Insuffisance de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle : quand la Cour d’appel prend le contrepied parfait de la jurisprudence.

Par Abdelaziz Mimoun, Avocat.

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La rupture conventionnelle est nulle, faute pour l’employeur d’avoir totalement désintéressé son salarié.

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L’indemnité ne peut aux termes de l’article L 1237-13 du Code du travail être inférieure au montant de l’indemnité légale de licenciement prévue à l’article L. 1234-9 du code du travail.

Lorsqu’il s’agit de contester en justice la validité d’une rupture conventionnelle, les moyens de contestation principalement mis en avant par les conseils des salariés consistent d’une part à opposer un vice du consentement et, d’autre part, à invoquer une fraude de l’employeur.

Autant dire que les statistiques sont extrêmement défavorables aux salariés désireux de remettre en cause la régularité de la rupture conventionnelle, le vice du consentement et/ou la fraude de l’employeur étant extrêmement difficiles à démontrer.

Un autre argument consiste à soutenir que la rupture conventionnelle est nulle faute pour l’employeur d’avoir entièrement désintéressé le salarié quant au montant de l’indemnité de rupture en ne lui versant pas le montant minimum prévu par la loi.

Ce moyen n’a pas reçu l’assentiment de la Cour de cassation, laquelle vient préciser qu’en pareil cas, la seul possibilité ouverte au salarié est de solliciter la condamnation de l’employeur à lui verser le reliquat (Cass. soc. 10 décembre 2014 n°13-22134).

La Haute Juridiction a encore confirmé sa position par un nouvel arrêt en date du 8 juillet 2015 (n°14-10139), allant même plus loin en ce qu’elle a affirmé qu’une erreur commise sur la date de rupture, antérieure à la date d’homologation par la Direccte n’avait aucune incidence.

De son côté, par un Arrêt du 09 mai 2018 n °15-04690, la 15ème chambre sociale de la Cour d’appel de Versailles a pris l’exact contrepied de la position de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

En effet, les juges d’appel ont retenu l’argument du salarié, demandeur à la nullité de la rupture conventionnelle au motif que le montant de l’indemnité spécifique était sous évalué au regard de ce qui lui était légalement dû.

En l’espèce, lui avait été versée une indemnité d’un montant de 9.032,56 € en lieu et place de la somme de 11.804,87 €, soit un écart d’un peu plus de 2.700,00 €.

Les juges d’appel ont donc été sensibles à cet argument, l’écart étant tout de même significatif.

L’autre singularité à noter dans cette décision tient au fait que l’écart se justifie non pas d’une erreur à proprement parler mais d’une réévaluation du salaire moyen à la suite de demandes à caractère salarial.

Dans ladite affaire, le salarié avait réclamé et obtenu la condamnation de son ancien employeur à lui verser des rappels de salaire, ce qui mécaniquement venait affecter l’assiette de calcul de l’indemnité rupture dans la mesure où c’est le salaire brut moyen des 3 ou 12 derniers mois selon le montant qui est le plus favorable, qui sert de base de calcul à l’indemnité de rupture.

Par cet arrêt, la Cour d’appel de Versailles prend une position courageuse à contre-courant de la jurisprudence dominante.

Sa position peut même être considérée comme novatrice puisque le manquement reproché à l’employeur et validé judiciairement n’est pas contemporain à la date de conclusion de la rupture conventionnelle mais fait suite à la condamnation de l’employeur à verser des rappels de salaire au profit du salarié.

En définitive, pour les avocats conseils de salariés, cet arrêt apporte deux enseignements majeurs. Le premier nous rappelle qu’il faut toujours savoir oser en mettant en avant tout argument susceptible de donner raison au salarié. Le second vient confirmer l’importance de la jurisprudence en matière sociale mais également et surtout sa précarité.

Abdelaziz MIMOUN, Avocat au Barreau de Versailles
mimoun-avocat.fr
mimounavocat chez gmail.com
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