Le droit de se taire s'invite également dans les procédures de licenciement pour insuffisance professionnelle des agents publics. Par Laure Klein, Avocate.

Le droit de se taire s’invite également dans les procédures de licenciement pour insuffisance professionnelle des agents publics.

Par Laure Klein, Avocate.

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Explorer : # droit de se taire # licenciement pour insuffisance professionnelle # agents publics # procédure disciplinaire

Sous l’influence du Conseil constitutionnel, le Conseil d’État a récemment imposé aux employeurs publics d’informer leurs agents publics de leur droit de se taire dès l’ouverture d’une procédure disciplinaire les concernant.
Cette nouvelle garantie a été étendue, il y a quelques jours, aux procédures de licenciement pour insuffisance professionnelle par la Cour administrative d’appel de Nantes dans le cadre d’un arrêt du 4 mars 2025 (req. n° 24NT00718).

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Sous l’influence du Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat [1] a imposé aux employeurs publics d’informer leurs agents publics de leur droit de se taire dès l’ouverture d’une procédure disciplinaire les concernant.

Le 4 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Nantes [2] a étendu l’obligation d’information du droit de se taire aux procédures de licenciement pour insuffisance professionnelle des fonctionnaires.

Dans le cadre de cet arrêt, la cour a précisé qu’un fonctionnaire doit être informé, avant d’être entendu pour la première fois, qu’il dispose du droit de se taire pour l’ensemble de la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle.

Les modalités d’information de l’agent sur son droit de se taire ainsi que les conséquences résultant de la méconnaissance de cette garantie sont identiques à celles consacrées par le Conseil d’État en matière disciplinaire :

  • Cette garantie ne s’applique ni aux échanges ordinaires, ni aux enquêtes et inspections diligentées par l’employeur, avant l’ouverture de la procédure,
  • La méconnaissance de cette garantie n’est susceptible d’entraîner l’annulation du licenciement seulement si celui-ci repose de manière déterminante sur les déclarations de l’agent, alors qu’il n’avait pas été informé de son droit.

La cour a fondé son raisonnement sur les dispositions de l’article L553-2 du Code général de la fonction publique qui imposent à l’employeur public d’appliquer la procédure disciplinaire en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle.

Toutefois, l’extension du droit de se taire aux procédures de licenciement pour insuffisance professionnelle interroge.

En effet, le Conseil d’État [3] et le Conseil constitutionnel [4] ont expressément indiqué que le droit de se taire - qui découle lui-même de la présomption d’innocence consacrée à l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 - s’applique « à toute sanction ayant le caractère d’une punition ».

Or, le licenciement pour insuffisance professionnelle n’a aucune finalité punitive. Il repose sur des éléments objectifs révélant les difficultés et l’inaptitude de l’agent à exercer correctement les fonctions pour lesquelles il a été recruté (s’il est contractuel) ou correspondant à son grade (s’il est fonctionnaire) [5].

À l’inverse, le licenciement pour insuffisance professionnelle ne vise pas à sanctionner une faute, mais tire les conséquences de l’évaluation objective de l’incapacité de l’agent à exercer ses fonctions.

Le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, dans un jugement du 22 novembre 2024 [6], a, en ce sens, refusé d’appliquer l’information sur le droit de se taire aux procédures de licenciement pour insuffisance professionnelle, estimant que le licenciement ne constitue pas une sanction disciplinaire.

Au regard de la jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Nantes du 4 mars 2025, l’extension de la garantie de l’information du droit de se taire aux procédures de licenciement pour insuffisance professionnelle est-elle réellement justifiée ?

Cette extension ne risque-t-elle pas de déborder et de s’appliquer de manière excessive à toutes les décisions prises en considération de la personne de l’agent ?

Une prise de position du Conseil d’État sur ces questions serait bienvenue.

Affaire à suivre.

Laure Klein
Avocate à la Cour
Barreau d’Angers
https://laureklein-avocat.fr

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Notes de l'article:

[1CE, 19 décembre 2024, req. n°490157.

[2CAA de Nantes, 4 mars 2025, req. n° 24NT00718.

[3CE,19 décembre 2024, req. n°490157.

[4Cons. Const. Décision n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024.

[5CE, 9 juin 2020, req. n°425620.

[6TA de Clermont-Ferrand, 22 novembre 2024, req. n° 2400957.

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