Vers la féminisation des conseils d'administration des sociétés ! Par Stéphane Michel, Avocat

Vers la féminisation des conseils d’administration des sociétés !

Par Stéphane Michel, Avocat

4677 lectures 1re Parution: Modifié: 4.92  /5

Explorer : # féminisation # parité # conseils d'administration # représentation équilibrée

La loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle vise à réduire un des derniers bastions inexpugnables de l’univers masculin, celui des conseils d’administration et de surveillance des sociétés par actions (sociétés anonymes et sociétés en commandite par actions).

-

1. Le principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseil d’administration et de surveillance des SA

Un nouveau principe général, d’application immédiate, est posé solennellement : les conseils d’administration et de surveillance de SA doivent désormais être composés dans la « recherche » d’une représentation équilibrée des femmes et des hommes en leur sein.

Ce principe vaut pour toutes les sociétés anonymes à conseil d’administration, quelle que soit leur taille, que leurs actions soient admises ou non aux négociations sur un marché réglementé.

Le nouvel alinéa 2 de l’article L. 225-17 du Code de commerce pose à cet égard que «  le conseil d’administration est composé en recherchant une représentation équilibrée des femmes et des hommes  ». Le même système est adopté pour les conseils de surveillances de SA (nouvel article L. 252-68, alinéa 7 du Code de commerce).

Il va de soi que pour les « petites » sociétés anonymes non cotées, ce principe n’a aucune force obligatoire, il s’agit donc, en ce qui les concerne, d’un simple vœu du législateur.

Cela peut laisser songeur.

En effet, on comprend que l’objectif recherché par le législateur consiste à renforcer la présence des femmes au sein des conseils d’administration et de surveillance des sociétés anonymes qui figurent parmi les derniers vestiges d’une domination professionnelle masculine d’un autre âge.

On ne peut dès lors que regretter que le rééquilibrage souhaité par le législateur soit limité à nos plus grandes sociétés anonymes, alors même qu’il existe en France un nombre encore significatif de petites et moyennes entreprises constituées historiquement sous forme de sociétés anonymes et dont les conseils d’administration continueront probablement d’être à dominante masculine, faute d’obligations législatives et réglementaires rétablissant un équilibre nécessaire entre les hommes et les femmes.

Les sociétés par actions simplifiées (SAS) étant exclues du dispositif de la loi du 27 janvier 2011, il en va de même pour les sociétés de cette forme, dont le succès ne cesse de croître et qui comportent souvent des organes collégiaux, proches des conseils d’administration et de surveillance de SA : là encore, on ne comprend pas pourquoi l’objectif de rééquilibrage entre les hommes et les femmes n’a pas vocation à s’appliquer à ces sociétés et à leurs organes collégiaux.

2. L’obligation de représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein des conseils d’administration et de surveillance des « grandes » SA

Instauration d’un seuil minimum de 40% pour les administrateurs et pour les membres de conseil de surveillance de chaque sexe

A côté du mécanisme incitatif prévu de manière général pour l’ensemble des SA, le législateur a instauré un système coercitif pour les conseils d’administration des plus « grandes » SA dans lesquelles «  la proportion des administrateurs de chaque sexe ne peut être inférieure à 40 %  ». Il est également précisé que « lorsque le conseil d’administration est composé au plus de huit membres, l’écart entre le nombre des administrateurs de chaque sexe ne peut être supérieur à deux » (nouvel article L. 225-18-1 du Code de commerce).

L’équivalent de ce mécanisme est instauré pour les conseils de surveillance de SA (nouvel article L. 225-69-1 du Code de commerce).

On peut regretter le choix du seuil minimum de 40 % d’administrateurs ou membres de conseil de surveillance de chaque sexe, plutôt que le choix du seuil symbolique de 50 % : l’exigence d’une parité entre les hommes et les femmes au sein des organes collégiaux d’administration et de surveillance des SA aurait été bien plus ambitieuse.

