1/ Quel cadre juridique pour le e-learning ?
Le concept de formation en ligne est une notion large qui peut concerner des réalités très variées dont le point commun est l’utilisation d’internet pour dispenser une formation (visioconférences, espace collaboratif et vidéos accessibles en ligne). Les cours en ligne peuvent également être appelés « MOOC » [1] ou « CLOM » [2] lorsqu’ils sont gratuits et ouverts à un large public.
De manière générale, la souscription à une formation en ligne sous forme d’abonnement relève du droit commun des contrats, voire au droit de la consommation lorsque le client est un consommateur [3].
Les formations en lignes peuvent également relever de l’enseignement scolaire à distance [4] ou de la formation professionnelle continue [5] lesquels peuvent notamment permettre de bénéficier d’aides au financement et sont soumis à une règlementation spécifique qui peuvent prévoir des dispositions spécifiques concernant la rupture du contrat en cas de défaillance technique. Celles-ci ne seront pas abordées dans le présent article afin de concentrer les développements sur le droit commun des contrats et le droit de la consommation lesquels prévoient un corpus de règles déjà dense.
2/ Quelles sont les informations dont le client doit disposer avant de souscrire à un abonnement de e-learning ?
Conformément au droit commun des contrats, le prestataire de formations en ligne doit fournir toute information dont la connaissance est déterminante pour le consentement de son client [6].
Le Code de la consommation précise le contenu de ce devoir d’information, à savoir notamment [7] :
- Les caractéristiques essentielles des contenus et services numériques et notamment les fonctionnalités, la compatibilité et l’interopérabilité des contenus et services numériques ;
- L’existence et les modalités de mise en œuvre des garanties (la garantie légale de conformité, garantie des vices cachés, éventuelles garanties commerciales) et le cas échéant, sur le service après-vente ;
- La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation en précisant les coordonnées de celui-ci ;
- Le droit de rétractation (existence, conditions, délai, modalités d’exercice de ce droit et formulaire type de rétractation) ;
- Les modalités de résiliation ;
- Le traitement des réclamations.
Dans le cadre d’un abonnement à une prestation de formation en ligne, ces informations sont susceptibles d’être qualifiées d’essentielles puisqu’elles permettent soit d’anticiper les difficultés techniques en vérifiant, avant de s’engager, la compatibilité des modalités de e-learning avec l’équipement technique de l’apprenant, soit de connaitre les recours possibles en cas de difficulté technique.
Or, dans une décision en date du 20 décembre 2023 [8], B, la Cour de cassation a jugé que le manquement du professionnel à ses obligations d’information précontractuelles peut entraîner l’annulation du contrat pour vice du consentement [9] si le défaut d’information porte sur des éléments essentiels du contrat.
Le manquement du professionnel à son devoir d’information est donc susceptible à lui seul de justifier l’annulation de l’abonnement à une formation en ligne.
3/ Le consommateur peut-il exercer un droit de rétractation lors de la souscription à un abonnement de e-learning en cas de difficulté technique ?
Si les prestations de formation ne donnent pas satisfaction, notamment au regard de difficultés techniques, le plus simple est certainement d’exercer son droit de rétractation lorsque celui-ci existe [10].
En effet, la souscription à un abonnement e-learning s’effectue, comme son nom l’indique, le plus souvent en ligne. Le client consommateur dispose alors d’un droit de rétractation de 14 jours à compter de la commande. Toute clause contraire est nulle. Toutefois, depuis l’ordonnance n°2021-1734 du 22 décembre 2021, le consommateur peut, dans certains cas, être invité à renoncer à son droit de rétractation.
Cette possibilité de renoncer au droit de rétractation s’applique à la formation en ligne, sous certaines conditions :
- Soit lorsqu’elle consiste en un contrat de fourniture de service pleinement exécuté avant la fin du délai de rétractation ;
- Soit lorsqu’elle consiste en un contrat de fourniture d’un contenu numérique sans support matériel (tels que des fichiers vidéos, audios), dont l’exécution a commencé avant la fin du délai de rétractation
Il convient donc d’être vigilant avant de renoncer à son droit de rétractation, étant toutefois précisé que cette faculté de renonciation est soumise à des conditions de forme précises. A défaut, le délai de rétraction peut être prolongé de 12 mois à compter de la fin du délai initial de rétractation [11].
