Fondation des femmes.
Si vous deviez présenter votre association en quelques lignes ?
« La Fondation des Femmes est la structure de référence en France sur les violences faites aux femmes et pour l’égalité femmes-hommes. Nous apportons un soutien financier, matériel et juridique aux associations de défense des droits des femmes avec les dons que nous collectons. Nous contribuons également à faire exister les enjeux d’égalité entre les femmes hommes dans le débat public avec nos rapports d’expertises et notre plaidoyer. »
Sur un plan juridique, quelles doivent être les avancées prioritaires des droits des femmes en 2022 ?
« A la Fondation des Femmes nous portons avec les associations, une Plan d’urgence pour l’Egalité. Ce sont 10 mesures que les candidat.e.s s’engagent à mettre en place dans les 100 premiers jours de leur quinquennat. Parmi elles, un "big bang" institutionnel avec la création de tribunaux spécialisés dans les violences faites aux femmes sur le modèle espagnol. Mais également un travail d’inventaire de l’ensemble des mécanismes juridiques qui accroissent la précarisation des femmes, notamment en couple. On peut citer par exemple les pensions de réversions qui sont conditionnées au fait que les femmes ne se remarient pas, ou encore la fiscalité des pensions alimentaires. »
Et les hommes, comment les associer à ce combat ?
« Les juristes et avocats qui lisent Village de la justice peuvent rejoindre les bénévoles de la Force juridique de la Fondation des Femmes, notre collectif de professionel.le.s du droit au services des associations de défense des droits des femmes. Ils peuvent aussi bien sûr devenir donateurs de la Fondation des Femmes et soutenir ainsi les associations qui agissent sur le terrain auprès des femmes. »
"Choisir la cause des femmes".
C’est Faye Tadros, Secrétaire générale de l’association [1] qui nous répond ici.
V.J : Si vous deviez présenter votre association en quelques lignes ?
« "Choisir la cause des femmes" a été fondée par Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi en juin 1971, en plein débat pour le droit à l’avortement, que Gisèle Halimi a défendu aux côtés de Marie-Claire Chevallier (récemment décédée) dans le cadre du procès historique dit de Bobigny, qui a véritablement changé le cours de l’histoire des femmes en France.
Depuis le décès de Gisèle Halimi, la nouvelle Présidente de l’association, Violaine Lucas, ainsi que Maria Cornaz Bassoli et moi-même, Secrétaires générales, sommes dépositaires de ce combat comme de tous ceux que Gisèle Halimi a menés pour la liberté des femmes et des peuples. Notre association a ainsi vocation à promouvoir les droits des femmes, de toutes les femmes, principalement par la voie juridique et par le lobbying politique, l’une n’allant pas sans l’autre. »
Sur un plan juridique, que veut dire "choisir la cause des femmes" en 2022 ?
« Au-delà de la transmission mémorielle des luttes de Gisèle Halimi, nous travaillons activement sur ce que sont les enjeux actuels du féminisme, lesquels, au fond, demeurent dans la droite ligne des combats passés, pas complètement gagnés contrairement à ce que l’on imagine.
Nos chantiers principaux, qui, à court terme, nous amèneront à interpeler les candidats à l’élection présidentielle, sont en particulier :
Le consentement, dont on mesure, devant le désarroi des victimes d’agressions sexuelles lorsqu’elles parviennent à trouver le courage de porter plainte, à quel point la loi en vigueur est inadaptée, insuffisante ; une définition positive et une approche globale du consentement s’imposent.
La mise en œuvre réelle de l’obligation légale existante mise à la charge des établissements scolaires, de la primaire au lycée, de programmer des séances d’éducation sexuelle, qui, outre les aspects strictement biologiques, doivent aussi aborder les questions relationnelles et affectives. Or, l’on constate que 75% des établissements scolaires français ne respectent pas cette obligation.
L’effectivité et la gratuité du droit à l’avortement, dont on comprend bien que l’allongement du délai légal est, finalement, une forme de palliatif à l’incapacité de la France de permettre aux femmes portant une grossesse non désirée d’y mettre un terme aussi rapidement qu’elles le souhaiteraient et qui les contraint – pour celles qui en ont les moyens – de partir à l’étranger.
Et toujours, notre projet de la Clause de l’Européenne la plus favorisée, mécanisme juridique destiné à instaurer l’harmonisation par le haut des droits des femmes de l’Union européenne. »
Votre bureau est 100% féminin : est-ce un choix ? Plus largement, comment associer les hommes dans le combat qui est le vôtre ?
