Les associations et la réalité de protection des consommateurs au Maroc.

Le Maroc est un pays en développement dont les indicateurs socio-économiques présentent une situation contrastée. Pays moderne par ses institutions, son ouverture économique sur l’extérieur et son ancrage affirmé aux différents principes et concepts contenus dans les conventions et traités internationaux auxquels il a souscrit, il est également enraciné dans ses traditions et l’agriculture, constitue encore le soubassement de l’économie et s’appuie sur une composante rurale de près de la moitié de la population totale qui comporte encore une proportion importante d’analphabètes.

Cette ambivalence (secteur moderne, secteur traditionnel) qui se retrouve également au niveau des structures de production ou des circuits commerciaux rend l’information du consommateur par les pouvoirs publics, les professionnels ou les associations de consommateurs, très différenciée.

Ce qui nous intéresse là, est le rôle des associations de consommateur dans la protection et l’information des consommateurs. Les associations de consommateurs utilisent des informations relatives aux obligations contractuelles du consommateur ou de celles qu’il peut trouver dans les mentions de l’étiquetage ou encore de celles dont il est submergé par la publicité, la réalité en cette matière est caractérisée par de fortes disparités qui participent dans la mise à sa disposition d’informations incomplètes ou ambigües.

Les associations de consommateurs constituent le mécanisme social régulateur dans un système efficace de protection des ménages. Mais avant de se pencher sur son rôle, on doit, tout d’abord définir la portée juridique de ces associations. En effet, l’article 152 de la loi n°31-08 de protection de consommateur définit cette institution comme suit :

"les associations de protection du consommateur, constituées et fonctionnant conformément à la législation et la réglementation en vigueur relatives au droit d’association, peuvent assurer l’information, la défense et la promotion des intérêts du consommateur, et concourent au respect des dispositions de la présente loi".

Ceci dit, elles devraient jouer un rôle vital en matière d’information, d’éducation et d’organisation de consommateurs à coté des partis politiques. Et dans ce sens, leur rôle préventif peut être déterminant. Par ailleurs dans un tel système comme les associations doivent impérativement pouvoir engager des actions en justice demandant la réparation des préjudices subis par les consommateurs individuellement ou collectivement.

A quoi consiste la réalité de l’information des consommateurs au Maroc ? Quelles sont les activités en matière d’information des consommateurs menées par les associations ? Comment se concrétisent donc les conditions d’épanouissement des associations de protection des consommateurs ? Et quel est le poids juridique ces associations ont-elles au niveau de la consécration des droits des consommateurs ?

Pour répondre à cette problématique, il semble pertinent d’adopter le plan suivant :

  • Les conditions d’exercice des associations de protection des consommateurs au Maroc
  • La mise en cause de l’efficacité du rôle représentatif des associations de protection des consommateurs en matière de la défense des intérêts de la masse.

I- La réalité de l’information des associations et Les conditions d’exercice de protection des consommateurs au Maroc.

1- La réalité de l’information des associations.

Qu’il s’agisse des informations relatives aux obligations contractuelles du consommateur ou de celles qu’il peut trouver dans les mentions de l’étiquetage ou encore de celles dont il est submergé par la publicité, la réalité en cette matière est caractérisée par de fortes disparités qui participent dans la mise à sa disposition d’informations incomplètes ou ambigües. La maîtrise même de l’information, dans ces conditions, peut ne pas être entière en raison, en particulier, du faible impact de l’action des associations de protection des consommateurs dans ce domaine, l’action du consommateur individuellement n’étant pas souvent efficace par définition.

Actuellement, le mouvement consumériste national, constitué d’une trentaine d’associations, n’a pas encore la dimension (création récente de la plupart des associations, couverture limitée du territoire, faiblesse de la représentativité notamment en termes du nombre des adhérents, manque patent des moyens humains et financiers nécessaires à une action soutenue et régulière, dispersion des efforts et conflits de leadership en termes d’organisation et de coordination du mouvement, préoccupations partagées entre la protection des consommateurs et d’autres domaines comme la protection de l’environnement...etc.) qui lui permette de jouer un rôle déterminant dans tout ce qui a un rapport avec la protection et l’information des consommateurs, malgré la présence effective de certaines associations sur le terrain grâce surtout à la stature et à la motivation de certains de leurs membres. A ce sujet, et à titre d’illustration, les travaux du séminaire organisé par le département du commerce et de l’industrie à l’occasion de la commémoration de la journée mondiale des droits des consommateurs le 15 mars 2001 préconisaient déjà un certain nombre de recommandations qui sont toujours d’actualité.

