Le cadre juridique de la marque notoire en droit marocain.

Par Othmane Kharrouba, Avocat.

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Explorer : # propriété intellectuelle # marque notoire # droit des marques # protection juridique

Ce que vous allez lire ici :

Au Maroc, la marque est essentielle pour une entreprise, influençant son environnement commercial et ses partenaires. La protection des marques notoires, reconnue par la loi marocaine, est cruciale pour éviter la contrefaçon. Celle-ci accorde des droits spécifiques et peut s'étendre à des produits non enregistrés, garantissant ainsi la renommée de la marque.
Description rédigée par l'IA du Village

La propriété intellectuelle constitue l’un des thèmes d’actualité sur le plan international en matière économique et juridique. Elle a une grande influence sur les relations entre les pays, suite à l’instauration du libre échange dans le cadre de la globalisation de l’économie. Le Maroc a connu sa première législation sur la propriété industrielle depuis 1916.

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La marque constitue le bien le plus signifiant d’une entreprise, elle a un impact direct sur son environnement industriel et commercial et influence les décisions des partenaires et des acteurs intervenant dans ses activités.
La protection d’une marque donne à son titulaire le plein droit d’exploitation commerciale et d’attaque aux éventuelles contrefaçons ou imitations qui portent atteinte à ses droits de propriété intellectuelle, sous ses deux aspects industriel et littéraire.
Le Maroc a adhéré à plusieurs conventions concernant la marque telles que : la convention de l’union de Paris (1883) pour la protection de la propriété industrielle, adoptée par le Maroc le 30/7/1917 et l’arrangement de Madrid (1891) concernant l’enregistrement international des marques, adopté par le Maroc 30/7/1917 l’arrangement de Nice (1957) concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, adopté par le Maroc le 1/10/1966. Et le protocole de l’arrangement de Madrid (1989) concernant l’enregistrement international des marques, adopté par le Maroc le 8/10/1999 l’accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (Aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce 1994), adopté par le Maroc le 15/4/1994.
Une marque notoire donc est une marque protégée dans le domaine de la propriété industrielle et celui du droit des marques, sa notoriété lui permet de bénéficier de cet avantage spécifique. Une marque notoire donnée, sans qu’elle soit déposée sur un territoire, elle peut être protégée dans son domaine d’activité et de même, sous certaines conditions, elle bénéficie d’une protection spécifique dans les classes de produits dans lesquelles elle n’a pas été déposée. En doctrine de propriété intellectuelle Olivier Mendras Avocat à la Cour de Paris a donné à la marque notoire la définition suivante : « La marque notoire est traditionnellement définie comme celle connue d’une très large fraction du public et qui, outre le fait qu’elle évoque immédiatement le produit ou le service auquel elle s’applique, exerce un pouvoir d’attraction propre allant au-delà de cette simple fonction ». L’Organisation Mondiale de la Propriété Industrielle soutient et encourage la protection des marques notoires. Au Maroc, le fondement de cette protection réside dans les dispositions de la loi 17-97 entrée en vigueur en date du 18/12/ 2004 et relative à la protection de la propriété industrielle telle que modifiée par la Loi 31-05 et qui se réfère à l’article 6 bis de la Convention d’union de Paris, lequel invite les pays adhérents à assurer une protection, et ce, indépendamment de la similitude des produits ou des services en cause.
Les amendements introduits à la loi n°17-97 par celle n°31-05 sont importants du fait qu’ils renforcent le système d’opposition en matière de dépôt de marque et de la compétence extrajudiciaire octroyée à l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale. En ce qui concerne la protection de la marque et en cas d’opposition entre le droit national et le droit international, c’est ce dernier qui prime.
Des différentes autorités prennent en charge l’application du droit des marques pour pouvoir décider du caractère notoire d’une marque sur les territoires concernés. L’étude de la marque notoire permet de mettre en relief le critère de notoriété qui se présume en l’exercice d’un pouvoir d’attraction de la marque notoire par rapport aux autres marques.
Comment est protégée la marque notoire ? Et quel est le but attendu de cet avantage spécifique ?
Pour répondre à ces questions parmi d’autres, on va étudier dans une première partie : des généralités sur la marque notoire en essayant de la définir et d’évoquer les critères de sa notoriété et ses avantages spécifiques.
Et dans une deuxième partie : on va essayer de savoir comment est protégée la marque notoire notamment la protection contre les pratiques de parasitisme et aussi par la possibilité offerte à son titulaire pour exercer une procédure d’opposition ou entamer une action en justice.

I / Généralités sur la marque notoire.

La loi 17-97 classe la marque notoire parmi les droits antérieurs prohibant l’enregistrement d’une marque qui risque de porter atteinte à la qualification et à la spécialité spécifiques de la marque notoirement connue.

A) Définitions et dispositions générales.

