Pour sa pleine efficacité, nombre d’accords doivent être rigoureusement fixés dans l’effet d’assurer à la rupture conventionnelle son plein effet, assorti d’une sécurité juridique renforcée des droits du salarié.
Décision commune des parties, salarié et employeur, la rupture conventionnelle du contrat de travail résulte du consentement exempt de tout vice, acté par une convention homologuée par l’autorité administrative [1].
Une issue négociée du contrat de travail.
L’article L1237-11 du Code du travail la définit en ces termes :
« L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties ».
De telle sorte que, différente d’une rupture unilatérale (démission, prise d’acte de la rupture ou licenciement), ni le salarié encore moins l’employeur ne sont fondés à l’imposer [2].
En ce sens, est invalide la rupture conventionnelle pour la mobilité intergroupe :
« Les dispositions de l’article L1237-11 du Code du travail relatives à la rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d’organiser, non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail » [3].
Néanmoins, elle peut constituer une issue à la relation de travail en cas d’inaptitude du salarié : « Sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une convention de rupture peut être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail » [4]
Ici, cruciale et déterminante est l’étape de l’entretien.
L’entretien.
En application des dispositions de l’article L1237-12 du Code du travail, « les parties conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister » :
« Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;
Soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative » [5].
Ainsi, lors du ou des entretiens, l’employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même usage. Le salarié en informe l’employeur auparavant ; si l’employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié [6]
Par ailleurs, aucun vice de consentement ne peut être invoqué s’il est constaté que l’entretien a eu lieu le même jour que la signature de la convention, mais avant cette signature :
« L’article L1237-12 du Code du travail n’instaure pas de délai entre, d’une part l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat, d’autre part la signature de la convention de rupture prévue à l’article L1237-11 du Code du travail.
La cour d’appel, qui a constaté que l’entretien avait eu lieu avant la signature de la convention de rupture et écarté tout vice du consentement, a légalement justifié sa décision » [7].
Du reste, le défaut d’information du salarié, en l’absence de représentants du personnel dans l’entreprise, de la faculté de se faire assister par un conseiller du salarié lors de l’entretien préalable à la rupture n’affecte pas la validité de cette dernière, sauf à ce que ce défaut d’information ait vicié son consentement [8].
S’agissant de l’assistance de l’employeur, la jurisprudence exige de rapporter la preuve d’un déséquilibre entre les parties :
- « l’assistance de l’employeur lors de l’entretien préalable à la signature de la convention de rupture ne peut entraîner la nullité de la rupture conventionnelle
- que si elle a engendré une contrainte ou une pression pour le salarié qui se présente seul à l’entretien » [9].
Au terme des accords convenus à l’entretien, les parties formalisent la convention de rupture [10].
La convention de rupture : consentement et délais.
Substantiellement, en vertu de l’article L1237-13 du Code de travail, la convention de rupture définit les conditions de résiliation commune du contrat [11], notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut être inférieur à celui de l’indemnité du licenciement [12].
En outre, la convention fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation [13].
À cet égard, la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L1237-14 du Code du travail, et « pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause ; ayant constaté que tel n’était pas le cas en l’espèce, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la convention de rupture était atteinte de nullité » [14].
En cela, la Cour de cassation a renforcé l’exigence d’un consentement libre [15]. En vertu de l’article L1237-11 du Code du travail, la Haute assemblée considère que :
« la salariée était au moment de la signature de l’acte de rupture conventionnelle, dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral dont elle a constaté l’existence, résultant notamment de propos déplacés réguliers, voire quotidiens, de nature discriminatoire et des troubles psychologiques qui en sont résultés, la convention de rupture est nulle » [16].
De même, aux termes de l’article 1162 du Code civil et l’article L1237-11 du Code du travail, dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation. La rupture conventionnelle du contrat de travail, exclusive de la démission ou du licenciement, intervient d’un commun accord entre l’employeur et le salarié.
Il s’ensuit que :
« la rupture n’est imputable à aucune des parties. La clause ne prévoyait pas de paiement d’une somme en cas de rupture conventionnelle, …cette rupture intervenant d’un commun accord entre les parties et ne pouvant ainsi s’analyser ni en une rupture à l’initiative du salarié, ni en une rupture non imputable à l’employeur » [17].
Dans le même ordre d’idées, « l’existence, au moment de la conclusion de la convention de rupture, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture ».
En l’espèce, le salarié n’avait pas usé de son droit de rétractation et n’établissait pas que la rupture conventionnelle avait été imposée par l’employeur.
