Santé des banques françaises, priorités en droit de la consommation bancaire et avocats : le grand écart.

Par Laurent Denis.

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Explorer : # droit de la consommation # banque de détail # réglementation bancaire # risques financiers

L’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) diffuse une étude sur la situation des banques françaises [1] à la fin 2012.

Quelles sont les priorités juridiques qui devraient s’inférer de cette intéressante analyse ?

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Légèrement moins rentables et moins compétitives, un peu plus solides financièrement, maîtrisant les risques de crédits en banque de détail, les banques françaises restent très actives dans ce métier. Elles le développent d’ailleurs plus rapidement hors du territoire national. Les nouvelles normes réglementaires, de solvabilité et de liquidité, se mettent en place au rythme prévu.

Dans ce contexte, toutes les initiatives juridiques touchant au droit bancaire, de la consommation -ou de la distribution- devraient viser à améliorer la confiance entre les acteurs bancaires et les consommateurs, surtout les emprunteurs. Action collective, sécurité contractuelle accrue avec internet, médiation comme alternative à la résolution des différends, protection contre le surendettement, encadrement tarifaire ou stimulation à la mobilité bancaire : voici les priorités.
Les projets en cours (loi pour la consommation) sont en dessous des attentes : les contributions d’acteurs importants, tel que les avocats, pour la partie judiciaire, ou le courtier en crédits, pour la partie touchant à la distribution, sont insuffisamment envisagées.

L’étude intéressante de l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) porte sur les données des six principaux établissements de crédit français, prises à fin 2012.

La santé des banques est plutôt bonne, avec une focalisation confirmée dans la banque de détail. Après avoir rappelé le contexte européen de croissance économique quasi éteinte (0,6 % pour la zone euro), le document souligne les baisses conjuguées du chiffre d’affaires (- 2,4 % du Produit Net Bancaire), comme du résultat net (- 6,3 %). Le chiffre d’affaires passe sous les 2 % (1,92 %) du total de bilan, en baisse constante depuis 2010, mais supérieur au niveau atteint lors de la chute de 2008 ; le résultat net globalisé de six banques représente tout de même plus de 8 milliards d’euros.

Les commissions gardent une part élevée dans la composition du produit net bancaire, en regard de la marge d’intérêts. Tel n’a pas toujours été le cas. Cette situation est sous la pression des mesures prises pour mieux encadrer juridiquement ces commissions, tandis que la marge d’intérêts reste caractérisée, en France, par sa faiblesse sur les crédits immobiliers.

L’étude procure des angles d’analyse intéressants, par type de métiers.

L’activité de banque de détail s’est renforcée, à près de 70 % du Produit Net Bancaire, en regard de la banque de marché (BFI) et de la gestion pour compte de tiers. Mais elle progresse surtout à l’international : hors de la France, donc. Par ailleurs, la prise de risques de marché peut réactiver, très vite, la contribution de ce pôle aux résultats. La part des instruments dérivés reste élevée, en brut (avant couvertures).

Face aux difficultés d’exploitation, la maîtrise des charges devient moins performante, illustrée par la dégradation du ratio de "coefficient d’exploitation", rapport entre les charges de fonctionnement (salaires, informatique, etc.) et le chiffre d’affaires (PNB). Celui-ci ressort à 69,3 %, fin 2012. Ce niveau marque une baisse de compétitivité, ainsi que la réduction des marges de manœuvres en matière tarifaire.

Les crédits comportant des impayés montent à 1,9 % des crédits, et les crédits douteux restent stables, à 4,3 % des crédits bruts, soulignant la baisse des encours de crédits. Ceci comprend l’impact des risques dans les pays européens en difficultés, notamment, l’exposition en Grèce. Réduite, l’exposition aux pays fragiles demeure élevée, spécialement sur l’Italie. Le risque dans la banque de détail est, pour sa part, à la baisse.
Après la réduction du pic de défaillances d’entreprises, en 2009, ces défaillances sont de nouveau à la hausse, depuis mars 2011, illustrant la situation des entreprises françaises.