L’article 133 de la Loi 17-97 définit la marque comme étant : « Un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale ». La qualification d’une marque comme étant notoirement connue, dépend dans une large mesure, d’une part de l’image et de la réputation de cette marque dans le marché, et d’autre part dans le groupe de consommateurs intéressés. D’autant plus, ce n’est pas tant la caractéristique intrinsèque, mais plutôt le pouvoir attractif de différenciation d’une marque. Pour qu’une marque soit protégée et considérée comme marque notoire, il faut et il suffit qu’elle soit notoirement connue des personnes établies sur le territoire où elle doit être protégée. La loi 17.97 a classé la marque notoire parmi les droits antérieurs interdisant l’enregistrement d’une marque et ceci conformément aux dispositions de l’art.137 (a), cet article fait référence à l’art. 6 bis de la Conférence de Paris régissant ce type de marque. Les marques notoires sont appelées aussi marques de haute renommée, de haute réputation, de grande notoriété, elles font l’exception au principe de dépôt de la marque. Une marque est qualifiée de notoire lorsqu’elle est connue d’une large fraction du public, il en résulte que le caractère notoire de la marque est soumis au principe de la territorialité. De ce fait, il est nécessaire de le prouver dans le pays dont on souhaite obtenir la protection. En outre, la marque est soumise au principe de la spécialité, ce qui signifie que le risque de confusion est lié aux produits et services identiques ou similaire. Néanmoins, la jurisprudence étend la protection de la marque notoire même pour les produits et services non désignés. La jurisprudence a élargi le concept de la marque notoire en interdisant son utilisation sur des produits et services différents de ceux d’origine, ainsi une décision de la Cour d’appel de Casablanca en date du 19/11/2001 - dossier n° 727.2000 - a considéré que le fait de commercialiser des produits sous une marque notoire appartenant à un tiers laisse croire qu’il en est le propriétaire et par conséquent cette utilisation indue de la marque est de nature à tromper le public.

B) Critères de notoriété et avantages spécifiques.

Une marque est dite notoire si elle est connue au milieu d’un large public, c’est-à-dire sur un territoire où elle doit être considérée comme marque protégée. Le critère de notoriété est de savoir si une marque est distinctive ou non, on procède à l’examen du signe ou du terme choisi comme marque au milieu d’un public qui déterminera la présence ou non du facteur de notoriété de la marque en question. La notoriété d’une marque était jugée par la qualité du produit ou service qu’elle désignait, aujourd’hui elle est le résultat des techniques de lancement et de publicité. Cependant les services et produits liés à une marque notoire risquent d’être confus à d’autres qui leurs sont similaires ou identiques, de ce fait la jurisprudence leurs a étendu la protection même s’ils n’ont pas été désignés auparavant. La protection de la marque notoire s’opère à deux niveaux à savoir le domaine de la propriété industrielle et dans le droit des marques.
L’article 137 de la Loi 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle telle que modifiée et complétée par la Loi 31-05 dispose : « Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment : a) à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle. b) …  ». Dans l’article 6 bis le législateur interdit l’adoption d’un signe portant atteinte à des droits d’une marque antérieurement enregistrés ou notoirement connus. Aussi l’Article 148-2 de la Loi 17- 97 de la protection de la propriété industrielle telle que modifiée et complétée par la Loi 31-05 dispose ce qui suit : « Durant un délai de deux mois courant à compter de la publication de la demande d’enregistrement d’une marque, opposition à cette demande peut être faite auprès de l’organisme chargé de la propriété industrielle, par le propriétaire d’une marque protégée ou déposée antérieurement à la dite demande ou bénéficiant d’une date de priorité antérieure, ou par le propriétaire d’une marque antérieure notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle… ». Le propriétaire d’une marque notoire a un délai de deux mois pour faire opposition auprès de l’organisme chargé de la propriété industrielle, à une demande d’enregistrement d’une marque portant atteinte à sa marque notoire et ce à compter de la publication de celle-ci. Le droit à la marque s’acquiert par l’enregistrement et par la zone de protection qui lui est reconnue, il se limite aux produits et services pour lesquels elle est enregistrée. Les titulaires de marques notoires ont le droit de réclamer une protection exceptionnelle contre les pratiques frauduleuses des tiers pouvant porter préjudice à leurs marques là où ces dernières ne sont pas enregistrées.
Un exemple justifiant cette réclamation le rejet formulé par la Section d’Appel de la Cour Fédérale canadienne en date du 6 Juillet 1998 à l’encontre d’une opposition à l’enregistrement d’une marque pour des produits de beauté empruntée de son titulaire « The Pink Panther » la Panthère Rose utilisée dans des oeuvres cinématographiques, aux motifs d’absence de connexité entre les produits et le risque de confusion entre les marques aux yeux du consommateur.
En effet, l’emploi d’une marque notoire pour des produits ou services qui ne sont pas similaires à ceux qu’elle couvre, risque d’induire le consommateur en erreur.

II / La protection de la marque notoire.

Le législateur marocain assure une protection au propriétaire de la marque notoire selon l’article 162 de la loi n°17-97 et peut faire opposition selon l’article 148.2, qui dispose que l’opposant peut être le propriétaire d’une marque antérieure notoirement connue au sens de l’art.6 bis de la Conférence de Paris pour la protection de la propriété industrielle.

A) La protection contre les pratiques de parasitisme.