Cet état démontre le peu d’intérêt accordé à un domaine aussi déterminant que celui de la protection et l’information des consommateurs à travers un tissu associatif représentatif, fort et crédible :
i) Doter les associations des moyens humains et matériels pour permettre un transfert de savoir faire et de techniques entre les
différents intervenants
ii) Appuyer et développer les capacités d’intervention des associations de protection du consommateur
iii) Renforcer le professionnalisme et l’autonomie de décision des associations de protection du consommateur
iv) Communication des actions des associations de protection du consommateur ;
v) Créer un cadre de partenariat et de rapprochement au niveau local, entre les associations et l’ensemble des intervenants
dans ce domaine
vi) Mettre en réseau les associations de protection des consommateurs pour mieux unifier les efforts et profiter de
l’effet synergie et d’échanges d’expériences
vii) Consacrer l’ouverture des associations à toutes les compétences nécessaires : Médecins, universitaires,
chercheurs…, pour mieux assurer l’efficacité de leurs actions
viii) Adopter une démarche active par les associations de protection des consommateurs dans leurs interventions
ix) Définir avec tous les partenaires un plan d’action et une stratégie nationale.
En termes d’information des consommateurs, on peut citer le cas de l’AMPOC qui dispose notamment d’un site de l’association où le visiteur peut trouver un certain nombre d’informations utiles, y compris un état des activités menées par l’association dans divers domaines. D’un autre côté, l’expérience de la mise à la disposition des associations de consommateurs d’espaces de rédaction et de publication dans certains journaux (page hebdomadaire Eco Conso), dans le cadre de l’accompagnement et de l’appui de ces associations par les activités du volet consumérisme joue un rôle bénéfique sociale. En effet, l’évaluation faite par les experts du projet concernant la pertinence des articles publiés sur une période de 29 semaines en 2005 montre que près de 75% de ces articles est sans intérêt pour le consommateur.

Par ailleurs, la première association créée en 1993, en l’occurrence l’Association Marocaine des Consommateurs, avait pris l’initiative de publier entre autre un recueil rassemblant l’ensemble des textes en rapport avec la protection et l’information des consommateurs.

Concernant les associations de consommateurs, on peut remarquer que, si des individualités peuvent être très efficaces au sein même des associations grâce notamment à la personnalité ou la compétence de certains membres très actifs, il demeure que l’esprit d’équipe et la volonté de travail du groupe fait encore défaut (pour diverses raisons : juridique, organisationnelle, managériale, financière,...etc.) et le résultat en termes d’actions d’envergure réussies à l’échelle du pays ou de proximité au niveau local reste très limité.

En comparaison avec les informations mises à la disposition du consommateur dans un certain nombre de pays comme la France par exemple ou l’UE en tant qu’entité ou même la Tunisie, les associations de consommateurs nationales ne semblent pas encore en mesure de jouer amplement le rôle qui leur incombe en cette matière.

Cependant, les efforts entrepris essentiellement par les pouvoirs publics, le MCINET en l’occurrence, en collaboration avec les bailleurs de fonds internationaux dans le cadre de projets spécifiques, permettent d’initier et de mettre en œuvre un certain nombre d’initiatives qui vont dans le sens du renforcement des activités des associations de consommateurs.

2- Les conditions d’exercice des associations de protection des consommateurs au Maroc.

Le contexte de travail de ces associations au Maroc, est handicapé par le fait que, quel que soit leur dynamisme, leur compétence et leur force, les associations de protections de consommateurs ne peuvent se substituer aux organes publics de protection de consommateurs, notamment les services impuissants contre la fraude.

Cependant, le travail des associations de consommateurs, pour être efficient, doit s’inscrire dans une politique nationale et d’un plan d’action pour sa mise en œuvre.

