L'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. Par Benoit Henry, Avocat.

L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

Par Benoit Henry, Avocat.

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Explorer : # péremption d'instance # diligences interruptives # inertie procédurale # extinction de l'instance

Ce que vous allez lire ici :

L'allongement des procédures judiciaires entraîne des péremptions d'instance, pénalisant les parties. Un arrêt de la Cour de cassation rappelle que les parties ne peuvent être tenues responsables des retards liés aux changements de juridiction. Les diligences interruptives, essentielles pour éviter la péremption, doivent réellement faire avancer l'affaire.
Description rédigée par l'IA du Village

La deuxième chambre Civile de la Cour de cassation vient de rendre un arrêt éclairant sur la péremption d’instance.
L’arrêt du 21 novembre 2024 Pourvoi n°22-16.808 n’innove en rien au fond en indiquant qu’en l’absence de diligences particulières à accomplir par les parties, la Cour ne peut opposer la péremption d’instance.
Seulement, c’est la première fois que cette affirmation est faite de manière aussi directe par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation sur « les temps morts de procédure » dans le traitement des dossiers qui ne sont objectivement imputés ni aux parties lesquelles n’étaient plus tenues d’accomplir aucune diligence particulière, la direction de la procédure leur échappant, ni à la juridiction saisie laquelle avait été supprimée et l’instance transférée en l’état au tribunal d’instance dans le ressort duquel est situé le siège du tribunal supprimé.
Si comme le disait Talleyrand, ce qui va sans dire va mieux en le disant, on ne peut que se féliciter de cette clarification !

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L’allongement de la durée des procédures et l’encombrement des cours d’appel conduisent ces dernières, alors que les parties sont en état de plaider depuis de longs mois, à prononcer des péremptions d’instance exclusivement liées au retard de traitement des dossiers.

Dans cette perspective, les juridictions, les avocats, les parties sont actuellement en souffrance.

Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 21 novembre 2024, apporte une nouvelle illustration du danger que représente pour les parties au procès la péremption d’instance et donne des précisions sur la péremption d’instance.

I- La péremption de l’instance.

L’article 386 dispose :

« L’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ».

La péremption d’instance est un mode d’extinction de l’instance venant sanctionner l’inertie procédurale des parties pendant un délai de deux ans.

L’instance est périmée lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir des diligences pendant un délai de deux ans, une diligence étant entendue, au sens large, comme une action manifestant la volonté des parties de poursuivre l’instance.

Aucun défaut de diligence ne peut être reproché aux parties lorsque la direction du procès leur échappe et qu’elles n’ont plus aucun acte à accomplir.

La péremption ne peut concerner qu’une affaire en cours, c’est-à-dire enrôlée devant une juridiction de l’ordre judiciaire.

L’inaction des parties doit avoir duré deux ans à compter des dernières diligences accomplies.

En cas d’interruption de l’instance, le délai de péremption est lui-même interrompu et recommence à courir à compter de la reprise de l’instance [1].

En cas de suspension, le délai continue toutefois à courir [2], ce qui laisse aux parties la possibilité d’accomplir des diligences interruptives. Il en est autrement lorsque la suspension…

II- La notion de diligences interruptives.

Le Code de procédure civile ne définit pas la notion de diligences interruptives, ni ne donne de liste d’actes considérés comme interruptifs de la péremption.

Une définition duale s’est dégagée de la jurisprudence et de la doctrine, oscillant entre une conception objective et une conception subjective : les diligences interruptives peuvent se définir comme des démarches processuelles de nature à faire progresser l’affaire ou encore comme celles établissant la volonté du plaideur de poursuivre la procédure.

La diligence interruptive s’entend de celle effectuée dans l’instance concernée par l’incident de péremption.

Si, en principe, l’interruption de la péremption ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement en cas de lien de dépendance direct et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans une instance interrompant la péremption de l’autre [3].

Viole les articles 383, alinéa 2, et 386 du Code de procédure civile dont il résulte qu’en cas de retrait du rôle, le dépôt au greffe des conclusions sollicitant la réinscription interrompt le délai de péremption, l’arrêt qui, pour constater la péremption de l’instance, relève que la diligence au sens de l’article 386 du Code de procédure civile, susceptible d’interrompre le délai de péremption, est celle qui ne se contente pas de manifester la volonté d’une partie de poursuivre l’instance mais celle qui est de nature à faire progresser l’affaire, les actes neutres quant à l’avancement de la procédure n’interrompant pas la péremption et les conclusions aux fins de rétablissement au rôle n’étant pas de nature à faire progresser l’affaire [4]

Il est également acquis maintenant qu’une lettre de nature à faire progresser l’affaire comme celle adressée à la juridiction saisie et demandant la fixation de l’affaire à plaider constitue une diligence interruptive.

La lettre de demande de fixation avait bien eu un effet sur la péremption puisqu’elle l’avait interrompue. Mais un nouveau délai avait donc démarré à compter de cette lettre que les parties devaient s’attacher à interrompre à nouveau.

