L’obligation de vigilance en matière de travail dissimulé : une obligation légale souvent méconnue des donneurs d’ordre.

Par Florence Monteille et Jennifer Kieffer, Avocates.

2007 lectures 1re Parution: Modifié: 5  /5

Explorer : # obligation de vigilance # travail dissimulé # sanctions légales # responsabilité solidaire

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Le donneur d'ordre doit vérifier régulièrement les documents de ses cocontractants pour respecter l'obligation de vigilance. En cas de manquement, il peut être tenu responsable pénalement et civilement. Des mesures doivent être prises si un sous-traitant ne respecte pas les obligations de déclaration des cotisations.
Description rédigée par l'IA du Village

L’obligation de vigilance est encadrée par les articles L8222-1 et D8222-5 du Code du travail. Elle a pour objectif de lutter contre le travail dissimulé en obligeant l’entreprise principale, donneuse d’ordre, à vérifier que son (ou ses) sous-traitant(s) s’acquitte bien de ses obligations de déclaration, de paiement de ses cotisations et qu’il déclare bien ses salariés. Les contours de cette obligation doivent être parfaitement assimilés, dans la mesure où son irrespect peut donner lieu à des condamnations financières extrêmement importantes pour l’entreprise principale.

Dès lors, pour sous-traiter en toute sérénité, le donneur d’ordre doit penser à demander à son cocontractant un certain nombre de documents administratifs, ci-après détaillés. Cette obligation a un champ d’application très large, puisqu’en application de l’article D8254-1 du Code du travail, elle s’applique à toutes les entreprises qui entendent passer un marché de fournitures, de travaux, ou de prestation de services de plus de 5.000 € HT cumulés sur l’année.

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I - Les contours de l’obligation de vigilance.

Pour se conformer aux dispositions légales, tout donneur d’ordre doit solliciter auprès de ses cocontractants (sous-traitants, prestataires de services, freelances) l’ensemble des documents énumérés à l’article D8222-5 du Code du travail.
Ces documents sont les suivants :

  • L’attestation de vigilance : datée de moins de 6 mois, émanant de l’organisme dont le sous-traitant dépend (URSSAF, SSI, ou MSA).
  • L’attestation de régularité fiscale : datée de l’année civile en cours.
  • L’extrait de l’inscription de l’entreprise : datée de moins de 3 mois :
    • pour les sociétés commerciales : un extrait de l’inscription au RCS (KBIS)
    • pour les artisans et entrepreneurs individuels : un extrait d’inscription au répertoire des métiers (D1)
    • pour les professions libérales : un extrait d’inscription au répertoire SIRENE
  • La liste nominative des salariés étrangers ou une attestation sur l’honneur certifiant du non-emploi de salariés étrangers : datée de moins de 6 mois. La liste concerne les salariés étrangers hors l’espace économique européen.

Précisons, que ces documents ne doivent pas être demandés seulement au début d’exécution du contrat, mais très régulièrement. En effet, le donneur d’ordre doit vérifier que le sous-traitant respecte ses obligations :

  • Lors de la conclusion du contrat de sous-traitance,
  • Puis, tous les 6 mois jusqu’à la fin de l’exécution du contrat.

Par ailleurs, il ne suffit pas pour le donneur d’ordre de solliciter ces documents mais également de s’assurer de la validité des attestations que le sous-traitant lui transmet. Le donneur d’ordre doit ainsi, sous peine de manquer à son obligation de vigilance [1], vérifier l’exactitude des informations figurant sur l’attestation soit par voie dématérialisée, soit sur demande auprès de l’organisme.

Un code de sécurité mentionné sur l’attestation permet de s’assurer de l’authenticité et de la validité du document remis. Un module de vérification [2].

Le donneur d’ordre doit enfin, en vérifier la cohérence [3]. En effet, cette obligation est d’appréciation stricte et l’URSSAF n’est pas flexible, si les documents ne sont pas cohérents entre eux ou qu’il existe des différences de mention [4], ou s’il manque un document, ce sera la sanction, et aucun autre document ne pourra le remplacer [5].

II - Les sanctions encourues en cas de violation de l’obligation de vigilance.

Dans le cas où le donneur d’ordre manque à son obligation de vigilance, il peut être tenu responsable solidairement de ses co-contractants. Et pour cause, il arrive que les cocontractants fassent l’objet d’un contrôle URSSAF destiné à vérifier leur respect de la règlementation en matière de travail dissimulé et paiement de cotisations sociales.

Dans ce cadre, en cas de non-respect des obligations en matière de vigilance et si le cocontractant fait l’objet d’un procès-verbal de travail dissimulé, le donneur d’ordre pourra se voir condamné solidairement avec le cocontractant :

  • Sur le plan pénal : à 3 ans d’emprisonnement ;
  • Sur le plan civil : à une amende allant de 45.000 euros pour une personne physique à 200.000 euros pour une personne morale mais également au règlement des impôts, taxes, cotisations de Sécurité sociale et rémunérations et au remboursement des aides publiques dont vous auriez pu bénéficier.

N.B : en pratique, une lettre d’observation est adressée par l’URSSAF qui informe le donneur d’ordre de la mise en œuvre de sa responsabilité dans le cadre de la solidarité financière [6].

Quid dans la pratique ? Il résulte des dossiers que nous avons eu à traiter au cabinet sur la question de l’obligation de vigilance, que l’URSSAF a une position très stricte sur le sujet : la bonne foi du donneur d’ordre et/ou le caractère limité de son envergure financière ne sont pas retenus pour exonérer partiellement ou totalement le donneur d’ordre de ses obligations en la matière. Si un accord peut être conclu avec l’URSSAF, ce n’est que dans des conditions très restrictives, consistant notamment dans la mise en place d’un échéancier de paiement.

III - Au-delà de l’obligation de vigilance, l’obligation de diligence ou injonction.

Le donneur d’ordre qui est informé par l’URSSAF du manquement d’un sous-traitant à ses obligations de déclaration des cotisations ou d’interdiction d’emploi de travailleurs étrangers sans autorisation, doit aussi enjoindre ce dernier de faire cesser, sans délai, cette situation, par lettre recommandée avec accusé de réception.
Cette procédure est prévue par les articles L8222-6 et L8254-2-1 du Code du travail qui prévoient les étapes obligatoires devant être respectées par le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre dès lors qu’il est informé par écrit par un agent de contrôle d’un organisme administratif de l’absence de conformité de son cocontractant, donnant lieu à la caractérisation d’une situation de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ou dissimulation d’activité.

Les mêmes sanctions qu’en cas de manquement à l’obligation de vigilance sont prévues en cas de non-respect de l’obligation de l’injonction.

Florence Monteille et Jennifer Kieffer, Avocates au barreau de Paris
LM Avocats (membre de la Aarpi Isseo avocats)

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[1CAA Versailles, 27/02/2020, n°18VE01544.

[3Cass. 2ème civ. 02/06/2022, n°20-21.988.

[4Cass. 2ème civ. 11/02/2016, n°12-21.554.

[5Cass. 2ème civ. 11/02/2016, n°14-10.614.

[6Art. R133-8-1 du Code de la Sécurité sociale.

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