C’est à l’a une de cette politique et de ce plan que l’on peut évaluer le rôle des associations de protection de consommateurs. D’ailleurs, on ne peut évoquer de telle situation sans une loi cadre. Or, le gouvernement marocain actuel, comme celles qui l’ont précéder ne semble pas, pour l’instant, avoir élaboré une telle politique et un tel plan. Le cadre juridique qui organise actuellement les activités des associations de protection du consommateur ne leur permet nullement d’agir efficacement. A défaut, de la qualité d’utilité publique elles ne disposent pas de la qualité requise pour pouvoir engager des actions en justice demandant la réparation des préjudices. Or les conditions exigées pour l’acquisition d’une telle qualité heurtent le bon sens et handicapent matériellement et humainement l’épanouissement des associations de protection de consommateurs. De ce fait, aucune de ces associations n’a jusqu’à présent été reconnue d’utilité publique.

Et la tâche se noircit face à la pénurie des moyens matériels et humains destinés à leur permettre d’accomplir leur rôle dont l’éducation et la sensibilisation des consommateurs notamment en matière de sécurité et d’hygiène. En effet, ces matières exigent des compétences précises et du matériel d’accompagnement et des sources d’information dont ne peut disposer qu’une structure étatique. Aussi les associations de consommateurs doivent elles avoir le droit d’accéder aux moyens publics leur permettant d’élaborer méthodiquement et scientifiquement leur programme de vulgarisation, de sensibilisation et d’éducation (au moins le fait d’avoir une collaboration).

Or actuellement aucun texte ne reconnaît ni organise ce droit d’accès à ces moyens. Elles ne disposent pas enfin de moyens de communication et d’information efficaces leur permettant de promouvoir les droits des consommateurs, de contrôler leur application par les autorités publiques et les décideurs économiques, de dénoncer leur violation (et si il existe c’est d’une manière ambigüe, souvent avec une langue étrangère).

II- La mise en cause de l’efficacité du rôle représentatif des associations de protection des consommateurs en matière de la défense des intérêts de la masse.

Le panneau d’affichage figé dans une grande artère de Casablanca montre à peu près ceci : un mouton avec une bulle indiquant "pour 250 DH par mois". Étalé sur deux ans, cela revient à s’endetter pour 6 000 DH, alors que le mouton coûte trois fois moins cher.

Autre exemple, la pratique dans les factures d’eau et d’électricité (que ce soit dans les régions sous régie autonome ou déléguées en concessions) consiste à facturer le mois consommé plus une avance estimée à un mois (acte volontaire), sous peine de payer une pénalité de 30 DH. Les exemples donnés par les associations de protection des consommateurs abondent. Leurs revendications aussi. Officiellement, la Confédération des associations de consommateurs (CAC) au Maroc a demandé à Maroc Telecom de frapper tous ses produits GSM de la formule "dangereux pour la santé". Bref, "Tout système de consumérisme doit concilier entre l’intérêt économique des entreprises et la protection des consommateurs".

1- Le leurre de la loi.

Ce ne sont pas les références légales qui manquent pour protéger les consommateurs.

Durant longtemps, le D.O.C, le Code civil marocain, servait de base théorique pour les cours de droit. Dans une tentative d’adaptation, le législateur lui a porté une correction concernant la clause pénale. "La pratique consistait à charger le client avec des pénalités disproportionnées en cas de défaillances lors du règlement, par exemple, d’une mensualité". La nouvelle loi sur la clause pénale a changé la donne en autorisant le juge à évaluer, lui-même, le dommage avant de le prononcer. En 2001, la loi sur la liberté des prix et de la concurrence devait révolutionner la situation. Elle comportait, pour la première fois, un chapitre spécial sur la protection des consommateurs. Il posait les principes généraux de transparence de l’information à travers l’étiquetage, l’affichage des prix et la remise obligatoire de factures. Cependant, la protection du consommateur demeurait un leurre. "Le texte a listé toutes les infractions mais ne s’est à aucun moment attelé à donner une définition du consommateur". Ce texte, qui croupit dans les tiroirs du secrétariat général du gouvernement, définit le consommateur comme "toute personne physique ou morale qui acquiert pour la satisfaction de ses besoins non professionnels des biens, produits ou services destinés à l’usage personnel".

2- Des associations fantômes.

Longue de 112 articles, cette même loi traite de la problématique de la sécurité, des clauses abusives, de la période des soldes et d’autres pratiques commerciales. Mais, elle passe sous silence un chapitre important sur le consumérisme. En théorie, les associations des consommateurs sont décrites comme un outil privilégié du dispositif légal, à la condition de disposer de l’utilité publique. Or, aucune d’elles ne dispose de ce titre.

Pour les responsables du ministère de l’Intérieur, l’utilité publique est un privilège qu’il donne à sa guise. Il n’est donc pas sûr qu’une organisation multipliant les revendications puisse y accéder.

