Praticiens hospitaliers contractuels : vous avez droit à une indemnité de précarité.

Par Delphine Krzisch, Avocate.

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Explorer : # indemnité de précarité # praticiens hospitaliers # contrats à durée déterminée # jurisprudence administrative

Ce que vous allez lire ici :

Les praticiens hospitaliers contractuels peuvent percevoir une indemnité pour compenser la précarité de leur statut, prévue par la loi. Cette indemnité, souvent non versée, est accessible en cas de succession de CDD, notamment si aucune offre de CDI n'est proposée. Des recours sont possibles pour faire valoir ces droits.
Description rédigée par l'IA du Village

Le recours abusif aux contrats à durée déterminée (CDD) dans la fonction publique hospitalière n’est pas seulement une pratique injuste : il s’agit d’une illégalité régulièrement sanctionnée par les juridictions administratives. Les praticiens hospitaliers contractuels, pourtant indispensables au bon fonctionnement des établissements de santé, sont trop souvent maintenus dans une situation de précarité institutionnalisée. Or, cette instabilité contractuelle ouvre droit, sous certaines conditions, à une indemnité compensatrice de précarité de 10%.

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Un droit prévu par les textes.

Le recrutement des praticiens hospitaliers par le biais de contrats à durée déterminée est encadré par les dispositions de l’article R6152-403 du Code de la santé publique, qui prévoit que :

« Les praticiens contractuels mentionnés à l’article R6152-401 peuvent également être recrutés pour assurer certaines missions spécifiques, temporaires ou non, nécessitant une technicité et une responsabilité particulières et dont la liste est définie par arrêté des ministres chargés du budget et de la santé. Le contrat peut être conclu pour une période maximale de trois ans, renouvelable par reconduction expresse. La durée des contrats conclus successivement ne peut excéder six ans. Si, à l’issue de la période de reconduction, le contrat du praticien est renouvelé sur le même emploi dans le même établissement, il ne peut l’être que par décision expresse et pour une durée indéterminée ».

La durée des contrats conclus ne peut donc excéder 6 années.

En compensation de la précarité de leur statut (le renouvellement de CDD), une indemnité compensatrice de précarité doit être versée aux praticiens hospitaliers contractuels, conformément à l’article L1243-8 du Code du travail qui précise que « (…) le salarié a droit à une indemnité de fin de contrat égale à 10% de la rémunération brute totale versée » et à l’article R6152-418 du Code de la santé publique, qui dispose ainsi expressément que « Les praticiens contractuels bénéficient de l’indemnité prévue à l’article L1243-8 du Code du travail ».

Cette indemnité n’est pas due dans les cas suivants (article R6152-375 du Code de la santé publique et L1243-10 du Code du travail) :

  • lorsque l’agent refuse d’accepter la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente ;
  • en cas de rupture anticipée du contrat due à l’initiative de l’agent, à sa faute grave ou à un cas de force majeure.
  • dans le cas où le praticien, inscrit sur la liste d’aptitude mentionnée à l’article R6152-308, ne postule pas sur un poste ouvert dans son établissement et dans sa spécialité.

Il faut ajouter que depuis 2022, l’arrêté du 5 février 2022 relatif à l’indemnité de précarité prévue à l’article R6152-375 du Code de la santé publique a limité le versement de l’indemnité de précarité et a exclu les praticiens contractuels bénéficiant d’émoluments bruts annuels supérieurs de 30% au seuil minimum prévu à l’annexe XX de l’arrêté du 15 juin 2016.

Cette indemnité n’est pas toujours explicitement indiquée dans les contrats des praticiens hospitaliers contractuels. Elle n’est souvent pas versée par les employeurs publics, qui renouvellent, en toute illégalité, les contrats précaires de leurs agents.

Une jurisprudence claire et protectrice.

