Elle a pour mission « le réexamen d’une décision civile définitive rendue en matière d’état des personnes (qui) peut être demandé au bénéfice de toute personne ayant été partie à l’instance et disposant d’un intérêt à le solliciter, lorsqu’il résulte d’un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme que cette décision a été prononcée en violation de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou de ses protocoles additionnels, dès lors que, par sa nature et sa gravité, la violation constatée entraîne, pour cette personne, des conséquences dommageables auxquelles la satisfaction équitable accordée en application de l’article 41 de la même Convention ne pourrait mettre un terme ».
Cette création vise à donner une effectivité aux décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, pour la seule matière de l’état des personnes. Elle peut s’analyser comme le pendant, en matière civile, de la Cour de révision et de réexamen instaurée en matière pénale (COJ, art. L. 451-1 s.).
Composée de treize magistrats de la Cour de cassation, dont le doyen des présidents de chambre (COJ, art. L. 452-3), la Cour peut procéder au réexamen d’un pourvoi en cassation dans un délai d’un an à compter de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (COJ, art. L. 452-1) sur saisine de la partie intéressée ou après sa mort, par son conjoint, le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité, son concubin, ses enfants, ses parents, ses petits-enfants ou arrière-petits-enfants ou ses légataires universels ou à titre universel (COJ, art. L. 452-2).
La Cour de réexamen peut soit rejeter une demande qu’elle estime mal fondée (COJ, art. L. 452-6) soit annuler la décision, sauf lorsqu’il est fait droit à une demande en réexamen du pourvoi du requérant.
Si elle annule la décision, la Cour renvoie le requérant devant une juridiction de même ordre et de même degré, autre que celle qui a rendu la décision annulée.
Toutefois, si le réexamen du pourvoi est de nature à remédier à la violation constatée par la Cour européenne des droits de l’homme, elle renvoie le requérant devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation (COJ, art. L. 452-6).
Ainsi qu’il avait été prédit par la doctrine, le contentieux de la gestation pour autrui n’a pas manqué de concerner cette procédure.
Et c’est précisément dans cette matière qu’ont été rendues le 16 février 2018 les deux premières décisions de la Cour de réexamen.
Précisons que la recevabilité des requêtes était justifiée par leur dépôt dans le délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 18 nov. 2016.
Concernant le contentieux il portait sur l’article 16-7 du code civil qui dispose que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle », et plus précisément sur l’évolution rapide de la jurisprudence.
En effet, la Cour de cassation avait tout d’abord refusé la transcription en France d’actes de naissance d’enfants nés à l’étranger d’une mère porteuse (par ex., Civ. 1re, 17 déc. 2008, n° 07-20.468 ; Civ. 1re, 17 nov. 2010, n° 09-68.399 ; 6 avr. 2011, n° 09-17.130 ; 19 mars 2014, n° 13-50.005) et avait été condamnée par la Cour européenne selon laquelle ce refus constituait une violation du droit des enfants, ainsi privés de l’établissement d’une filiation, au respect de leur vie privée (CEDH 26 juin 2014, n° 65192/11, Mennesson c/ France).
La Cour de cassation avait dès lors considéré que l’existence d’une convention de gestation pour autrui ne fait pas obstacle à la transcription à l’état civil d’actes de naissance qui ne sont ni irréguliers ni falsifiés et déclarent des faits conformes à la réalité (Cass., ass. plén., 3 juill. 2015, n° 15-50.002 et n° 14-21.323), puis admis la transcription de la mention d’un acte attribuant la paternité au père biologique (Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 16-16.901, n° 16-50.025 et n° 15-28.597 ; 29 nov. 2017, n° 16-50.061) et la possibilité de l’adoption, par le conjoint du père, de l’enfant né à la suite d’une gestation pour autrui, si les conditions légales, notamment le consentement de la mère, en sont réunies (Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 16-16.455).
Dans la première espèce, un enfant était né aux États-Unis après conclusion d’une convention de mère porteuse. L’acte d’état civil américain mentionnait comme parents le père ayant fourni les gamètes, et la mère d’intention. La transcription en France de cet acte avait été refusée (Civ. 1re, 6 avr. 2011, n° 10-19.053). Le 26 juin 2014, la Cour européenne des droits de l’homme avait alors condamné la France pour violation du droit de l’enfant au respect de sa vie privée, au sens de l’article 8 de la Convention européenne, et de son droit à voir établir sa filiation particulièrement à l’égard du père biologique. La Cour de réexamen a donc fait droit à la demande de réexamen du pourvoi et renvoyé l’affaire devant l’Assemblée plénière de la Cour de cassation.
Dans la seconde espèce, les faits étaient semblables mais concernaient des jumeaux nés en Inde. La transcription de l’acte d’état civil indien avait été refusée au motif que les naissances étaient l’aboutissement, en fraude à la loi française, d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui (Civ. 1re, 13 sept. 2013, n° 12-30.138). A nouveau, la Cour européenne des droits de l’homme avait retenu l’existence d’une violation du droit des enfants au respect de leur vie privée (CEDH 21 juill. 2016, n° 9063/14 et n° 10410/14) et la Cour de réexamen a fait droit à la demande des requérants et conclu au renvoi devant la Cour de cassation pour réexamen..
Ces deux premières applications de la nouvelle procédure de réexamen des décisions civiles retiennent donc l’attention, d’autant plus qu’elles concernent un domaine dans lequel il y a fort à parier que la France soit à nouveau condamnée par la Cour européenne. Affaire à suivre...
Cour de réexamen, 16 févr. 2018, n° 001
Cour de réexamen, 16 févr. 2018, n° 002