Le coefficient d’emploi, soit la part des crédits accordés, rapportée aux dépôts collectés, poursuit sa chute ; elle passe en dessous de 125 %, venant de plus de 145 % en 2008.

Dans la perspectives des nouvelles obligations réglementaires, notamment, la mise en place des deux ratios de liquidité, la liquidité s’améliore. Le ratio régissant la liquidité courte (un mois), dénommé LCR (Liquidity Coverage Ratio) est en bonne voie. Il permet de compenser la confiance, encore fragile, des marchés dans le refinancement bancaire. Les besoins de refinancement par le marché persistent, en présence de passifs bancaires de maturité encore relativement courte.

De même, la solvabilité s’est nettement améliorée, avec le renforcement des fonds propres de base, vers l’objectif européen (CRR/CRD IV) de 9 %, à fin 2013, au moyen d’un "coussin" de sécurité supplémentaire.

L’efficacité des mesures de soutien de la Banque Centrale Européenne est rappelée : refinancement des banques, à long terme (opération VLTRO) et rachat de dettes souveraines (intervention OMT).

La hausse des bilans provient essentiellement des crédits à la clientèle et des opérations avec la Banque Centrale Européenne. Avec plus de 6 000 milliards d’euros de bilan (6 313 milliards d’euros), le total de bilan des six premières banques françaises reste imposant.

Cet ensemble doit permettre aux établissements de crédit français de contribuer, avec les autres acteurs bancaires, aux transformations, en cours ou espérées, de l’ensemble du secteur de la distribution bancaire et de la banque de détail.

2. Les priorités en droit de la consommation / droit de la distribution bancaire doivent intégrer les apports de tous les professionnels. Le tableau de santé ainsi procuré apporte des éclairages aux priorités juridiques qui doivent s’établir dans le champ de la vente bancaire.

Action collective, médiation, sécurité contractuelle accrue avec internet, médiation dans le règlement des litiges, protection contre le surendettement, encadrement tarifaire ou stimulation à la mobilité bancaire,... figurent, principalement, parmi ces priorités.

C’est peu de dire qu’elles sont encore très mal abordées par le projet de loi sur la consommation, en cours de discussion. Le registre national des crédits proposera une réponse coûteuse et inadéquate à la problématique du surendettement. L’action collective est envisagée de manière curieusement restrictive : le faible rôle des avocats, pour ne pas parler de mise à l’écart, relève d’un parti pris totalement surprenant. Cette profession le signale nettement. La médiation bancaire indépendante devrait être cultivée, et les Avocats pourraient, également, y contribuer nettement.

Dans l’autre champ, qu’il s’agisse de facilitation tarifaire, de protection contre le surendettement ou de mobilité, les Intermédiaires bancaires, tels que les courtiers en crédits, peuvent jouer un rôle encore plus marqué et davantage reconnu, qu’à présent.

Notons, de ce point de vue, qu’il est terriblement regrettable qu’une étude aussi bien construite que celle de l’ACP ne mentionne d’aucune façon l’analyse de la distribution des banques : part des ventes sur internet ? volumes, parts et évolution des crédits commercialisés par des Courtiers ? nombre, évolutions et activités des agences bancaires ? Alors que la place éminente de l’activité de banque de détail est soulignée, ces questions importantes restent toujours sans examen.

Ne pas chercher à capter toute la richesse des professions juridiques, d’une part, et bancaires, d’autre part, ne risque pas d’améliorer en profondeur la perspective juridique du secteur bancaire.

Document complet sur le site de l’ACP :

http://www.acp.banque-france.fr/uploads/media/201306-situation-grands-groupes-bancaires-francais-2012.pdf

Laurent Denis
Juriste - Droit bancaire et financier
www.isfi.fr

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[1"Analyses et synthèses", n°13, 10 juin 2013

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