D’où il se déduit que le salarié ne rapportait pas la preuve d’un vice du consentement [18].
Sur un autre registre, à travers sa jurisprudence du 13 avril 2023, le Conseil d’État a précisé les contours de ce contrôle administratif :
« Il appartient à l’inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre du Travail, saisi d’une demande d’autorisation d’une rupture conventionnelle conclue par un salarié protégé et son employeur,
- de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, au vu de l’ensemble des pièces du dossier, que la rupture n’est pas au nombre de celles mentionnées à l’article L1237-16 du Code du travail,
- qu’elle n’a été imposée à aucune des parties et que la procédure et les garanties prévues par le Code du travail en cas de rupture conventionnelle ont été respectées » [19].
Pour ce qui concerne le vice du consentement, au même titre que le salarié, l’employeur peut s’en prévaloir. En ce sens, conformément à l’article 1137 du Code civil, « constitue un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ».
En cela, l’arrêt du 19 juin 2024 est édifiant :
« La Cour d’appel a relevé que l’employeur s’est déterminé au regard du seul souhait de reconversion professionnelle dans le management invoqué par le salarié.
Par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de la portée des éléments de preuve produits, la cour d’appel a constaté que le salarié avait volontairement dissimulé des éléments dont il connaissait le caractère déterminant pour l’employeur afin d’obtenir le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle.
Elle a ainsi estimé, sans faire peser sur le salarié une obligation d’information contractuelle, ni porter atteinte à sa liberté d’entreprendre, que le consentement de l’employeur avait été vicié » [20].
Notons que, au surplus, une erreur commise dans la convention de rupture sur la date d’expiration du délai de quinze jours prévu par l’article L1237-13 ne peut entraîner la nullité de cette convention que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l’une ou l’autre des parties ou de la priver de la possibilité d’exercer son droit à rétractation [21].
Conformément aux principes contractuels, un délai de rétractation doit être observé.
Délai de rétractation
À compter de la date de la signature des parties, telle que prévue par les dispositions de l’article L1237-13 du Code du travail, chaque partie dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie [22].
Sur ce point, est nulle la convention de rupture qui ne mentionne pas la date de sa signature, en ce qu’elle ne permet pas de déterminer le point de départ du délai de rétractation [23].
Rupture conventionnelle et transaction.
Eu égard au principe du consensualisme, une transaction conclue après une rupture conventionnelle est valable lorsqu’elle intervient postérieurement à l’homologation et qu’elle ne règle pas un différend lié à la rupture du contrat de travail :
« Un salarié et un employeur ayant signé une convention de rupture ne peuvent valablement conclure une transaction, d’une part, que si celle-ci intervient postérieurement à l’homologation de la rupture conventionnelle par l’autorité administrative ou, s’agissant d’un salarié bénéficiant d’une protection mentionnée aux articles L2411-1 et L2411-2 du Code du travail, postérieurement à la notification aux parties de l’autorisation, par l’inspecteur du travail, de la rupture conventionnelle, d’autre part, que si elle a pour objet de régler un différend relatif non pas à la rupture du contrat de travail mais à son exécution sur des éléments non compris dans la convention de rupture » [24].
À la différence du licenciement et de la démission, la validité de la rupture conventionnelle est soumise à l’appréciation de l’administration.
Homologation.
À l’issue du délai de rétractation, indifféremment salarié ou employeur adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture.
Ce faisant, l’administration dispose d’un délai d’instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties.
À défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise et l’autorité administrative est dessaisie [25].
Dit autrement, la validité, sur le fond et sur la forme, de la convention est subordonnée à son homologation.
La DREETS s’assure, en somme, du respect des conditions de forme et de procédure : entretien préalable, informations du salarié, délai de rétractation, mentions obligatoires date de la rupture, indemnité de rupture conventionnelle...
Sur un autre registre, l’autorité administrative vérifie que la rupture conventionnelle ne représente pas un contournement des garanties légales relativement à la protection de l’emploi, les salariés déclarés inaptes. [26].
En ce sens, au visa de l’article L1237-14 du Code du travail, la Haute assemblée a jugé que :
La Cour d’appel a constaté que : « l’autorité administrative avait déclaré irrecevable la demande d’homologation de la convention de rupture au regard du montant des salaires mentionné dans le formulaire de rupture, et relevé que l’employeur n’avait pas recommencé la procédure après cette décision, mais avait donné des explications à l’administration sans modifier les montants de salaires indiqués initialement, ces observations ne nécessitant pas une telle modification, en a exactement déduit que les formalités substantielles de la rupture avaient été respectées [27].
