La Garde nationale [1] dans son appellation moderne a été créée le 13 octobre 2016 en réponse au désir d’engagement de la société civile suite aux attentats terroristes qui ont frappé la France en 2015 et 2016. 8 ans après sa création, la Garde nationale est composée de 84 000 réservistes opérationnels qui appartiennent au ministère des Armées et au ministère de l’Intérieur. Ainsi nombreux agents publics ont choisi la réserve des armées, en 2024 c’était près de 11 000 agents réservistes qui venaient compléter les effectifs d’active [2]. Le législateur et la Garde nationale ont mis en place un statut juridique compatible pour le salarié réserviste travaillant dans la fonction publique créant des obligations et des droits pour lui-même et son employeur.
I. Le statut juridique du fonctionnaire réserviste.
Le statut du fonctionnaire réserviste est établi dans le cadre d’une articulation entre engagement citoyen et obligations professionnelles de façon à permettre à l’agent public de concilier le service de l’État et la participation active à la défense nationale dans un cadre juridique sécurisé et valorisé.
1. Conditions juridiques de l’engagement du fonctionnaire réserviste.
Encadré par le droit, l’engagement des salariés réservistes travaillant dans la fonction publique est aujourd’hui pleinement reconnu. Il serait à tort de penser que cette qualité n’est pas compatible, l’État encourage grandement ses agents à contribuer à la défense et à la sécurité nationale tel un prolongement de leur dévouement pour la chose publique.
Tout agent public, fonctionnaire ou contractuel, peut souscrire à un engagement à servir dans la réserve. Il faut pour cela qu’il remplisse les conditions légales propres à son incorporation [3].
La durée maximale d’engagement dans la réserve opérationnelle est normalement fixée à 60 jours par an (90 pour la réserve opérationnelle de la police nationale ou plus selon les profils de réserviste comme en dispose l’article L411-11 Code de sécurité intérieure). Cette durée peut être étendue à 150 jours par an en fonction des besoins des forces armées ou de police sur décision du ministre de la Défense ou de l’Intérieur et avec l’accord de l’intéressé. Il est aussi possible qu’elle atteigne 210 jours par an en raison d’un intérêt à portée nationale ou internationale et ce, toujours sur autorisation du ministre concerné et de l’accord du réserviste [4].
2. La valorisation du fonctionnaire réserviste grâce à l’impact du label Garde nationale.
Le label Garde nationale, initié en 2017, distingue les employeurs publics et privés et favorise l’engagement au sein de la réserve. Dans la fonction publique, il peut être attribué aux administrations (collectivités territoriales, ministères, établissements publics, hôpitaux, établissement d’enseignement supérieur) qui mettent en œuvre des bonnes pratiques dans le cadre de la réserve. Celui-ci atteste du fort engagement de l’administration publique pour la réserve [5] et contribue à renforcer la reconnaissance envers la réserve au sein des services de la fonction publique.
Pour marquer cette compatibilité et permettre à nos fonctionnaires de pouvoir plus souvent enfiler le treillis ou l’uniforme, des collectivités et établissements publics peuvent alors signer des conventions ou engagements en collaboration avec le ministère des Armées ou de l’Intérieur dans l’objectif de faciliter la disponibilité du réserviste. Ces derniers peuvent prévoir certains avantages comme le maintien du traitement, la prise en charge de certaines absences ou des modalités de remplacement, le maintien du salaire au-dessus du minimum légal, la mise en place d’une communication interne valorisant la Garde nationale, etc.
Loin d’être contradictoires, les fonctions d’agent public et de réserviste s’enrichissent mutuellement. L’expérience de la réserve apporte des compétences utiles à l’administration (rigueur, gestion de crise), tandis que la fonction publique permet au réserviste de rester ancré dans le tissu civil. Le droit encadre solidement cette articulation, tout en laissant une marge d’appréciation à l’employeur public pour organiser la continuité du service.
II. Les droits et obligations du fonctionnaire réserviste et de son employeur.
Le statut du réserviste et fonctionnaire repose sur un équilibre entre droits et obligations, tant pour l’agent que pour son employeur.
1. Le cadre légal des droits et devoirs de l’agent public réserviste [6].
A) Les droits du fonctionnaire réserviste.
§1. La couverture sociale et juridique.
Premièrement, c’est en toute logique qu’à raison des risques inhérents à la condition de militaire ou de représentant de l’autorité publique, le réserviste, dont les missions peuvent l’exposer à l’ultime sacrifice, se voit bénéficier d’une protection sociale.
