Le délit d’exhibition sexuelle.

Par Avi Bitton, Avocat et Jade Laimani, Juriste.

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Explorer : # exhibition sexuelle # agression sexuelle # publicité de l'acte # peines encourues

Quelles sont les éléments constitutifs de l’exhibition sexuelle ? Quelles sont les peines encourues ?

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1. Définition de l’exhibition sexuelle.

L’article 222-32 du Code pénal dispose :

« L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

Le délit d’exhibition sexuelle, anciennement nommé « outrage public à la pudeur », fait partie des agressions sexuelles.

2. Elément matériel de l’exhibition sexuelle.

En opposition aux autres formes d’agression sexuelle, l’exhibition sexuelle ne nécessite pas, pour être caractérisée, qu’une atteinte physique ait été commise sur autrui. Ainsi, c’est l’exhibition elle-même qui constitue une agression pour autrui, puisque celle-ci est imposée au public qui en est témoin.

Deux éléments doivent donc être réunis :
- Un acte de nature sexuelle ;
- Commis dans un lieu public

a) Un acte de nature sexuelle.

Le délit d’exhibition sexuelle implique un acte impudique. Il faut entendre le terme d’acte de façon stricte. En effet, ne sont pas inclus les autres agissements tels que des paroles ou des écrits [1]. D’ailleurs, le mot « exhibition » est synonyme de « l’action de montrer ».

Afin d’être qualifié d’exhibition sexuelle, l’acte perpétré par l’auteur doit être de nature sexuelle.

Plusieurs types d’actes sexuels entrent dans la qualification d’exhibition sexuelle lorsqu’ils sont commis dans un lieu accessible aux regards du public :
- Rapports sexuels [2] ;
- Exhibition des parties sexuelles du corps : Montrer ses parties sexuelles constitue un délit d’exhibition sexuelle. Se rend coupable du délit d’exhibition sexuelle le prévenu qui exhibe son sexe en érection devant une collaboratrice dans un cabinet d’avocat [3].

Jusqu’au siècle dernier, faire des gestes obscènes était qualifié d’exhibition sexuelle. En 2006 la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé que le fait qu’une personne fasse un geste obscène (prendre son sexe à travers son short) ne constitue pas une exhibition sexuelle. En effet, pour que l’exhibition sexuelle soit caractérisée, la partie sexuelle de l’auteur doit être exposée à la vue d’autrui.

b) La condition de publicité.

Pour être caractérisé, le délit d’exhibition sexuelle doit remplir une condition de publicité. Ainsi, l’acte de nature sexuelle doit avoir été :
- imposé à la vue d’autrui ; et
- perpétré dans un lieu accessible aux regards du public.

L’expression « imposée à la vue d’autrui » implique que le témoin n’était pas volontaire, il n’était pas consentant pour assister à l’exhibition sexuelle. Il n’est pas nécessaire que le témoin ait été atteint dans sa pudeur. Le délit sera caractérisé du fait de l’atteinte à la pudeur publique. Le témoin n’est alors pas forcément perçu comme victime de l’exhibition sexuelle.

Par conséquent, l’article 222-32 du Code pénal, à travers l’usage de cette expression, exige deux éléments : que le témoin ait été involontaire, et que celui-ci soit un témoin oculaire.

La seule perception de bruits, même non équivoques, n’est pas de nature à remplir la condition du témoin oculaire.

Concernant la publicité de l’acte de nature sexuelle, celui-ci doit avoir été commis dans un lieu public, ou dans un lieu supposé être privé mais accessible à la vue de personnes extérieures.

Le législateur utilise un terme volontairement large, ne se réduisant pas au simple espace public qui n’est pas suffisant. Un acte de nature sexuelle qui serait, par exemple, commis dans des toilettes publiques dont la porte serait verrouillée, ne sera pas constitutif d’un délit d’exhibition sexuelle car non accessible aux regards du public.

Cette condition de publicité permet d’établir que l’auteur a conscience que son acte de nature sexuelle peut être vu par un témoin.

L’auteur n’a pas pris les mesures nécessaires pour que son acte soit commis de manière intime et privée.

Il existe une exception relative à l’exhibition des parties sexuelles dans un lieu accessible aux regards du public qui est le naturisme.

Ainsi, le naturisme est toléré parce qu’il est pratiqué dans des lieux exclusivement dédiés à ce mode de vie. De ce fait, les individus qui s’y rendent savent, en toute connaissance de causes, qu’ils seront confrontés à un état de nudité.

3. Elément intentionnel de l’exhibition sexuelle.

Pour caractériser l’élément moral de cette infraction, il suffit que l’auteur de l’exhibition sexuelle sache qu’un témoin peut le voir [4].

Il importe peu que l’auteur ait une raison politique ou autre d’exhiber ses parties sexuelles, le délit sera constitué. La Cour de cassation a récemment affirmé dans un arrêt du 26 février 2020 que « L’exhibition de la poitrine d’une femme entre dans les prévisions du délit prévu à l’article 222-32 du Code pénal, même si l’intention exprimée par son auteur est dénuée de toute connotation sexuelle ». Cette décision a été rendue dans le cadre des FEMEN.

4. Répression de l’exhibition sexuelle.

a) Peines encourues.

L’auteur du délit d’exhibition sexuelle encourt une peine d’emprisonnement d’un an ainsi qu’une peine d’amende de 15 000 euros.

En plus de cette peine principale, l’auteur encourt des peines complémentaires. En effet, selon l’article 131-36-1 du Code pénal, l’auteur du délit d’exhibition sexuelle pourra se voir ordonner un suivi socio-judiciaire. Par ailleurs, les peines complémentaires des articles 222-44 et 222-45 du Code pénal peuvent également être prononcées (interdictions professionnelles, ...).

b) Prescription de l’action publique.

L’infraction d’exhibition sexuelle est un délit. Selon l’article 8 du Code de procédure pénale, l’action publique est prescrite au bout de six années (depuis l’entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017).

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris
Ancien Membre du Conseil de l’Ordre
Site : https://www.avibitton.com

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Notes de l'article:

[1Cass. Crim., 30 nivôse an XI.

[2Cass. Crim. 11 octobre 1979.

[3Cass. Crim., 31 mars 1999.

[4Cass. Crim., 27 janvier 2016.

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Discussion en cours :

  • par Eric , Le 14 avril 2023 à 08:08

    Bonjour,

    Ce sujet m’évoque le cas de l’affiche de Michel Polnareff montrant ses fesses.
    Lui-même a expliqué ce qu’il avait découvert lors de sa comparution : s’il avait eu recours à un montage photo, c’est à dire que si ce ne fut une exhibition de ses propres fesses, il n’aurait pas eu de sanction.
    Ce fait datant des années 70, la nuance salvatrice serait-elle encore d’actualité ?

    Du coup, me vient une autre question : Si cette condition de parties personnelles ou non fait encore juridiquement la différence, quel serait aujourd’hui le risque encouru de déambuler dans l’espace public, certes en étant complétement habillé, mais en portant tout de même de façon visible une paire de faux seins en plastique et/ou une paire de fausses fesses (matériel de déguisement type farce et attrape), que ce soit hors, ou en période de carnaval, ou en spectacle de rue ?
    Même question en étant habillé avec une combinaison intégrale mais moulante et de couleur chair, simulant la nudité ?

    En comparaison, on voit bien à l’inverse que le port du masque depuis ces dernières années de carnaval "covidesque", a de facto annulé l’interdiction et la sanction pour visage dissimulé dans les lieux publics...

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