Peut-on se dispenser de la technique d'émission des actions de préférence dans les S.A.S. ? Par Stéphane Michel, Avocat

Peut-on se dispenser de la technique d’émission des actions de préférence dans les S.A.S. ?

Par Stéphane Michel, Avocat

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Explorer : # actions de préférence # liberté statutaire # s.a.s. (société par actions simplifiée) # droits de vote

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La question de l’étendue réelle de la liberté statutaire des S.A.S. se pose nécessairement en matière d’émission par les S.A.S. d’actions dotées de « privilèges » politiques ou financiers.

Existe-t-il, au sein des S.A.S., une alternative à la technique de l’émission d’actions de préférences décrites aux articles L. 228-11 et suivants du Code de commerce, en d’autres termes, un régime d’actions privilégiées propres aux S.A.S., ce régime dispensant de soumettre ces actions au régime des actions de préférence et à ses restrictions ?

Comme souvent dans les S.A.S, il semble que la résolution de cette question revient une nouvelle fois à examiner et déterminer avec précision le régime juridique applicable aux S.A.S.

1. Les actions de préférences émises par les SAS

L’article L. 227-1, alinéa 3 du Code de commerce établit notamment que les règles « compatibles » relatives aux sociétés anonyme sont applicables aux S.A.S., à l’exception, pour l’essentiel, des articles L. 225-17 à L. 225-126 du Code de commerce.

Cette longue série d’articles du Code de commerce dont l’application est expressément écartée des S.A.S concerne les règles d’administration et de direction, ainsi que les règles relatives aux assemblées générales d’actionnaires des sociétés anonymes.

Inversement, les règles relatives à l’émission des valeurs mobilières des sociétés par actions (articles L. 228-1 à L. 228-106 du Code de commerce) ne sont absolument pas exclues des dispositions applicables aux S.A.S.

Il en ressort que le régime des actions de préférence (articles L. 228-11 et suivants du Code de commerce) s’applique donc a priori aux S.A.S. et leur permet d’émettre des actions avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, notamment pécuniaire, à titre temporaire ou permanent.

La réglementation propre aux S.A.S. permet néanmoins d’assouplir quelque peu le régime des actions de préférence des S.A.S. :

- d’une part, la limitation du droit de vote multiple au seul droit de vote double ne s’applique pas aux S.A.S. L’article L. 225-122 du Code de commerce qui interdit les droits de vote multiple, à l’exception des droits de vote double, et les articles L. 225-123 et suivants du Code de commerce qui restreignent très fortement les droits de vote double, ne s’appliquent qu’aux sociétés anonyme ou en commandite par actions. Il est donc tout à fait possible pour une S.A.S. d’émettre des actions de préférence à droit de vote triple ou quadruple, avec toute la souplesse possible ;

- d’autre part, le principe de proportionnalité du droit de vote à la quotité de capital détenue, visé à l’article L. 225-122 du Code de commerce, ne s’applique pas aux S.A.S. Il est donc possible de plafonner les droits de vote des associés de S.A.S. titulaires d’actions de préférence.

2. Les actions « particulières » de S.A.S

Sans rechercher à détourner absolument les S.A.S du régime juridique des actions de préférence, il semble cependant qu’il reste une certaine marge de manoeuvre pour accorder plus simplement aux associés de S.A.S. certaines prérogatives particulières.

En effet, même si la question est discutée, la réglementation des S.A.S. permet encore, à mon avis, une large liberté statutaire dans les avantages qui peuvent être accordés aux associés de S.A.S.

D’abord, l’article L 227-5 du Code de commerce indique que « les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée ». On s’accorde à penser que cette liberté statutaire permet d’attribuer à des associés, à la constitution de la S.A.S. ou au cours de sa vie sociale, des prérogatives particulières dans la gestion et la direction de la société (par exemple, prérogatives des associés dans la composition ou le fonctionnement des organes de gestion). A priori, nul besoin en pareil cas, de passer par le régime des actions de préférences pour atteindre ce résultat.

Mieux encore à mon sens, l’article L. 227-9 du Code de commerce pose de manière très générale que « les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient ». Cela signifie donc qu’il est possible d’accorder à un associé ou à certains associés des prérogatives particulières dans l’exercice de leurs droits de vote, par exemple de prévoir un droit de vote multiple (sans plafond) pour un associé ou certains associés ou d’aménager les droits de vote d’un ou plusieurs associés.

Dans ces deux cas, les avantages sont consentis aux associés de la S.A.S. et non pas aux actions elles-mêmes, ce qui permet, à mon sens, d’éviter d’appliquer la réglementation des actions de préférence. Il s’agit en revanche de stipulations d’avantages particuliers entraînant l’intervention d’un commissaire aux avantages particuliers.

Deux réserves cependant :

a. En raison de l’article 1844, alinéa 1er du Code civil, il est impossible de priver un associé de ses droits de vote, ne serait-ce que temporairement (Cass. Com, 23 octobre 2007), sauf à emprunter le régime des actions de préférence qui prévoit et aménage avec précision une éventuelle privation des droits de vote ; concrètement il en ressort que la procédure d’émission des actions de préférence s’impose aux S.A.S. notamment dans les hypothèses suivantes :

- pour toute clause supprimant l’exercice du droit de vote d’un associé, sur toutes ou certaines des décisions sociales,
- pour les clauses de stage par laquelle un associé ne peut exercer son droit de vote que s’il est associé depuis un certain laps de temps,
- ou encore pour les clauses « censitaires » par laquelle un associé ne peut exercer son droit de vote que s’il détient un certain nombre d’actions.

b. Enfin, je ne pense que l’attribution d’avantages pécuniaires à un associé de S.A.S. ne soit possible sans se soumettre à la procédure des actions de préférence, dans la mesure où aucune disposition applicable aux S.A.S. ne semble autoriser les statuts de S.A.S. à le prévoir de façon autonome.

En conclusion, encore beaucoup de débats en perspective à mon avis, dans l’attente d’un arrêt lumineux de la chambre commerciale...

Stéphane Michel, Avocat au Barreau de Paris

stephane.michel chez michel-avocats.com

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