« L’histoire de "Choisir la cause des femmes" est née de la mixité puisque parmi les fondateurs, elle comptait aussi Jacques Monod, Prix Nobel de médecine, et Jean Rostand, académicien, même si les statuts d’origine de l’association prévoyaient que les Secrétaires nationales doivent être des femmes. Nous avons voulu respecter le choix initial des fondateurs.
Il n’en demeure pas moins que, de la même manière que Gisèle Halimi affirmait que le combat pour l’égalité des droits entre femmes et hommes doit se faire avec les hommes, ils sont toujours étroitement associés à nos actions, à nos webinaires, à nos conférences, dès lors que nous avons, parmi eux, des alliés des positions que nous défendons. »
Le pôle Droit des femmes de la Clinique Juridique de la Sorbonne.
La rédaction du Village de la Justice s’est entretenue avec Violette Audouard, Gabriela Rodrigues (co-responsables), Théo Paulin (adjoint), Myriam Landolfi et Joy Weber (membres). Tous sont étudiants et membres de la Clinique juridique de la Sorbonne.
Pouvez-vous nous présenter le pôle Droit des femmes de la Clinique Juridique de la Sorbonne et les raisons de sa création ?
« Le pôle Droits des femmes de la Clinique juridique de la Sorbonne a été créé en 2018. La Clinique disposait déjà d’un pôle Droit Pénal ainsi que d’un Pôle Droits de la Famille, mais la spécificité et la systémie des violences vécues par les femmes nécessitent un pôle entièrement dédié. En effet, si nous avions dirigé une femme victime de violences vers le pôle droit pénal ou une femme harcelée sur son lieu de travail vers le pôle droit du travail, nous aurions omis les expériences particulières vécues par ces femmes dans la société.
Notre objectif est de mettre nos connaissances des règles de droit et des procédures au service des femmes. Une aide gratuite, anonyme, simple et la plus rapide possible.
Le pôle a aussi un rôle tout particulier de sensibilisation. Nous organisons des conférences afin d’informer et sensibiliser, notamment les étudiants et étudiantes futurs.e.s juristes, tout ceci entouré d’expert.e.s en la matière ! »
Comment défendre les Droits des femmes en 2022 ?
« La défense des Droits des femmes en 2022 peut se concrétiser par différents moyens.
Une amélioration des textes de loi permettrait de prendre en compte davantage de plaintes. Il est possible d’envisager notamment l’introduction de la notion de consentement dans la loi - aujourd’hui absente des textes - ou encore de revoir la définition du viol dans le Code pénal car celle de l’article 222-23 est encore trop restreinte.
L’amélioration doit également se faire au niveau des commissariats, premier lieu où les victimes sont prises en charge.
A noter l’importance de l’intersectionnalité en 2022. Nous pouvons définir cette notion comme le fait qu’aucune lutte pour des droits n’est indépendante d’une autre. Défendre les droits des femmes, mais quelles femmes ? Elles sont une pluralité. Il y a des femmes handicapées, grosses, racisées, mères de famille, célibataires, étudiantes, ouvrières… En 2022, il n’y a plus “un droit des femmes” mais il y a “les droits des femmes”. Ainsi, défendre les Droits des femmes passe à la fois par des réformes générales concernant les femmes dans leur globalité, mais cela passe également par une défense des droits individuels et personnels. »
Quel est le rôle des juristes (au sens large) dans cette défense des Droits des femmes ?
« Les juristes, plus généralement le droit, sont les piliers du développement des Droits des femmes. Ils peuvent apporter une aide concrète et pratique aux femmes dont les droits sont bafoués ou ne sont pas reconnus [2].
Les juristes (ici entendu au sens large) étant des praticiens concrets du droit, étant au cœur du fonctionnement judiciaire sont ainsi les plus à même de critiquer le droit, de pointer du doigt ses dysfonctionnements et de permettre une amélioration de la protection des Droits des femmes. Par exemple, certain.e.s proposent de codifier le terme de “féminicide”, renvoyant à un système de violences structurelles à l’égard des femmes qui conduisent à des meurtres. Avec cette codification, le droit pénal pourrait avancer dans la défense des droits des femmes et améliorer le fonctionnement judiciaire, les plaintes et les peines appliquées à ces faits. »