Douance et professionnels du droit.

Par Caroline Bertholier, Médiateur.

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Explorer : # hpi # sensibilité # valeurs # intuition

Peut-être avez-vous déjà entendu parler de surdoués, zèbres, Hauts Potentiels Intellectuels (HPI), multipotentiels, atypiques,…

Si ces personnes aux spécificités cognitives ne représentent que 2, voire 3 à 4% de la population suivant les spécialistes, les professionnels du droit sont nécessairement concernés, voire le sont peut-être plus que d’autres...

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En effet, certaines particularités de ceux que l’on appellera HPI par simplicité, même si le terme est un peu enfermant, peuvent expliquer un choix de carrière.

Pour en comprendre les raisons, il faut partir en quête. Pourquoi une quête ? Parce qu’il faut aller au-delà des clichés et aller au cœur d’une différence invisible si on veut mieux cerner qui sont ces personnes, parfois déroutantes et souvent sources de fantasmes et croyances.

Il s’agit donc de comprendre et démystifier afin de mieux se connaître soi-même si on est concerné, ou de mieux comprendre une personne de son entourage qui peut l’être.

Un préambule important : le HPI est observable à l’IRM, c’est une véritable différence neuro-cognitive qui se manifeste de différentes manières.

La sensibilité.

Peut-être serez-vous étonnés de voir que cet article commence non pas par la dimension intellectuelle, mais par le sujet de la sensibilité. Une des grandes spécialistes du sujet, Jeanne Siaud-Facchin, estime que le HPI « pense » toujours d’abord avec le cœur. Car sensibilité et émotions vont de pair, la sensibilité étant la capacité à capter et se laisser émouvoir.

Cette sensibilité émotionnelle se traduit par une empathie parfois extrême, qui peut générer des réactions compassionnelles excessives, ou au contraire, donner à la personne concernée des atouts en termes relationnels grâce à une capacité fine à se connecter aux autres. Est-ce que cela vous fait déjà penser à certains professionnels du droit ?

Il arrive que certaines personnes aient souffert dans leur enfance d’avoir été « trop gentilles », qu’on se soit moqué de leur sensibilité. Elles peuvent alors développer ce que l’on appelle un faux-self, une sorte de masque social qui leur permet de se conformer au moule, de ne pas laisser transparaître leur émotionnalité. Vus comme froids, indifférents, détachés, ces individus agissent à l’inverse de leur nature profonde et peuvent avoir des difficultés relationnelles qui les mettent en souffrance, sans en comprendre la raison.

La dimension artistique est souvent une source d’expression libératrice pour les personnes HPI, et il n’est pas rare que les personnes concernées aient une activité professionnelle classique et un hobby artistique dans lequel elles excellent. Un moyen d’être soi, de se libérer d’un trop plein, et de se connecter autrement au monde.

Si la sensibilité est d’ordre émotionnel, elle se manifeste également souvent au plan sensoriel, et parfois de manière pesante : intolérance au bruit, à la lumière trop forte, aux aliments relevés,… Mais ces capacités sensorielles exacerbées peuvent se révéler sources de plaisir et atouts merveilleux, par exemple un sens de l’observation aiguisé, une faculté de profiter intensément de certains grands crus ou mets délicats,…

Les valeurs et le besoin de sens.

Les HPI ont souvent un côté chevalier blanc, prenant en charge de grandes causes, se mettant dans des états terribles lorsqu’une injustice est commise. On voit sans doute quelles vocations professionnelles sont générées par ce type d’attitude !

Si certains ont appris à maîtriser leur emportement face à des situations qui les révoltent, d’autres ont plus de difficultés et leurs réactions excessives sont à double tranchant : elles peuvent avoir un côté touchant, sympathique, voire galvanisant, ou au contraire, horripiler l’entourage qui estime que la personne en fait trop.

Mais c’est que le HPI ne transige pas avec ses valeurs. S’il doit le faire pour une raison ou une autre, cela peut générer un stress important qui peut avoir des répercussions en termes d’équilibre psychologique ou de santé, pouvant même aller jusqu’à des pathologies du type AVC ou cancers.

Donc si tout le monde a besoin que ses valeurs soient respectées, pour le HPI, c’est presque de l’ordre du vital. Tout aussi important, le besoin de sens : l’absurdité, les incohérences seront très vite repérées par le HPI pour qui il est essentiel de percevoir pourquoi on fait les choses, quelle logique sous-tend une action. A défaut, certains ne se mettront pas en route.

L’intuition et la vision.

