En matière de réseaux de distribution, la constitution d’une association par des membres, généralement mécontents de la tête de réseau, figure parmi les moyens auxquels les distributeurs recourent pour remettre en cause la politique commerciale, les prix, l’approvisionnement, l’assistance etc. pratiqués dans le réseau.
La pratique montre que certaines de ces associations peuvent désorganiser de manière notable un réseau.
Pour pallier ce risque, certains franchiseurs prévoient dans leur contrat la limitation, voire l’interdiction de la participation à une association des distributeurs dont la tête de réseau serait exclue ou qu’elle n’autoriserait pas : une adhésion est alors assimilée à une faute grave pouvant justifier la rupture du contrat aux torts exclusifs du distributeur.
La Cour d’appel de Paris avait cru pouvoir consacrer la validité d’une telle clause (arrêt du 3 mai 2017) en jugeant que la création d’une telle association et son animation démontraient une attitude déloyale à l’égard du franchiseur, justifiant la résolution du contrat aux torts du franchisé conformément aux stipulations contractuelles en ce sens.
La Cour de cassation rappelle cependant que ce faisant, il est porté atteinte à la liberté d’association, liberté fondamentale protégée [1].
La liberté contractuelle, aussi importante soit-elle, ne permet pas de déroger à ce principe consacré par l’article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme.
Est-ce pour autant la porte ouverte à tous les agissements collectifs des membres du réseau à l’encontre de leur partenaire principal ?
Certes pas, en ce sens que le reproche fait en creux à la Cour d’appel est de n’avoir pas caractérisé de déloyauté, de manquement grave du franchisé à ses obligations contractuelles essentielles : le seul fait de constituer une association de franchisés et de l’animer n’est pas suffisant pour caractériser une telle faute.
Il convient de rapporter la preuve d’autres agissements établissant la violation du contrat : cela pourrait être des propos excessifs visant le franchiseur, la marque ou le réseau (dénigrement, calomnie), le non respect des exclusivités (approvisionnement, territoire, activité), le non respect du concept, la volonté de s’affranchir à moindre frais du contrat, la désorganisation du réseau etc.
En telle hypothèse, la tête de réseau pourra aussi démontrer que l’association a pour but de couvrir des agissements non conformes au contrat et à l’intérêt commun des parties, et partant de satisfaire des intérêts particuliers (création d’un réseau concurrent, ou affiliation à un concurrent par exemple) au détriment du franchiseur.
Il lui appartiendra aussi de démontrer avoir respecté, quant à lui, ses obligations contractuelles, et en tout premier lieu la communication d’une marque, enseigne, signes distinctifs et/ou d’un savoir-faire réel et sérieux dont la mise en œuvre correcte est gage de réussite.
De fait, la meilleure garantie pour le franchiseur est d’abord la qualité de son concept, protégé contre les atteintes injustifiées par un contrat soigneusement calibré et dont il veille à la bonne application par ses partenaires.
La décision de la Cour de cassation démontre à cet égard, si besoin était, que la tête de réseau ne peut se contenter de faire du contrat le seul rempart contre la coalition de distributeurs…