Or, la jurisprudence administrative rappelle que cette instabilité contractuelle ouvre droit, sous certaines conditions, à une indemnité compensatrice de précarité, comme le prévoit explicitement le Code de la santé publique, par renvoi aux dispositions du Code du travail.

Dans un jugement du 5 décembre 2024 [1], un hôpital a été condamné à verser plus de 41 000 euros à une praticienne pour non-paiement des indemnités dues à la fin de ses contrats successifs :

"15. Il résulte de l’instruction que Mme B n’a pas bénéficié du versement de l’indemnité de fin de contrat prévue par ces dispositions à l’issue des renouvellements de ses contrats à durée déterminée et à la suite du non-renouvellement de son dernier contrat de praticienne hospitalière. Par ailleurs, il ne résulte pas de l’instruction qu’elle aurait refusé, après invitation du CH de Confolens, de candidater sur un poste de praticienne hospitalière titulaire, après sa réussite au concours dédié, qu’elle aurait été informée de la vacance de tels postes et été invitée à y candidater, ni même, au demeurant, que ces postes ne prévoyaient pas une rémunération inférieure à celle perçue par Mme B sur son dernier contrat, alors que le centre hospitalier fait lui-même valoir que Mme B souhaitait demeurer praticienne hospitalière contractuelle en raison de l’impossibilité de bénéficier d’une reprise d’une partie de son ancienneté. Dans ces conditions, Mme B est fondée à demander la condamnation du CH de Confolens à lui verser une indemnité correspondant aux indemnités de fin de contrat qu’elle aurait dû percevoir au titre des dispositions précitées.
16. Il résulte de l’instruction, compte tenu des bulletins de salaire produits, que la rémunération brute perçue par Mme B au cours de la période allant du 1ᵉʳ janvier 2017 au 31 décembre 2021, période totale de son emploi par le CH de Confolens au titre de laquelle elle n’a jamais bénéficié de cette indemnité, à une somme totale de 412  274,33 euros. Dès lors, le montant des indemnités de fin de contrats de cette dernière doit être fixée à 10% de ce montant, soit une somme totale de 41 227,43 euros, qu’il y a lieu de mettre à la charge du CH de Confolens
".

Cette condamnation des centres hospitaliers à verser l’indemnité de précarité n’est pas rare.

Quand et comment agir ?

Vous êtes concerné si :

  • Vous êtes un praticien hospitalier et vous avez enchaîné plusieurs contrats à durée déterminée sans que ces derniers ne soient convertis en CDI,
  • Votre contrat s’est arrêté sans qu’un CDI vous soit proposé dans les conditions légales,
  • Vous n’avez jamais perçu d’indemnité de fin de contrat, malgré plusieurs années de contrats renouvelés.

La démarche :

  • Demande préalable auprès de votre établissement (via une lettre recommandée avec AR),
  • En cas de refus ou d’absence de réponse : recours contentieux devant le tribunal administratif,
  • Possibilité de solliciter un rappel d’indemnité de précarité, voire une indemnisation complémentaire pour le préjudice subi du fait de la précarité issue de la succession de CDD.

Pourquoi engager un recours ? Parce que vous y avez droit. Parce que la jurisprudence vous protège. Et parce qu’il est temps que les praticiens hospitaliers contractuels ne soient plus les oubliés du service public de la santé. Vous avez travaillé, souvent avec une grande technicité et dans des conditions difficiles, sans la reconnaissance ni la stabilité que mérite votre engagement. Ne renoncez pas à faire valoir vos droits.

Delphine Krzisch
Avocate au Barreau de Paris
Grapho Avocats
dkrzisch chez grapho-avocats.com
https://grapho-avocats.com/

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Notes de l'article:

[1TA Poitiers, 5 décembre 2024, n° 2201147 TA Poitiers, 3e ch., 5 déc. 2024, n° 2201147 https://www.doctrine.fr/d/TA/Poitiers/2024/TA55DE0FFD22E5AD9B9AF1

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