Pas simple de concevoir l’intuition, et pourtant, celle-ci est un des atouts majeurs des HPI, à condition qu’ils veuillent bien l’écouter ! Il n’est pas rare de les entendre exprimer « je le sens comme ça, c’est tout », et pourtant, dans notre société cartésienne, c’est difficilement entendable, et quant à être crédible…

Cette intuition se manifeste parfois par le syndrome de Cassandre. Par exemple, en réunion, un HPI va dire « ce projet ne marchera pas pour x et x raisons » ; personne n’en tient compte et quelques semaines ou mois après, il apparaît que cette personne avait raison. Mais à vivre régulièrement cela la personne se décourage, et se tait.

Le côté visionnaire se déploie parfois par une créativité et un sens de l’innovation aigus. Des qualités attendues dans le monde professionnel d’aujourd’hui, à condition de ne pas être trop en avance sur son temps !

Energie et procrastination.

Paradoxal, le HPI peut fatiguer son entourage par son énergie débordante, sa capacité de travail phénoménale, mais il peut aussi avoir des phases de procrastination intense ! Rédiger des conclusions à la dernière minute sur un sujet complexe n’est pas forcément un problème pour le HPI, mais cela peut en être un pour l’équipe qui travaille avec lui…

Capable de concentrer son énergie tant qu’un sujet le passionne (et beaucoup de sujets la passionnent !), la personne HPI ne va en dépenser aucune sur ce qui ne l’intéresse pas, ce qui peut également être problématique dans un environnement professionnel. Elle aura du mal à rester focus, s’éparpillera, et risquera de faire un travail superficiel alors qu’elle est capable de produire de l’excellente qualité par ailleurs.

Par ailleurs, cette énergie physique ou mentale intense s’accompagne parfois de baisse de tonus, voire de mini-déprimes qui généralement ne durent pas, la résilience et le besoin de ne pas perdre de temps étant deux paramètres compensateurs que l’on retrouve dans ce type de profil.

L’intellect.

Alors on y vient… L’intellect est le domaine le plus source à fantasmes. Alors, il est important de préciser que le HPI, censé se refléter par un quotient intellectuel scoré par un test de type WAIS (Wechsler Adult Intelligence Scale) supérieur à 130, ne fait pas de la population concernée des Einstein ou des Léonard de Vinci. Alicia Keys, Ashton Kutcher, Arnold Schwarzenegger, Smaïn, font partie des HPI, de même que Monsieur et Madame Tout le Monde que l’on ne remarque pas nécessairement.

En vrac, on peut évoquer la rapidité de compréhension, la capacité à faire des liens, à avoir une vision « méta », le discernement, la mémoire (qui peut être à la fois incroyablement bonne mais aussi très mauvaise !), la curiosité, l’imagination, un raisonnement original (voire out of the box), une forte aptitude à l’adaptation (pas uniquement intellectuelle d’ailleurs)…

Mais aussi l’ennui qui arrive vite, le besoin de stimulation, la naïveté (compréhension au pied de la lettre), la propension à se laisser manipuler (ou à manipuler les autres), la grande rapidité qui peut amener à aller trop vite et oublier des étapes ou des détails importants, un trop grand détachement par rapport aux choses concrètes, une tendance à rendre compliqué ce qui est simple (parce que sinon, ce n’est pas intéressant !)…

Bref, on le voit, le paradoxe est très présent dans le portrait du HPI, et comme tout un chacun, il a sa part d’ombres et de lumières. Et bien-sûr, si tout un chacun dispose de certaines ou de plusieurs de ces caractéristiques, ce qui fait le côté remarquable du HPI est la concentration en nombre et en intensité de celles-ci.

Maintenant, pourquoi faire ce focus entre le HPI et les professionnels du droit ? Des indices ont été semés tout au long de cet article : forte capacité de travail, besoin de sens, révolte devant l’injustice, empathie, mémoire, capacité à faire des liens, rapidité de compréhension, valeurs … ça vous parle ? Alors si tous les avocats, notaires, magistrats, huissiers ne sont pas HPI, il est probable qu’un nombre supérieur à la moyenne des autres professions le soient.

Si vous vous sentez concernés, pas de panique, ce n’est pas une maladie !

On ne parle donc pas de diagnostic, mais peut-être sera-t-il aidant d’aller voir un(e) spécialiste du sujet, psychologue pour passer le test, et/ou coach pour mieux se comprendre, réguler ses fragilités, optimiser ses atouts, mieux travailler avec les autres, bref, se sentir plus aligné avec soi-même !

Caroline Bertholier, Coach et Médiateur

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