Je reste en effet convaincu pour ma part, contrairement à ce qui a pu être affirmé pendant les débats parlementaires, qu’il était tout à fait réaliste d’atteindre un objectif de parité réelle, aucun argument, en dehors d’une certaine forme de condescendance, ne pouvant justifier, à mon sens, un hypothétique nombre insuffisant de candidatures féminines, compte tenu des évolutions sociologiques et démographiques au sein du monde de l’entreprise.

Enfin, comme chacun le sait, les objectifs ambitieux et volontaristes en termes de « quotas » appellent nécessairement les vocations et les candidatures.

Champ d’application du seuil de 40% : les « grandes » sociétés anonymes

Cette obligation de respect du seuil de 40 % a vocation à s’appliquer :

-  dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ;

-  et pour les sociétés non cotées, à l’issue de la plus prochaine assemblée générale ayant à statuer sur des nominations, dans les sociétés qui, pour le troisième exercice consécutif, emploient un nombre moyen d’au moins cinq cents salariés permanents et présentent un montant net de chiffre d’affaires ou un total de bilan d’au moins 50 millions d’euros.

Modalités de calcul du seuil de 40% et prise en compte des représentants permanents de personnes morales

Dans la mesure où les représentants permanents de personnes morales administratrices ou membres de conseil de surveillance de SA sont habituellement assimilés par le Code de commerce aux administrateurs ou membres de conseils de surveillances, personnes physiques, il a été logiquement précisé par le législateur que les représentants permanents étaient pris en compte pour apprécier la conformité de la composition du conseil d’administration ou de surveillance au respect du seuil de 40%.

Il en ressort que « toute désignation intervenue en violation (…) et n’ayant pas pour effet de remédier à l’irrégularité de la composition du conseil est nulle », étant précisé que cette nullité n’entraînait pas « celle des délibérations auxquelles a pris part le représentant permanent irrégulièrement désigné » (articles L. 225-20, alinéa 2 et L. 225-76, alinéa 2 du Code de commerce).

Sanction de la violation du seuil de 40%

Nominations à titre provisoire

Un système de nomination à titre provisoire est instauré en vue du respect du seuil de 40 % : il en ressort que lorsque la composition du conseil n’est plus conforme au seuil de 40%, le conseil d’administration ou de surveillance « doit procéder à des nominations à titre provisoire afin d’y remédier dans le délai de six mois à compter du jour où se produit la vacance » (articles L. 225-24, alinéa 4 et L. 225-78, alinéa 4 du Code de commerce).

Nullité des nominations

Afin d’assurer l’efficacité de ce seuil de 40 %, le législateur a prévu un système de nullité des nominations intervenues en violation du seuil minimum de 40% d’administrateurs de chaque sexe.

A cet effet, il est prévu que « toute nomination intervenue en violation (du seuil de 40%) et n’ayant pas pour effet de remédier à l’irrégularité de la composition du conseil est nulle. Cette nullité n’entraîne pas celle des délibérations auxquelles a pris part (l’administrateur ou le membre du conseil de surveillance) irrégulièrement nommé » (articles L. 225-18-1, alinéa 2 et L. 225-69-1, alinéa 2 du Code de commerce).

Suspension du versement des jetons de présence aux administrateurs ou membres du conseil de surveillance

Enfin, le mécanisme de sanction de la violation du seuil de 40% est renforcé par une sanction financière : en effet, lorsque le conseil d’administration ou de surveillance n’est pas composé conformément au seuil de 40 %, le versement des jetons de présence est suspendu, étant précisé que le versement est rétabli lorsque la composition du conseil d’administration ou de surveillance devient régulière, incluant l’arriéré depuis la suspension (articles L. 225-45, alinéa 2 et L. 225-83, alinéa 2 du Code de commerce).

