1) Mon employeur me propose une rupture conventionnelle : suis-je obligé d’accepter ?
La réponse est non.
Votre employeur ne peut en aucun cas vous forcer à signer une rupture conventionnelle.
Le consentement des parties doit être libre et éclairé ce qui exclut d’office les situations où le salarié subit des pressions ou des menaces pour signer la rupture conventionnelle.
Si votre employeur vous met la pression pour signer une rupture conventionnelle ou met en place une stratégie pour vous contraindre au départ (mise au placard, reproches injustifiés, surcharge de travail, etc), cela peut être considéré comme du harcèlement moral [1].
Lors de la négociation d’une rupture conventionnelle, le rapport de force employeur/ salarié est totalement déséquilibré.
En effet, l’employeur possède une DRH et/ou un service juridique alors que le salarié n’a souvent pas de conseil.
C’est pourquoi, il est fortement recommandé de vous faire assister par un avocat pour rééquilibrer le rapport de force.
2) Je suis en arrêt de travail : puis-je signer une rupture conventionnelle ?
La réponse est oui.
Une rupture conventionnelle peut être conclue pendant les périodes de suspension du contrat et notamment en cas :
- d’arrêt de travail pour maladie ;
- d’arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle ;
- de congé de maternité, congé de paternité, congé parental ou congé sabbatique.
Si vous êtes en arrêt de travail pour des raisons liées à vos conditions de travail, il faudra impérativement que cela soit pris en compte dans les négociations.
3) Comment se déroule la procédure ?
3.1) Demande de rupture conventionnelle.
La demande de rupture conventionnelle ne répond à aucun formalisme.
Elle peut être sollicitée par l’une ou l’autre des parties oralement (entrevue, contact téléphonique) ou par écrit (courrier, mail, etc.).
3.2) Entretien obligatoire.
Au moins un entretien doit être organisé entre vous et votre employeur pour discuter des conditions de cette rupture [2].
Vous avez la possibilité de vous faire assister lors de cet entretien :
- Soit par une personne de votre choix appartenant au personnel de l’entreprise (un salarié titulaire d’un mandat syndical, un représentant du personnel ou tout autre salarié) ;
- Soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.
3.3) Signature de la convention suivie d’un délai de rétractation de 15 jours.
Une fois la convention signée, votre employeur devra vous remettre un exemplaire original de la convention de rupture conventionnelle datée et signée.
Les parties bénéficient d’un droit de rétractation de 15 jours calendaires, à compter du lendemain de la date de signature de la convention.
Si vous souhaitez vous rétracter, vous devrez en informer votre employeur par lettre recommandé avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.
Il n’y a pas de motif de rétractation à donner.
3.4) Homologation de la convention.
En l’absence de rétractation dans le délai prévu, la convention de rupture doit être adressée à la DDETSPP (Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (ex-Direccte)) pour obtenir son homologation.
Cette demande se fait de manière dématérialisée sur TéléRC.
La DDETSPP dispose ensuite d’un délai de 15 jours ouvrables à partir du lendemain de la réception de la demande, pour vérifier la validité de la convention.
En l’absence de réponse dans ce délai, la convention est homologuée.
3.5) Cas particuliers : salariés protégés.
La procédure est différente pour les salariés protégés (délégués syndicaux, membre élu du comité social et économique, etc.) où la rupture conventionnelle est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail (et non à homologation).
4) Quel montant supra légal négocier sans se faire avoir ?
Le plus important à négocier est le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
4.1) A minima, vous devez percevoir une indemnité spécifique de rupture conventionnelle égale à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement [3].
Vous pouvez la calculer en utilisant le simulateur de calcul de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, gratuite et mise en ligne par le Ministère du travail [4].
4.2) Négociez un supra legal intégrant les sommes suivantes :
- L’indemnité compensatrice de préavis (de 1 à 3 mois suivant votre statut et ancienneté) et les congés payés afférents (10% du montant brut du préavis) ;
- Des heures supplémentaires ;
- Une indemnité pour licenciement sans cause de l’article L1235-3 du Code du travail ou barème Macron.
Par exemple, si vous êtes cadre avec 5 ans d’ancienneté (hors convention collective plus favorable), vous pourrez demander : 1,25 mois (indemnité légale de licenciement) + 3 mois (préavis) + 6 mois (plafond barème Macron), soit un total de plus de 10,5 mois de salaire au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle.
Si vous êtes cadre avec 10 ans d’ancienneté (hors convention collective plus favorable), vous pourrez demander : 2,5 mois (indemnité légale de licenciement) + 3 mois (préavis) + 10 mois (plafond barème Macron), soit un total de plus de 15,5 mois de salaire au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle.
En effet, la rupture conventionnelle étant souvent un licenciement déguisé, il faut négocier les indemnités que vous auriez pu obtenir en cas de condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, si vous avez été victime de harcèlement ou de discrimination ou que vous avez effectuer des heures supplémentaires, il faudra demander des indemnités correspondantes (cf. notre article "Combien négocier sa rupture conventionnelle après les ordonnances Macron ?")
Il faudra également porter attention aux points suivants :
- La date de la rupture (qui doit tenir compte du délai de rétractation de 15 jours) ;
- Certaines clauses contractuelles telles que la clause de non-concurrence ou la clause de dédit-formation. Si votre employeur n’y renonce pas expressément, vous resterez tenu de respecter ces clauses ;
- Ou encore de certains avantages dont vous avez bénéficié tels que le véhicule et logement de fonction ou encore le matériel informatique mis à votre disposition.
Le sort de ces éléments devra impérativement être réglé au sein de la convention de rupture conventionnelle.
5) Puis-je saisir le Conseil de prud’hommes après la signature de la rupture conventionnelle ?
Oui.
Il est possible de saisir le Conseil de prud’hommes pour obtenir le paiement des heures supplémentaires non réglées, un rappel de rémunération variable, une indemnité de non-concurrence, des dommages intérêts pour harcèlement moral, etc.
En effet, la rupture conventionnelle ne met pas fin à tout litige contrairement à une transaction.
En revanche, il sera très difficile de remettre en cause, devant le conseil de prud’hommes, la rupture conventionnelle et la faire requalifier en licenciement sans cause sauf au cas où la rupture conventionnelle a été conclue dans un contexte de harcèlement moral ou sexuel, ou d’un vice de consentement.
Attention : pour éviter tout risque de contentieux, les employeurs font signer aux salariés, en plus de la rupture conventionnelle, un protocole d’accord transactionnel qui met fin à tout litige.
Dans ce cas, la transaction vous prive d’agir devant le Conseil de prud’hommes.
Sources.
Service Public : Demande en ligne d’homologation d’une rupture conventionnelle (TéléRC) (Démarche en ligne) [5] et Rupture conventionnelle [6].