L’exclusion d’un salarié d’une formation qualifiante en raison de son comportement n’est pas une sanction disciplinaire.

Un salarié est exclu par l’employeur d’un programme interne de formation qualifiante en raison de son comportement et de retards non justifiés. Le salarié se prétend victime d’une sanction disciplinaire. Faux, répond la Cour de cassation, l’employeur ayant dans cette affaire agit dans le cadre de son pouvoir de direction.

Selon l’article L 1331-1 du code du travail, la sanction disciplinaire est définie comme toute mesure, autre que les observations verbales, prises par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié qu’il considère comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

La société Zara a mis en place un programme destiné à détecter au plus tôt les futurs responsables de magasin, à les former et à les suivre de manière individuelle. Le personnel susceptible d’intégrer cette formation interne privilégiée est au départ détecté par les responsables de section, au regard des qualités de "constance, motivation, implication, exemplarité et humilité" manifestées. Les employés choisis perçoivent une prime spéciale.

Un vendeur, après avoir satisfait aux tests, intègre ce programme à compter du 1er décembre 2008. En décembre 2010, il est avisé qu’il ne fera plus partie du programme et perdra donc la prime versée, en raison de comportements inadaptés et notamment des retards qui démontrent selon l’employeur que le salarié ne répond plus aux critères justifiant cette intégration et le suivi de cette formation.

Le salarié saisit le conseil de prud’hommes. Il soutient que son exclusion procède d’une sanction disciplinaire et ce d’autant plus qu’elle a une incidence sur sa rémunération par la perte de la prime alors que les sanctions pécuniaires sont interdites. Il fait valoir, en outre, que les faits que lui reproche l’employeur ne sont pas établis. Ses retards proviennent soit d’une cause étrangère (grève des transports), soit n’ont pas été défalqués lors de l’établissement de ses bulletins de salaire.

La Cour d’appel juge que cette affaire ne relève pas du droit disciplinaire. Les juges retiennent en effet que selon le manuel du programme de formation, le choix d’un salarié susceptible de rejoindre ce programme ressort à l’origine de la seule décision de l’employeur et qu’il n’existe aucun droit acquis obligeant l’employeur à faire bénéficier le salarié du programme jusqu’à son issue. Il est bien spécifié, souligne les juges, que l’intégration est justifiée à la fois par les qualités, énumérées, que le salarié a manifestées et que l’employeur a remarquées, et par le passage de tests réalisés avec succès. Par la suite, le salarié intégré fait l’objet d’évaluations par quinzaine, destinées à mesurer ses progrès, signaler les points sur lesquels il doit s’améliorer. Pour la cour d’appel, ce contrôle continu est un élément de nature à établir la réversibilité de cette intégration. L’employeur a donc, selon les juges, le droit d’estimer que le candidat ne satisfait plus aux exigences attendues de lui pour continuer ce programme sans que cette décision ressorte du droit disciplinaire.

Pour autant, rappelle la cour d’appel, la décision de l’employeur, tout en étant discrétionnaire, ne doit pas être arbitraire. Il lui appartient de motiver sa décision d’exclusion.

Dans cette affaire, si certains de ses retards ont été justifiés par une cause étrangère et admis comme tels par l’employeur, d’autres ont été reconnus par le salarié. Peu important qu’ils aient fait ou non l’objet d’une retenue sur salaire. Par ailleurs, deux courriers de ses supérieurs et une évaluation signée par le salarié font état d’un départ prématuré et d’un comportement rebelle avec l’équipe d’encadrement.

La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, en conclut que l’employeur fait état de faits objectifs, vérifiables, lesquels dans le cadre de son pouvoir de direction, ont pu le conduire à estimer sans arbitraire, que le salarié ne répondait plus aux qualités requises de "constance, motivation, implication, exemplarité et humilité" pour bénéficier jusqu’à son terme du programme. En conséquence, le salarié ne pouvait effectivement plus prétendre à la prime attachée au suivi de cette formation, sa suppression n’ayant pas le caractère d’une sanction pécuniaire au sens du droit disciplinaire de l’employeur. (Cass. soc., 4 juillet 2018, n° 17-16.629, non publié).

Mathieu Lajoinie
Avocat au barreau de Paris
www.avocat-lajoinie.fr
contact chez avocat-lajoinie.fr

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