon les dispositions de l’article R811-2 du CJA, sauf disposition contraire, le délai d’appel est de deux mois et court contre toute partie à l’instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie. Le contribuable dispose ainsi d’un délai de deux mois pour faire appel devant la cour administrative d’appel. Comme pour le délai de saisine du TA, les délais d’appel sont augmentés d’un mois pour les personnes qui demeurent dans un département d’outre-mer ou dans une collectivité territoriale d’outre- mer et de deux mois pour celles qui demeurent à l’étranger.
Du côté de l’administration, l’article R*200-18 du LPF dispose que « A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects qui a suivi l’affaire, celui-ci dispose d’un délai de deux mois pour transmettre, s’il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d’appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l’alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre ». Le délai de saisine de la CAA est donc de quatre mois pour l’administration fiscale. On peut expliquer ce délai plus long par le fait que pour une harmonisation des procédures au niveau de l’administration fiscale, les procédures de saisine des juridictions sont faites au nom du ministre de l’économie et des finances.
En matière civil, tout le monde est logé à la même enseigne. Le délai de recours, plus court, est d’un mois, à compter de la notification du jugement, conformément à l’article 538 du CPC qui dispose que le délai de recours par une voie ordinaire est d’un mois en matière contentieuse ; il est de quinze jours en matière gracieuse.
En ce qui concerne les modalités de saisine, l’article R411-1 du CJA dispose que « la juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge. L’auteur d’une requête ne contenant l’exposé d’aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d’un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu’à l’expiration du délai de recours ». La requête peut être sommaire. Il suffit qu’elle soit motivée. Le requérant ne peut pas, en effet se contenter de reproduire la requête de première instance. La requête en appel doit contenir les moyens d’appel. Le requérant doit présenter les faits et les moyens ainsi que ses conclusions devant le juge d’appel. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a donné raison à la cour administrative d’appel de Nantes qui a rejeté trois requêtes de l’OFFICE PUBLIC D’HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE CAEN dirigées contre trois jugements du tribunal administratif de Caen au motif « qu’en se bornant à se référer à ses demandes de première instance jointes à ses requêtes d’appel, sans présenter à la cour des moyens d’appel, l’office public n’avait pas mis la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs qu’aurait pu commettre le tribunal en écartant les moyens soulevés devant lui » (Conseil d’Etat, Section, du 11 juin 1999, 173972 173973 173974, publié au recueil Lebon). De même, n’est pas motivée et donc irrecevable, la requête dans laquelle le contribuable se borne à indiquer qu’il fait un « appel en révision de jugement du tribunal administratif » sans préciser pour quels motifs ce jugement serait entaché d’irrégularité (CE 9e s.-s. 30-6-1967 n° 70378). Est aussi irrecevable comme dépourvue de motivation, une requête dans laquelle le contribuable se borne à indiquer que le jugement attaqué est entaché de détournement de pouvoir, violation de la loi et méconnaissance des faits de la cause, sans préciser sur quels points et pour quels motifs (CE 25-4-1955 n° 25998).
Le ministère d’avocat est obligatoire en appel et les requêtes doivent être déposées par voie électronique via l’application Télérecours. En effet, l’article R811-7 du CJA dispose que les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d’appel doivent être présentés, à peine d’irrecevabilité, par l’un des mandataires mentionnés à l’article R. 431-2, et ce dernier article précise que les requêtes et les mémoires doivent, à peine d’irrecevabilité, être présentés par un avocat. Devant la Cour d’appel l’appel est fait par voie électronique via le portail e-barreau.
Le pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation
Le délai de recours en cassation est de deux mois à compter de la notification de la décision (article R 821-1 CJA), et de quinze pour les décisions du juge des référés. Le pourvoi, qu’il soit formé devant le Conseil d’Etat ou la Cour
de cassation n’aboutit pas un à une nouvelle procédure au fond, comme devant les juridictions précédentes, le juge de cassation étant un juge de droit. Le Conseil d’Etat, comme la Cour de cassation ne contrôlent pas l’appréciation des faits, sauf en cas de dénaturation des faits par les juges de fond. La Cour de cassation, comme le Conseil d’Etat ont pour mission de contrôler l’exacte application des lois et d’unifier l’interprétation des règles de droit. Le ministère d’un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation est obligatoire.
Il faut rappeler que conformément aux dispositions de l’article L822-1 du CJA, le pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat fait l’objet d’une procédure préalable d’admission. L’admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n’est fondé sur aucun moyen sérieux. Il y a donc un système de tri préalable des pourvois devant le Conseil d’Etat. Les pourvois qui ne présentent aucun moyen sérieux sont donc refusés dès l’étape du tri. Seuls les moyens qui ont été soulevés devant le juge du fond peuvent être invoqués devant le juge de cassation, sauf si le moyen est d’ordre public. Les moyens d’ordre publics sont recevables devant le juge de cassation même s’ils sont présentés pour le première fois, le juge de cassation devant d’ailleurs les soulever d’office. La contestation de la régularité de l’arrêt attaqué est un moyen de cassation. Cela peut être lié par exemple, à l’incompétence de la juridiction d’appel ou à une violation des règles de forme et de procédure. Le pourvoi peut également critiquer par exemple le bien-fondé de l’arrêt attaqué, en cas d’erreur de droit qu’aurait un arrêt qui a statué sur la base d’un texte inapplicable à l’espèce. De même, en cas de rejet de comptabilité et de reconstitution de la comptabilité par le vérificateur, le Conseil d’Etat contrôle au titre de l’erreur de droit l’exactitude de la qualification de radicalement viciée ou d’exagérément sommaire donnée par les juges du fond à la méthode de reconstitution des recettes utilisée par l’administration (CE 8e - 9e s.-s. 5-6-1996 n° 142870, SA d’exploitation Frédéric Findling).
Le Conseil d’Etat peut rejeter le pourvoi, ou prononcer une décision d’annulation de la décision des premiers juges. Dans ce dernier cas, il peut prononcer une cassation sans renvoi, renvoyer l’affaire devant la même juridiction ou une autre juridiction, ou bien encore, trancher lui-même l’affaire au fond. D’éventuels recours des arrêts du Conseil d’Etat sont portés devant le Conseil d’Etat lui-même, par exemple un recours en révision. De son côté, la Cour de cassation peut rendre un arrêt de rejet ou un arrêt de cassation. La cassation peut être totale ou partielle, avec ou sans renvoi.