La protection contre les pratiques de parasitisme est faite dans l’intérêt du propriétaire du titre. Cependant, le consommateur a aussi avantage à ce que cet avilissement ne réduise pas la valeur de l’information apportée par la marque notoire à laquelle il a confiance. Il n’est pas autorisé d’appliquer un critère plus rigoureux et à exiger que la marque soit notoirement connue du public dans son ensemble, mais d’adopter un critère moins rigoureux pour déterminer si une marque est notoire en exigeant qu’elle soit connue des milieux économiques concernés. L’usage non permis d’une marque notoire pour des produits différents ne provoque aucune éventuelle confusion, il peut, en revanche, entraîner un avilissement du titre, et ce, par l’amoindrissement de l’originalité, du caractère distinctif et de la renommée de la marque en question. Le législateur a réservé à la marque notoire une protection sans condition, cela signifie que la notoriété influe sur la marque en lui conférant un statut de droit antérieur, indépendamment de tout enregistrement. C’est dire que la raison essentielle d’instaurer la protection d’une marque notoirement connue, demeure sa réputation et son image et non pas son utilisation, lesquelles doivent être telle que le fait de permettre à une personne non autorisée d’utiliser la marque risque d’induire en erreur ou de tromper le consommateur.

B) Procédure d’opposition et action en justice.

Il y a une distinction entre l’opposition contre une demande d’enregistrement d’une marque et l’opposition en tant que voie de recours ordinaire prévue par le Code de la procédure civile et pénale. La procédure d’opposition constitue une innovation majeure introduite par la loi n° 31- 05, elle est réglementée par les articles 148-2 à 148-5 de la loi, et les articles 66.1 à 66.5 du décret d’application de la loi. Cette procédure permet aux titulaires de certains droits antérieurs de faire obstacle à l’enregistrement d’une marque susceptible de leur porter atteinte. L’opposition concerne deux situations : la première situation est liée à l’opposition contre le dépôt de la demande de l’enregistrement d’une marque auprès de l’OMPIC en vue de la protection à l’intérieur du Maroc (l’art.66.1). La deuxième situation est liée à l’opposition contre la demande d’extension de la protection d’une marque étrangère au Maroc (art. 66.2). Ces deux genres d’opposition sont régis par les mêmes règles juridiques. L’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale est investi d’une compétence quasi-judiciaire pour trancher dans des cas de demandes d’opposition formulées par les titulaires des marques notoires conformément à l’article 148-2 de la loi 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle qui dispose que l’opposant peut être le propriétaire d’une marque notoirement connue. Le délai d’opposition est de deux mois à compter de la publication de la demande d’enregistrement. La procédure d’opposition ne constitue pas un préalable obligatoire à tout litige portant sur la légitimité d’un enregistrement de marque. Le titulaire d’un droit antérieur a toujours la faculté de s’adresser directement au tribunal.
La préservation des droits exige que la justice s’acquitte de sa mission en bonne et due forme, en effet le juge assume l’application des normes dictées par le droit, son rôle est important dans le cadre des dispositions del ’aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce, conformément aux obligations du Maroc en sa qualité de membre de l’OMC. La nullité de l’enregistrement est encourue dans les cas énoncés par les articles 161 et 162, il s’agit de : tout signe adopté en violation des droits antérieurs stipulés à l’article 137 de la loi 17-79. Le titulaire du droit antérieur peut intenter une action en nullité de la marque, à conditions et sous peine d’irrecevabilité à défaut de l’une d’elles :

  • Le dépôt postérieur doit être effectué par un déposant de bonne foi.
  • Le titulaire du droit antérieur ne doit pas accepter l’usage de la marque pendant cinq ans.

Aussi tout signe de nature à créer chez le public une confusion avec une marque notoire conformément à l’article 6bis de la Convention d’Union de Paris (Article 162). Le titulaire de la marque notoire a le droit d’intenter une action en justice demandant la nullité de l’enregistrement d’une marque. Cette demande doit être introduite dans un délai de cinq ans à compter de la date d’enregistrement. Passé ce délai son action est irrecevable à cause de la prescription du délai. L’action en justice du propriétaire d’une marque notoire et demandeur de la nullité d’enregistrement d’une marque doit être de bonne foi.

Bibliographie.

- Albert Chavanne, Jean-Jacques Burst, Droit de la Propriété Industrielle, 5ème édition, Dalloz Delta, 1998.
- Convention Union de Paris, Art. 6bis, 1991/I, pages 271-273
- Dahir n°1-00-19 du 9 Kaada 1420 (15 février 2000) portant promulgation de la Loi 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle, telle que modifiée et complétée par La loi 31-05
- Dahir n° 1-00-225 du 2 rabii I 1421 (5juin 2000) portant promulgation de la Loi n° 06-99 relative à la liberté des prix et de la concurrence.
- La Loi 19-06 relative à la concurrence.

Webographie.

- Site Cabinet Beau de Loménie, la marque communautaire, Revue des Affaires Européennes n° 1989/4
- Site OMPI Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, Genève, Protection des marques notoires, SCT/1/3 14/5/98.
- Site Usaid [1], guide sur les marques, 2007.

Othmane Kharrouba
Avocat au barreau d’El Jadida - Maroc
Docteur en droit privé

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