Rupture conventionnelle : l’employeur est-il à l’abri de tout litige ?

Par Xavier Berjot, Avocat.

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La rupture conventionnelle est celle qui intervient d’un commun accord entre l’employeur et le salarié (C. trav. art. L. 1237-11 et suivants). Pour autant, sa signature ne protège pas l’employeur de toute contestation ni de tout litige.

-

1 - La portée de la rupture conventionnelle.

Selon l’article L 1237-13, alinéa 1er, du Code du travail, « la rupture conventionnelle définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle… ».

Il appartient donc à l’employeur et au salarié de régler l’ensemble des conséquences de la rupture du contrat de travail et, notamment :
- la date de rupture du contrat de travail ;
- le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;
- la situation du salarié pendant la procédure (dispense d’activité, pose de congés payés...) ;
- la restitution du matériel confié au salarié ;
- la levée de la clause de non-concurrence, le cas échéant ;
- l’insertion d’une clause de confidentialité ou de non-dénigrement ;
- le remboursement de frais éventuels, etc.

Ce mode de rupture du contrat de travail, fondé sur la volonté commune de l’employeur et du salarié, peut laisser penser qu’il permet de pacifier totalement la rupture du contrat.

Or, tel n’est pas le cas et le salarié peut, après une rupture conventionnelle, solliciter le règlement d’heures supplémentaires, le versement d’une indemnité ou d’une prime qui serait impayée, la prise en charge de frais de transport, etc.

En effet, la rupture conventionnelle n’est pas une transaction et ne peut pas avoir pour objet ou pour effet de régler un différend entre les parties.

D’ailleurs, les DIRECCTE doivent refuser l’homologation des ruptures conventionnelles, lorsque celles-ci prévoient, via une convention annexe, que le salarié renonce à tout litige.

Cette solution est logique puisque la transaction doit être à la fois :
- postérieure à la rupture du contrat de travail ;
- et accompagnée d’une indemnité transactionnelle distincte de l’indemnité de rupture conventionnelle.

2) Les solutions à adopter.

La rupture conventionnelle doit obligatoirement être transcrite sur un formulaire administratif (Cerfa) dont le modèle est établi par arrêtés ministériels. [1]

Si le formulaire Cerfa suffit à matérialiser la rupture conventionnelle, il est conseillé, dans certains cas, d’établir une convention complémentaire (convention dite « distincte » ou « annexe »).

En effet, le formulaire Cerfa ne permet de renseigner que des informations en nombre limité (date de la rupture, montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, moyenne des salaires…).

La convention distincte (ou annexe) a deux objectifs :
- Permettre à l’employeur d’exposer au salarié toutes les conséquences de la rupture du contrat de travail (portabilité des garanties complémentaires santé / prévoyance, compte personnel de formation, régime social et fiscal de l’indemnité) ;
- Protéger l’employeur d’une éventuelle réclamation ou d’un potentiel litige.

S’agissant de ce second aspect, la convention annexe peut utilement rappeler, par exemple, que le salarié est à l’initiative de la rupture conventionnelle et/ou qu’il y consent librement et en pleine connaissance de ses droits.

Elle peut aussi prévoir de lister les éléments du solde de tout compte en rappelant que le salarié s’estime rempli de ses droits à ce titre.

Exemple : « A la date de rupture du contrat de travail, la Société versera à M/Mme…………
- Les salaires restant dus à cette date, soit la somme de … euros bruts ;
- L’indemnité de congés payés (… jours, soit … euros bruts) ;
- L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (… euros bruts)

M/Mme……… reconnaît que le versement de ces éléments le/la remplira intégralement de ses droits. Il/Elle reconnait que la Société n’est redevable à son égard d’aucune somme ni indemnité à quelque titre que ce soit (commissions, frais professionnels, heures supplémentaires, etc.). »

De telles mentions n’interdisent pas au salarié d’introduire une action prud’homale mais limitent néanmoins les risques de contestation.

En conclusion, précisons que, si la convention distincte n’est pas obligatoire, il est impératif, lorsqu’elle est établie, de l’envoyer à la DIRECCTE (ou à l’inspection du travail) avec le formulaire Cerfa.

Xavier Berjot
Avocat Associé au barreau de Paris
Sancy Avocats
xberjot chez sancy-avocats.com
https://bit.ly/sancy-avocats
LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

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[1Cerfa 14598*01 pour les salariés non protégés et Cerfa 14599*01 pour les salariés protégés

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 10 septembre 2018 à 20:54
    par Franck , Le 7 septembre 2018 à 11:34

    Cher Maitre,
    Au vu de l’arrêt rendu le 5 novembre 2014 par la Chambre sociale de la Cour de cassation (pourvoi n°13-16.372), je suis de plus en plus réservé sur le fait de mentionner trop précisement le régime social et/ou fiscal de la somme versée.
    D’expérience, sauriez-vous dire si vos clients vont jusqu’à faire apparaître par exemple les seuils d’assujettissement/d’exonération ? (ex : "non soumis à cotisations sociales dans la limite de 2 PASS, soit XX€...")
    Cordialement
    FG

    • par Xavier BERJOT , Le 10 septembre 2018 à 20:54

      Cher Monsieur,
      Je suis complètement d’accord avec vous.
      En effet, le régime social et fiscal des indemnités de rupture conventionnelle (ou, plus largement des indemnités de rupture) est susceptible de varier dans le temps. Nous l’avons vu récemment avec l’augmentation de la CSG.
      Il est donc préférable de ne pas trop développer ce régime mais, au contraire, de mettre en exergue que le salarié est informé sur ses droits.

      Bonne soirée,
      Xavier Berjot

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