À défaut, une association ne peut ester en justice ni se porter partie civile dans un procès, se plaint le responsable. Même d’utilité publique, une association ne peut pas initier une action en justice. La loi les autorise à se porter partie civile en cours de procès. La solution ? Une justice de petits procès où les consommateurs infléchissent autant que possible la jurisprudence. Avec un projet de loi qui traîne depuis 1996 et un réseau d’associations embryonnaire qui date de juin 2000, la sensibilisation des consommateurs n’est pas une tâche aisée.

L’action, elle, demeure une utopie. Les consommateurs attendront toujours...

Bibliographie.

Ouvrages généraux :
John V. Pétrof, Comportement du Consommateur et Marketing Guide, Presses Université Laval, 1993
Nathalie Guichard, Régine Vanheems, Comportement du consommateur et de l’acheteur, Editions Bréal, 2004
Paul Van Vracem, Martine Janssens-Umflat, Comportement du consommateur : Facteurs d’influence externe Famille, groupes, culture - Économie et entreprise, édition de Boeck Supérieur, 1994.

Ouvrages speciaux :
E.de Patoul, J.Laffineur, Les pratiques du commerce : l’information et la protection du consommateur édition Caluwer
Cornu G., La protection du consommateur, travaux de l’association capitant, 1973
Joël Rivieccio, La protection du consommateur, les éditions du Vent des Rives, Edition 2008
John Harrison, Consumers know your rights, 3 ed., London 1983
Mark V. Nadel, The politics of consumer protection, Indiapolis, New York, third printing, 1997
Ross Ceanston, Consumers and the law, London 1978.

Etudes et documents consultés :
Principes directeurs des Nations Unies pour la protection du consommateur (Tels qu’étendus en 1999), Département des affaires économiques et sociales, ONU, New York, 2003
Liberté de l’information : Étude juridique comparative par Toby Mendel 2ème édition révisée et mise à jour, UNESCO, 2008
Centre Marocain de la Consommation : Etude de faisabilité, Marc Vandercammen, CRIOC (décembre 2009) Stratégie de la Direction du Commerce Intérieur pour la promotion de la politique du consumérisme et de protection du consommateur (2004-2008).

Textes juridiques consultés :
Dahir du 9 Ramadan 1331 (12 août 1913) formant Code des obligations et Contrats
Loi n° 31-08 édictant des mesures de protection des Consommateurs
Proposition de loi visant à garantir l’accès à l’information
Loi n° 92-117 du 7/12/1992 relative à la protection du consommateur tunisien (Tunisie)
Code de la consommation français (France).

Principaux sites web consultés [1]

Othmane Kharrouba
Avocat au barreau d’El Jadida - Maroc
Docteur en droit
https://www.linkedin.com/in/othmane-kharrouba-091b43276/

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[1http://ec.europa.eu/consumers/index_fr.htm :
Site de l’UE dédié aux affaires de la consommation
http://www.crioc.be/ :
Centre de recherche et d’Information des Organisations de Consommateurs
(Belgique)
http://www.conso.net/page/ :
Institut National de la consommation (France)
http://ec.europa.eu/food/food/rapidalert/index_en.htm
Site du RASFF, système d’alerte rapide pour les aliments et l’alimentation
animale en Europe
http://www.beuc.org/Content/Default.asp?PageID=591&LanguageCode=fr
Site du Bureau Européen des Unions de Consommateurs
http://infoconsommation.ca/app/oca/ccig/main.do?language=fre
Passerelle d’information pour le consommateur (Canada)
http://www.quechoisir.org/
Site de l’association Que choisir-UFC (France)
http://www.consumersinternational.org/HomePage.asp?NodeID=89645
Site de l’organisation Consumer International
http://www.odc.org.tn/fr/index-fr.htm
Site de l’Organisation de la défense du Consommateur (Tunisie)
http://www.mcinet.gov.ma/mciweb/mciweb/mci_mod_w05.jsp?coded=5
&codet=Espace_consommation :
Espace consommation du Portail du Ministère du Commerce, de l’Industrie
et des Nouvelles Technologies au Maroc
http://www.mincom.gov.ma/Mincom/fr/
Site du Ministère de la Communication
http://www.ampoc.net/
Site de l’Association Marocaine de Protection et d’Orientation du Consommateur

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