Cette solution est logique au regard du mécanisme même de la péremption d’instance et de son interruption, tel que prévu par les textes.

Elle révèle néanmoins toute la difficulté qu’ont les plaideurs dans la conduite du procès, alors que c’est in fine la juridiction qui a la maîtrise de l’audiencement de l’affaire et ainsi de son traitement définitif.

L’arrêt du 7 mars 2024 a donc opéré un revirement de jurisprudence.
Lorsque le conseiller de la mise en état n’a pas été en mesure de fixer avant l’expiration du délai de péremption de l’instance, la date de la clôture ainsi que celles des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption. Il résulte de la combinaison des textes 910-4, 905-2 et 908 à 910 et 386 du Code de Procédure Civile qu’une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d’accomplir une diligence particulière [5].

Lorsque « les temps morts de procédure » dans le traitement des dossiers ne sont objectivement imputés ni aux parties qui n’étaient plus tenues d’accomplir aucune diligence particulière, la direction de la procédure leur échappant, ni au Tribunal qui avait été supprimé et l’instance transférée en l’état au tribunal d’instance dans le ressort duquel est situé le siège du tribunal supprimé, la cour peut-elle prononcer la péremption de l’instance ?

La Cour d’appel de Paris, Pôle 4 Chambre 9 a répondu positivement.

Afin que les choses soient claires, la Cour de cassation rappelle à la Cour d’appel de Paris, Pôle 4 Chambre 9 qu’elle a ajouté au texte de l’article 386 du Code de Procédure Civile, une condition qu’il ne prévoit pas alors que la procédure en cours devant être transférée au Tribunal d’instance de Paris dont la création entrait en vigueur le 14 mai 2018, en application de l’article 5 du décret n° 2017-1643 du 30 novembre 2017, les parties n’étaient tenues d’accomplir aucune diligence particulière, la direction de la procédure leur échappant, la cour d’appel a violé les textes susvisés. Aucune sanction ne s’attache à l’article 386 du Code de Procédure Civile lorsque qu’aucun défaut de diligence ne peut être reproché aux parties lorsque la direction du procès leur échappe et qu’elles n’ont plus aucun acte à accomplir.

Ainsi, la cour d’appel ne peut prononcer la péremption de l’instance et doit statuer sur les prétentions ainsi que les moyens soutenus en appel à l’appui des prétentions, au dispositif des conclusions.

1° Les faits et la procédure.

Selon l’arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2022), le 17 septembre 2015, M. et Mme [Z] ont assigné devant le Tribunal d’instance de Paris la société Banque Solfea aux fins d’obtenir l’annulation du contrat de crédit affecté qu’ils ont souscrit pour financer l’achat d’une éolienne domestique.

Le 31 mai 2017, ils ont assigné en intervention forcée la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Banque Solfea.

Par un jugement du 19 novembre 2019, dont M. et Mme [Z] ont relevé appel, le tribunal d’instance a constaté la péremption de l’instance.

Par un arrêt rendu le 24 mars 2022 par la Cour d’appel de Paris [6], dans le litige les opposant à la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la Banque Solfea, à M. et Mme Z, la cour a constaté la péremption de l’instance.

M. et Mme Z ont formé le pourvoi n° Z 22-16.808 contre l’arrêt rendu le 24 mars 2022 par la Cour d’appel de Paris (pôle 4 - chambre 9 - A).

2° L’examen du moyen.

M. et Mme Z font grief à l’arrêt de confirmer le jugement en ce qu’il a constaté la péremption de l’instance, alors

« que la péremption d’instance ne peut être opposée lorsque la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer ; qu’en retenant l’extinction de l’instance par l’effet de la péremption quand celle-ci ne pouvait être opposée aux parties pour la période comprise entre le 15 juin 2017 et le 4 mai 2018, la direction de la procédure ayant échappé aux parties en raison de la suppression du Tribunal d’instance de Paris 2ᵉ et dans l’attente de l’audiencement au sein du nouveau Tribunal d’instance de Paris, la cour d’appel a derechef violé l’article 386 du Code de procédure civile ».

3° La réponse de la Cour de cassation.

Vu l’article 386 du Code de procédure civile et l’article R221-2 du Code de l’organisation judiciaire, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-1234 du 20 octobre 2010 :

  • Selon le premier de ces textes, l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
  • Selon le second, lorsqu’un tribunal d’instance est créé ou lorsque le ressort d’un tribunal d’instance est modifié par suite d’une nouvelle délimitation des circonscriptions administratives ou judiciaires, le tribunal primitivement saisi demeure compétent pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date de création du tribunal ou de modification du ressort.

Lorsqu’un tribunal d’instance est supprimé, toutes les procédures en cours devant cette juridiction à la date d’entrée en vigueur du décret de suppression sont transférées en l’état au tribunal d’instance dans le ressort duquel est situé le siège du tribunal supprimé sans qu’il y ait lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus antérieurement à cette date, à l’exception des convocations, citations et assignations données aux parties et aux témoins qui n’auraient pas été suivies d’une comparution devant la juridiction supprimée.

Pour confirmer le jugement ayant constaté la péremption de l’instance, l’arrêt relève que l’assignation en intervention forcée du 31 mai 2017 constitue une diligence interruptive et que les parties n’ont accompli depuis cette date aucune diligence de nature à interrompre le délai de péremption qui a expiré le 31 mai 2019.

L’arrêt retient que M. et Mme Z se prévalent en vain des effets de la suppression des tribunaux d’instance des arrondissements parisiens et la création du Tribunal d’instance de Paris, la suppression du Tribunal d’instance de Paris 2ᵉ n’ayant pas eu d’effet sur le cours du délai de péremption.

En statuant ainsi, alors que la procédure en cours devant être transférée au Tribunal d’instance de Paris dont la création entrait en vigueur le 14 mai 2018, en application de l’article 5 du décret n° 2017-1643 du 30 novembre 2017, les parties n’étaient tenues d’accomplir aucune diligence particulière, la direction de la procédure leur échappant, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la cour :

Casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 mars 2022, entre les parties, par la Cour d’appel de Paris.

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la Cour d’appel de Paris autrement composée.

Elle rappelle donc, sous le visa de cet l’article 386 précité, que l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. Selon l’article R221-2 du Code de l’organisation judiciaire, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-1234 du 20 octobre 2010, lorsqu’un tribunal d’instance est créé ou lorsque le ressort d’un tribunal d’instance est modifié par suite d’une nouvelle délimitation des circonscriptions administratives ou judiciaires, le tribunal primitivement saisi demeure compétent pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date de création du tribunal ou de modification du ressort. Lorsqu’un tribunal d’instance est supprimé, toutes les procédures en cours devant cette juridiction à la date d’entrée en vigueur du décret de suppression sont transférées en l’état au tribunal d’instance dans le ressort duquel est situé le siège du tribunal supprimé sans qu’il y ait lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus antérieurement à cette date, à l’exception des convocations, citations et assignations données aux parties et aux témoins qui n’auraient pas été suivies d’une comparution devant la juridiction supprimée.

En conséquence, viole ces textes, la cour d’appel qui, pour confirmer le jugement ayant constaté la péremption de l’instance, retient que les appelants se prévalent en vain des effets de la suppression des tribunaux d’instance des arrondissements parisiens et de la création du Tribunal d’instance de Paris, la suppression du Tribunal d’instance de Paris 2ᵉ n’ayant pas eu d’effet sur le cours du délai de péremption, alors que la procédure en cours devant être transférée au Tribunal d’instance de Paris dont la création entrait en vigueur le 14 mai 2018, en application de l’article 5 du décret n° 2017-1643 du 30 novembre 2017, les parties n’étaient tenues d’accomplir aucune diligence particulière, la direction de la procédure leur échappant.

Tel est le principe.

Sources :

Article 386 du Code de Procédure Civile
Article R221-2 du Code de l’organisation judiciaire, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-1234 du 20 octobre 2010
Arrêt de la Cour de cassation Civ. 2ᵉ du 21 novembre 2024- Arrêt n°1077 F-B- Pourvoi Z n°22-16.808
Arrêt de la Cour de cassation Civ. 2ᵉ du 7 mars 2024 - Pourvoi Z n°21-23.230
Arrêt de la Cour de cassation Civ. 2ᵉ du 21 décembre 2023- Arrêt n°1262 F-B- Pourvoi W n°21-23.816
Arrêt de la Cour de cassation Civ. 2ᵉ du 23 novembre 2023- Arrêt n°1180 FS-B- Pourvoi G n°21-21.872
Article sur le Village de la Justice : La péremption ne peut être opposée aux parties qui ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant

Benoit Henry, bhenry chez recamier-avocats.com
Avocat Spécialiste de la Procédure d’Appel
Barreau de Paris
http://www.reseau-recamier.fr/
bhenry chez recamier-avocats.com
Président du Réseau Récamier
Membre de Gemme-Médiation
https://www.facebook.com/ReseauRecamier/

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Notes de l'article:

[1Article 392 alinéa 1 du Code de procédure civile.

[2Article 392 alinéa 2.

[3Arrêt n° 1180 FS-B Pourvoi n° G 21-21.872, Arrêt de la Cour de cassation, deuxième chambre civile, du 23 novembre 2023.

[4Arrêt n° 1262 F-B Pourvoi n° W 21-23.816 ; Arrêt de la Cour de cassation, deuxième chambre civile, du 21 décembre 2023.

[5Pourvoi n° Z 21-23.230 ; Arrêt de la Cour de cassation, deuxième chambre civile, du 7 mars 2024.

[6Pôle 4 - chambre 9 - A.

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