Durant son activité dans la réserve opérationnelle, le réserviste conserve, pour lui et ses ayants droit, ses droits à la protection sociale (prestations maladie, maternité, invalidité, décès et prise en charge des frais de santé) du régime de sécurité sociale dont il relève habituellement [7].
§2. Modalités de préavis et d’accord de l’employeur pour l’exercice d’activités dans la réserve opérationnelle sur le temps de travail.
Le réserviste doit prévenir son employeur 1 mois avant son départ. Ce délai peut être réduit en cas de crise ou de clause de réactivité. L’agent public bénéficie d’une autorisation d’absence annuelle de plein droit de 10 jours par année civile. L’accord de l’employeur est obligatoire au-delà. Ce nombre peut être augmenté en cas de crise ou de clause de réactivité.
§3. Position administrative et congé du fonctionnaire réserviste.
Aussi, le fonctionnaire réserviste bénéficie d’un droit à congé spécifique avec traitement. Cette période équivaut jusqu’à 30 ouvrés cumulés avec l’accord de l’employeur (45 jours pour les réservistes opérationnels de la police nationale sans exception, conformément à l’article L644-1 du Code général de la fonction publique). Au-delà de cette durée, il est placé en position de détachement et peut être indemnisé par la réserve sous forme d’indemnités journalières [8].
Les périodes d’activité dans la réserve sont assimilées à du temps de service effectif pour l’ancienneté, l’avancement, les droits à congés et la retraite. Cette assimilation peut être partielle ou modulée et dépend du statut particulier ou du corps d’appartenance de l’intéressé.
§4. Droit à la formation.
Le réserviste fonctionnaire qui suit une formation au titre de l’article L6313-1 du Code du travail durant ses activités dans la réserve opérationnelle n’est pas tenu de solliciter l’accord préalable mentionné à l’article L4221-4 du Code de la défense [9].
§5. Réintégration.
Pour le cas de sa réintégration après un détachement de courte durée, le fonctionnaire est obligatoirement réintégré dans son corps ou cadre d’emplois et sans préjudice de carrière, ce qui garantit la continuité de son parcours professionnel. [10].
B) Les devoirs du fonctionnaire réserviste.
Le réserviste est soumis aux obligations générales du fonctionnaire, telles que la réserve, la neutralité, la loyauté et la disponibilité. En cas de déploiement dans le cadre de la réserve (notamment lors de crises ou d’opérations intérieures), le lien de subordination militaire prévaut pendant la durée de l’engagement.
L’agent réserviste doit informer son employeur par écrit de ses périodes d’activités dans la réserve et fournir les justificatifs nécessaires (ordre de mission, convocation, etc.), généralement en respectant un délai de prévenance d’un mois avant le début de l’absence, ou 15 jours en cas d’urgence nécessitant le déploiement de nombreux effectif. Cette information est nécessaire pour permettre à l’employeur d’organiser la continuité du service.
2. Le cadre légal des droits et devoirs de l’employeur.
A) Les droits de l’employeur.
En ce qui concerne l’employeur, celui-ci dispose du droit de refuser ou de reporter une demande d’absence pour engagement dans la réserve opérationnelle en cas de nécessité impérieuse de service, à condition de motiver et notifier sa décision à l’agent et à l’autorité militaire dans les 15 jours qui suivent la réception de la demande [11].
B) Les devoirs de l’employeur.
L’employeur public, de son côté, a l’obligation de faciliter l’engagement du réserviste, sauf nécessité impérieuse de service. Tout refus ou report du congé doit être dûment motivé et notifié à l’agent et viser à concilier les nécessités du service public avec l’engagement militaire. Cette obligation de conciliation est essentielle pour permettre à l’agent de remplir ses missions de défense sans compromettre la continuité du service public.
Enfin, il est important de rappeler que l’engagement dans la réserve ne peut justifier, de la part de l’administration employeur, ni sanction, ni déclassement, ni licenciement, assurant ainsi une protection statutaire renforcée au réserviste. De cette façon, en respectant ce droit, « l’employeur public donne l’exemple aux employeurs privés en matière de comportement à l’égard des réservistes ». [12].
Pour conclure, si le statut de fonctionnaire réserviste est valorisé, encouragé, et protégé par la loi et le label Garde nationale, c’est grâce à la conciliation réussie de la protection de ses droits et de sa carrière entre droits et devoirs garante en conséquence d’un cercle vertueux entre la défense et le service public.