À cet égard, à l’issue de ce délai de rétractation, l’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de 15 jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect des conditions légales et la liberté de consentement des parties.
Dès lors, ni le salarié, ni l’employeur « ne peut valablement demander l’homologation de cette convention à l’autorité administrative, avant l’expiration du délai de rétractation de 15 jours » [28].
En l’espèce, « en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations qu’après le refus d’homologation, l’employeur avait modifié le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle et la date envisagée de la rupture et avait retourné le formulaire à l’autorité administrative pour homologation sans informer le salarié et sans lui faire bénéficier d’un nouveau délai de rétractation, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Apport récent de la jurisprudence, la demande d’homologation déclarée irrecevable par l’administration peut être régularisée. De sorte qu’il n’est pas nécessaire de recommencer la procédure (convocation à entretien, rédaction du formulaire Cerfa, délai de rétractation, etc.) et le calendrier initialement prévu peut donc être maintenu.
En clair :
« La cour d’appel, qui a constaté que l’autorité administrative avait déclaré irrecevable la demande d’homologation de la convention de rupture au regard du montant des salaires mentionné dans le formulaire de rupture et relevé que l’employeur n’avait pas recommencé la procédure après cette décision, mais avait donné des explications à l’administration sans modifier les montants de salaires indiqués initialement, ces observations ne nécessitant pas une telle modification, en a exactement déduit que les formalités substantielles de la rupture avaient été respectées » [29].
Ceci dit, quel effet si la convention de rupture est annulée ?
Effets de l’annulation de la rupture conventionnelle.
Au cas où la convention de rupture est annulée, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la nullité de la convention emporte obligation à restitution des sommes perçues en exécution de cette convention :
« Lorsque le contrat de travail est rompu en exécution d’une convention de rupture ensuite annulée, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu, d’autre part, que la nullité de la convention de rupture emporte obligation à restitution des sommes perçues en exécution de cette convention ;
Et attendu qu’ayant retenu que la rupture conventionnelle était nulle, la cour d’appel, qui a condamné la société au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont elle a évalué le montant, en a exactement déduit, sans méconnaître l’objet du litige ni être tenue de procéder à d’autre recherche, que la salariée devait restituer à l’employeur les sommes versées dans le cadre de cette convention » [30].
À l’instar de toute convention soumise au régime juridique des obligations, la rupture conventionnelle peut faire l’objet de recours.
Contestation
Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture [31].
De plus, précise l’article L1237-14 Code du travail, toute contestation concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation relève de la compétence du conseil des prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention.
Notons que l’homologation ne peut faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la convention.
Dès lors, il est loisible au salarié, et à l’employeur, de contester la validité de la convention de rupture, soulevant, notamment, un vice de consentement ou une irrégularité substantielle.
Tel est le cas du harcèlement survenu au moment de la signature de la convention. Ainsi, les manifestations de harcèlement (propos discriminatoires quasiment quotidiens) et ses répercussions sur la santé mentale du salarié révèle une situation de violence morale.
En conséquence, eu égard au fait que la salariée n’avait guère librement consenti à la rupture conventionnelle, celle-ci devait être annulée [32].
Par ailleurs, lorsque le contrat de travail a été rompu par l’exercice par l’une ou l’autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, « la signature postérieure d’une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue ».
« Les parties avaient conclu le 24 mars 2017 une convention de rupture qui n’avait pas été remise en cause, ce dont il résultait qu’en signant une rupture conventionnelle, les parties avaient d’un commun accord renoncé au licenciement verbal antérieur invoqué par le salarié et que le délai de prescription prévu à l’article L. 1237-14 du Code du travail était applicable aux demandes relatives à la rupture du contrat de travail » [33].
En conclusion, menée avec transparence et méthode, la rupture conventionnelle est de nature à préserver, équitablement et durablement, les intérêts des parties et prévenir tout litige y afférent.
De surcroît, son efficacité repose sur la volonté commune des parties tendant à parvenir à un accord mutuellement bénéfique, dans le cadre d’un processus guidé par la bonne foi et la loyauté, conforme aux exigences légales et jurisprudentielles. Une telle démarche a le mérite de préserver la qualité des relations interpersonnelles, dans un contexte de séparation ; levier de satisfaction à l’appui de la culture d’entreprise, de la marque employeur et de l’expérience collaborateur.