A titre complémentaire et pour la parfaite information des actionnaires, l’article L. 225-102-1 du Code de commerce est complété afin de faire également figurer dans le rapport annuel à l’assemblée générale sur les rémunérations versées aux mandataires sociaux la mention, s’il y a lieu, de la suspension du versement des jetons de présence pour cause de composition irrégulière du conseil d’administration ou de surveillance, au regard de son objectif de composition équilibrée.

3. Obligations de listes « chabada-bada » dans le cadre des élections d’administrateurs « salariés » ou de membres du conseil de surveillance « salariés »

Dans le cadre de l’élection des administrateurs ou membres de conseil de surveillance « salariés » qui a lieu, pour mémoire au scrutin de liste à la représentation proportionnelle au plus fort reste et sans panachage, il est désormais prévu que chaque liste doit « être composée alternativement d’un candidat de chaque sexe ». Il est également précisé que « sur chacune des listes, l’écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un » (article L. 225-28, alinéa 6 du Code de commerce).

4. Extension du domaine du rapport du Président du conseil d’administration ou du conseil de surveillance « sur les travaux du conseil »

Il est précisé que le rapport annuel du Président du conseil d’administration ou de surveillance sur les « travaux du conseil », exigés dans le cadre des approbations des comptes de sociétés cotées, doit être complété par un dispositif sur l’application du principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du conseil (modification des articles L. 225-37, alinéa 6 et L. 225-68, alinéa 7 du Code de commerce).

5. Application de l’ensemble de ces règles aux conseils de surveillance des sociétés en commandite par actions (SCA)

Le principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes, tel qu’il est défini pour les conseils de surveillance de SA, est également rendu applicable aux conseils de surveillance des SCA (articles L. 226-4, alinéa 2 et L. 226-4-1 du Code de commerce).

6. Non application du principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes aux organes collégiaux d’administration ou de surveillance des SAS

En l’absence de dispositif exprès de la loi du 27 janvier 2011 rendant applicable le principe de représentation équilibrée aux SAS et compte tenu de l’absence de renvoi de l’article L. 227-1 du Code de commerce aux articles L. 225-17, L.225-18-1, L. 225-68 et L 225-69-1 du Code de commerce, les organes collégiaux d’administration et de surveillance des SAS, même s’ils sont dénommés « conseils d’administration » ou « conseils de surveillance », ne sont donc pas soumis aux nouveaux principes de « représentation équilibrée ».

7. Application dans le temps du principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance des SA et SCA

Dispositif applicable immédiatement

Le législateur a décidé que si l’un des deux sexes n’était pas représenté au sein d’un conseil d’administration ou de surveillance d’une société entrant dans le champ d’application de la loi du 27 janvier 2011 à la date de publication de loi (soit le 28 janvier 2011), au moins un représentant de ce sexe devait être nommé lors de la plus prochaine assemblée générale ordinaire ayant à statuer sur la nomination d’administrateurs ou de membres du conseil de surveillance.

Toute nomination ou toute désignation intervenue en violation de cette règle et n’ayant pas pour effet de remédier à l’irrégularité de la composition du conseil d’administration ou de surveillance est nulle. Cette nullité n’entraîne pas celle des délibérations auxquelles a pris part l’administrateur ou le membre du conseil irrégulièrement nommé.

Dispositif transitoire applicable au 1er janvier 2014

A titre transitoire et incitatif, il a été prévu pour les sociétés cotées que la proportion des administrateurs ou des membres du conseil de surveillance de chaque sexe ne pouvait être inférieure à 20 % à l’issue de la première assemblée générale ordinaire qui suivait le 1er janvier 2014 (article 5-II de la loi du 27 janvier 2011).

Le représentant permanent d’une personne morale nommée administrateur ou membre du conseil de surveillance est pris en compte pour apprécier la conformité de la composition du conseil d’administration ou de surveillance au seuil de 20%.

Toute nomination ou toute désignation intervenue en violation de cette règle et n’ayant pas pour effet de remédier à l’irrégularité de la composition du conseil d’administration ou de surveillance est nulle. Cette nullité n’entraîne pas celle des délibérations auxquelles a pris part l’administrateur ou le membre du conseil irrégulièrement nommé.

Entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2017

Conformément à l’article 5-I, alinéa 1er de la loi du 27 janvier 2011, les sociétés cotées devront être en conformité avec le principe de représentation équilibrée dès le 1er janvier 2017.

Aux termes du même article de la loi, les sociétés remplissant les trois exercices précédents les conditions de seuil de 500 salariés et 50 millions de chiffres d’affaires ou de total de bilan auront jusqu’à l’assemblée générale ordinaire statuant sur les comptes 2016 pour être en conformité avec la nouvelle loi.

S’agissant de ces dernières sociétés, il a également été précisé par le législateur que le troisième exercice consécutif visé ci-dessus s’entend à compter du 1er janvier 2017 (article 5-I, alinéa 2 de la loi du 27 janvier 2011).

On peut enfin déplorer un manque d’ambition caractéristique dans le choix de ce délai de six longues années laissées aux grandes sociétés pour leur permettre d’atteindre le seuil de 40 % d’administrateurs de chaque sexe, comme si cela relevait d’un exploit en termes d’objectifs.

8. Entreprises relevant de la n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public (loi « DSP »)

L’article 6 de la loi du 27 janvier 2011 adapte aux entreprises et établissements publics relevant de la loi DSP le principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance.

Une fois encore, le seuil de 40% est choisi pour servir de curseur au minimum requis en termes de parité entre femmes et hommes au sein des conseils.

Ce dispositif est rendu applicable aux conseils d’administration ou de surveillance des entreprises et établissements publics soumis à la loi DSP, à compter de leur deuxième renouvellement suivant la publication de la loi du 27 janvier 2011.

De même, lorsque l’un des deux sexes n’est pas représenté au sein du conseil d’administration ou de surveillance à la date du 28 janvier 2011, au moins un représentant de ce sexe doit être nommé lors de la plus prochaine vacance.

Enfin, un pallier de 20% est également imposé, à compter du premier renouvellement des conseils d’administration et de surveillance concernés suivant la publication de la loi du 27 janvier 2011.

Toute nomination intervenue en violation de ces règles et n’ayant pas pour effet de remédier à l’irrégularité de la composition du conseil est nulle, étant précisé que cette nullité n’entraîne pas celle des délibérations auxquelles a pris part l’administrateur ou le membre du conseil irrégulièrement nommé.

9. Obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration des établissements publics industriels et commerciaux et des établissements publics administratifs de l’État

Il est prévu qu’avant le 31 décembre 2015, le Gouvernement devra déposer sur le bureau des assemblées parlementaires un rapport dressant le bilan de la place des femmes dans les conseils d’administration ou organes équivalents des établissements publics administratifs de l’Etat et des établissements publics industriels et commerciaux de l’Etat non visés par la loi DSP. Ce rapport présente les efforts accomplis ou envisagés par l’Etat pour se rapprocher dans ces organes d’une proportion de chaque sexe au moins égale à 40 %.

10. Délibération annuelle du conseil d’administration ou du conseil de surveillance sur la politique de la société en matière d’égalité professionnelle dans l’entreprise

En application des nouveaux articles L. 225-37-1 et L. 225-82-1 du Code de commerce, une nouvelle obligation est mise à la charge des conseils d’administration et de surveillance des SA qui devront désormais délibérer annuellement sur la politique de la société en matière d’égalité professionnelle et salariale.

Cette délibération peut s’appuyer, s’il y a lieu, sur le rapport annuel sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes, obligatoire dans les entreprises d’au moins 300 salariés (article L. 2323-57 du Code du travail), et sur le plan pour l’égalité professionnelle (article L. 1143-1 du Code du travail).


Stéphane Michel

Avocat au Barreau de Paris

stephane.michel chez michel-avocats.com

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

61 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27877 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs