1. Le cadre juridique des contrôles Urssaf et des lettres d’observations.
1.1. Les exigences légales relatives aux lettres d’observations.
À l’issue d’un contrôle Urssaf, les inspecteurs du recouvrement sont tenus de communiquer au cotisant une lettre d’observations comportant plusieurs mentions obligatoires.
Cette formalité est prévue par l’article R243-59 du Code de la Sécurité sociale.
La lettre doit notamment mentionner l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée, la date de fin du contrôle et les observations formulées, éventuellement motivées par chef de redressement [2].
Cette lettre d’observations constitue le point de départ de la phase contradictoire, essentielle avant toute mise en demeure.
Le texte doit impérativement être daté et signé par les agents chargés du contrôle.
1.2. Le principe de signature par tous les inspecteurs participants.
La jurisprudence a établi un principe clair : lorsque plusieurs inspecteurs participent aux opérations de contrôle d’une même société, la lettre d’observations doit être revêtue de la signature de chacun d’entre eux, à peine de nullité.
Ce principe a été posé par la Cour de cassation il y a plus de dix ans [3].
Toutefois, ce principe n’est pas absolu.
La Haute juridiction a récemment apporté certaines nuances, notamment lorsqu’au moment de la signature, l’un des inspecteurs n’a plus qualité ou n’est plus compétent pour intervenir, par exemple s’il a cessé ses fonctions au sein de l’organisme [4].
De même, la réponse de l’agent de contrôle aux observations du cotisant ne constitue pas une nouvelle lettre d’observations et n’a donc pas à être signée par tous les inspecteurs ayant procédé au contrôle [5].
2. L’apport de l’arrêt du 20 mars 2025 : une approche pragmatique pour les contrôles de groupe.
2.1. Les faits et la procédure.
Dans l’affaire jugée le 20 mars 2025, 38 sociétés d’un même groupe avaient fait l’objet d’un contrôle simultané mené par quatre inspecteurs du recouvrement de l’Urssaf de Bretagne.
La lettre d’observations adressée à l’une des sociétés du groupe n’avait été signée que par un seul de ces inspecteurs.
La Cour d’appel de Rennes, dans son arrêt du 9 novembre 2022, avait considéré que le contrôle avait été conduit de manière conjointe par les quatre inspecteurs.
Les juges du fond avaient notamment relevé l’envoi de courriels communs aux différentes sociétés, une lettre commune signée par les quatre inspecteurs et la proposition d’un entretien de clôture commun.
La cour avait déduit de ces éléments que le défaut de signature de chacun des inspecteurs sur la lettre d’observations entachait les opérations de contrôle d’irrégularité.
2.2. La solution dégagée par la Cour de cassation.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en adoptant une position nuancée et pragmatique.
Elle pose un nouveau principe adapté aux contrôles concertés : en cas de contrôles simultanés de plusieurs sociétés d’un même groupe, la lettre d’observations adressée à chaque société doit être signée uniquement par l’inspecteur ayant personnellement procédé à la vérification de la situation individuelle de celle-ci.
La cour d’appel aurait donc dû vérifier si d’autres inspecteurs que le signataire de la lettre d’observations avaient effectivement participé au contrôle spécifique de la société concernée [6].
Pour la Haute juridiction, les motifs retenus par les juges du fond ne caractérisaient pas suffisamment la participation effective des quatre inspecteurs à la vérification de la situation individuelle de la société requérante.
3. Analyse et portée pratique de la décision.
3.1. Une distinction nécessaire selon la nature du contrôle.
Cette décision établit une distinction importante entre deux configurations :
- D’une part, le contrôle d’une société unique, où tous les inspecteurs participant effectivement au contrôle doivent signer la lettre d’observations.
- D’autre part, le contrôle concerté et simultané de plusieurs sociétés d’un groupe, où seuls les inspecteurs ayant contrôlé effectivement la situation individuelle de chaque société doivent signer la lettre d’observations qui lui est adressée.
Cette approche tient compte de la spécificité des actions de contrôle concertées qui, par leur ampleur, nécessitent l’intervention de plusieurs agents qui se répartissent les opérations entre eux.
3.2. Conséquences pratiques pour les entreprises et les Urssaf.
Pour les sociétés contrôlées, cette décision clarifie les moyens de contestation fondés sur l’irrégularité formelle des lettres d’observations.
La simple organisation commune du contrôle au niveau du groupe ne suffit pas à exiger la signature de tous les inspecteurs sur chaque lettre d’observations.
Pour les Urssaf, cette solution apporte une sécurisation bienvenue de leurs procédures de contrôle au sein des groupes de sociétés, tout en maintenant l’exigence de rigueur formelle.
Dans l’affaire commentée, la cour d’appel de renvoi devra rechercher si d’autres inspecteurs que le signataire ont effectivement participé au contrôle de la situation individuelle de la société concernée.
Si tel est le cas, la nullité pourra être retenue, sans que cela n’affecte nécessairement la validité des contrôles et redressements des autres sociétés du groupe.
Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence qui, tout en veillant au respect des garanties procédurales des cotisants, s’adapte aux réalités pratiques des contrôles complexes menés au sein des groupes de sociétés.