4/ Quelles sont les garanties dont le client peut bénéficier en cas de défaillance technique dans le cadre d’une formation en ligne ?
En cas de défaillance ou d’insuffisance technique d’une formation en ligne, il est possible d’invoquer la garantie légale de conformité du professionnel, sous certaines conditions.
En effet, le plus souvent, l’abonnement à une formation en ligne comprend des contenus numériques, tels que des contenus audios ou vidéos qui peuvent mis à disposition en streaming ou en téléchargement.
Or, la protection des consommateurs a été renforcée par l’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 par la création d’une garantie légale de conformité pour les contrats portant sur des contenus et services numériques [12], alors que, jusque-là, seul l’acquisition d’un bien permettait de bénéficier de cette garantie.
Ainsi, le professionnel qui fournit un contenu numérique ou un service numérique à un consommateur ou à un non professionnel doit garantir que le contenu ou le service numérique est conforme à l’usage attendu par ce dernier.
L’usage généralement attendu d’un contenu numérique est qu’il ne présente pas d’insuffisance ou de défaillance technique.
S’agissant d’un abonnement, le professionnel est tenu de répondre des défauts de conformité qui apparaissent au cours de la période de fourniture du contenu ou service numérique, à savoir pendant toute la durée de l’abonnement. Ainsi, le professionnel doit fournir les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité pendant cette durée.
Les conditions générales d’abonnement doivent mentionner, dans un encadré apparent, l’existence et les conditions de mise œuvre de cette garantie légale de conformité [13].
La mise en conformité du contenu ou service numérique défectueux doit être faite, sans frais pour le client, dans un délai de 30 jours. À défaut, le client peut obtenir une réduction du prix ou le remboursement du prix payé avec la possibilité de résilier l’abonnement aux torts du professionnel.
Il est également possible de suspendre le paiement de tout ou partie du prix jusqu’à ce que le professionnel ait satisfait aux obligations qui lui incombent dans la mise en conformité du contenu.
5/ Quelles sont les conditions de résiliation d’un abonnement à une prestation de e-learning en cas de difficulté technique ?
En principe, le contrat d’abonnement doit préciser les modalités de résiliation de l’abonnement soit à l’échéance, à en cas de manquement d’une partie à ses obligations.
Dans ce dernier cas, il s’agit plus spécifiquement d’une « clause résolutoire ».
En effet, selon l’article 1225 du Code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. La clause résolutoire doit préciser les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat.
La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.
Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent. Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.
6/ Le prestataire de e-learning peut-il invoquer la force majeure en cas de difficulté technique ?
De manière générale, la force majeure permet au débiteur d’une obligation contractuelle de justifier une inexécution du contrat et d’être exonéré de sa responsabilité en cas de force majeure.
La notion de force majeure est définie par l’article 1218 alinéa 1er du Code civil comme étant un « événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. »
Les cas de force majeure correspondent généralement à des circonstances exceptionnelles.
L’article 1218 alinéa 2 du Code civil précise les effets de la force majeure sur le contrat de la manière suivante :
- Si l’empêchement résultant de la force majeure est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat.
- Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 du Code civil.
Toutefois, ce texte n’étant pas d’ordre public, les cas de force majeure ainsi que les conséquences qui en résultent peuvent également être définis dans le contrat (le plus souvent dans les conditions générales du prestataire). Cette clause ne doit toutefois pas retenir une définition trop large de la force majeure permettant d’exonérer le professionnel de sa responsabilité car, dans ce cas, elle est susceptible d’être qualifiée de clause abusive.
Parmi les événements d’ordres techniques que l’on rencontre souvent dans les clauses relatives à la force majeure, on peut citer, par exemple, : des difficultés propres aux réseaux de télécommunication extérieurs aux Parties, le piratage ainsi que les attaques informatiques.
C’est ainsi que des difficultés techniques même non imputables au prestataire peuvent, selon les circonstances, justifier la résiliation de l’abonnement mais sans que sa responsabilité puisse être engagée et donc sans pouvoir solliciter de remboursement ou d’indemnité pour les désagréments causés.
Dans tous les cas, afin d’anticiper toute difficulté, notamment d’ordre technique, dans le cadre d’un abonnement à une formation en ligne, il convient d’être vigilant quant aux conditions techniques et contractuelles proposées par le prestataire.