Les grands parents : une place à part dans la famille propice à la médiation.

Par Francine Summa, Avocate.

2664 lectures 1re Parution: 5  /5

Explorer : # médiation familiale # relations intergénérationnelles # responsabilité civile # conflits familiaux

Les vacances sont l’occasion de confier les petits-enfants aux grands-parents, ravis d’accueillir pendant ce temps de repos les petits dans leur maison choisie souvent dans cette optique de devenir la maison de famille où toutes les générations se réunissent lors des fêtes et autres évènements. Si dans la majorité des cas, tout se passe bien, il arrive qu’il y ait des accidents dont les enfants sont victimes ou auteurs. Qui est responsable alors ?

-

Il arrive aussi que les relations avec les parents se soient dégradées pour des raisons diverses : quels recours peuvent être entrepris par les grands-parents ou par les parents soucieux de préserver une paix familiale ?

Le Juge aux affaires familiales a cette délicate mission de décider de l’intérêt de l’enfant en s’appuyant sur des mesures d’enquête sociale et surtout sur la médiation.

La médiation ou plutôt plusieurs médiations sont nécessaires à des stades différents pour trouver des solutions accommodantes dans des situations complexes.

1- Les grands-parents, un appui important dans la famille.

Les grand-parents sont un socle familial, facteur d’ancrage sur lequel s’appuient et se construisent les générations suivantes. Quand l’entente est bonne, la solidarité familiale intergénérationnelle joue à l’occasion de situations de crises : licenciement, divorce, maladie, petits-enfants malades ou handicapés. Les grands-parents sont là, soutien financier, garde, aidant familial.

Cette solidarité s’exprime à l’occasion des congés scolaires : les petits-enfants sont accueillis chez les grands-parents ce qui est - en général - une joie pour tous : balades, excursions sans les parents.

L’absence des parents pose le problème de la responsabilité en cas d’accident.

Soit l’enfant est victime - accident domestique par blessure, coupure, brûlure ou autre, soit il est auteur d’actes dommageables sur des biens des grands parents ou des tiers.

Sur le plan civil, la responsabilité reste celle des parents qui conservent la garde juridique qui n’a pas été transférée aux grands-parents, s’agissant de petits séjours.

L’article 1384 alinéa 4 du Code Civil est appliqué :

« Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale sont présumés responsables de tout dommage causé par ou du fait de leurs enfants mineurs avec lesquels ils cohabitent ».

Ce principe a été confirmé par la Cour de Cassation (legifrance.gouv.fr, Cass. Civ. 2ème Ch.5 février 2004,02-15.383 01-03.585) ; en l’espèce, un garçon de 11 ans avait mis le feu accidentellement à de la paille avec un briquet trouvé dans la cour et qu’il avait mis en poche avant de le « battre » pour s’éclairer. La Cour a observé que l’enfant âgé de 11 ans « avait une certaine autonomie » et que

« le grand père qui ignorait que son petit-fils était en possession d’un briquet et qui se trouvait avec lui dans l’exploitation agricole sans être à la vue l’un de l’autre mais à portée de voix, ne peut se voir reprocher une faute personnelle dans la surveillance de l’enfant ».

La GPA, assureur de la mère, seule signataire de la police « Grand Toit Multirisque Habitation » a été condamné à garantir le montant total de l’indemnité réglée au fermier qui était alors de 1 020 000 Francs, la limitation de garantie ayant été jugée inopposable.

Cette décision s’inscrit dans la ligne de la jurisprudence.

Il est donc important pour les parents d’être bien assurés, par le contrat multirisque, mais aussi par d’autres formules, assurance responsabilité individuelle, garantie des accidents de la vie, assurance extra scolaire [1].

Il est en effet très difficile de prouver la faute des grands parents, ou la force majeure.

Cela arrive. La Cour de Cassation a retenu la responsabilité des grands-parents où l’enfant avait manipulé une arme à feu se trouvant dans la cave et blessé son frère.

La Cour [2] a déclaré que les grands parents avaient conservé la garde du fusil du grand-père que la grand-mère son épouse avait accroché au plafond de la cave malgré le fait que leur petit-fils ait accédé à la cave, à leur insu, sans retenir un concours de responsabilité, en raison de l’appréhension possible de l’arme placée avec la canne à pêche des enfants.

On pourra néanmoins relever que la victime, le frère, était devenu majeur, dans la procédure d’appel [3] laissant supposer que l’auteur, était susceptible de discernement et n’avait pas à décrocher le fusil du grand-père sans ignorer que cette arme n’était pas une canne à pêche.

Il faut penser que la Cour de Cassation a estimé la faute de la grand-mère plus grave, ce qui n’est pas discutable.

Pour les accidents de la route survenus dans la voiture des grands parents, la police d’assurance passagers couvre les dommages.

Enfin, si l’enfant est malade, les grands-parents devront prendre toutes mesures et contacter les parents qui doivent être immédiatement informés. En cas de voyage à l’étranger, les parents doivent remettre une pièce d’identité, une autorisation de sortie du territoire, et aussi veiller à contracter une police d’assurance pour ce séjour. Les garanties d’assurance et d’assistance en cas d’accident pour les paiements par carte bancaire des billets d’avions et autres dépenses peuvent jouer, mais il est préférable de vérifier la couverture des garanties de rapatriement et frais médicaux [4].

2- Les grands-parents privés de leurs petits-enfants.

Quand les relations avec les parents sont mauvaises, la sanction est la privation des petits-enfants. C’est une peine très sévère pour les grands-parents pour qui les petits-enfants sont une nouvelle jouvence, ils retrouvent leur jeunesse quand ils étaient jeunes parents, et restent présents, trop présents, intrusifs, insupportables pour le jeune couple parental. Il suffit d’un incident, des paroles blessantes, l’étincelle qui fait exploser le cadre fragile. Le mur du silence s’installe et peut durer malgré les appels, SMS, envois de cadeaux pour les évènements familiaux (anniversaires, Noël, vacances).

Cette souffrance est très mal vécue : les grands-parents ne comprennent pas, ils pensent n’avoir rien à se reprocher.

La rupture peut aussi intervenir à l’occasion d’une seconde union. Le nouveau gendre ne les supporte pas, les réunions familiales se passent mal. La décision de couper les liens est prise par le couple, entraînant les enfants dans leur retrait. Cette situation peut également être dommageable pour les petits-enfants, habitués à voir leurs grands-parents au cours de la première union.

Le premier pas d’ouverture vient des grands-parents : tentative de médiation amiable, échec, recours à l’avocat.

Que dit la Loi ?

Il n’y a pas de droit pour les grands-parents à voir leurs petits-enfants.

Trois rédactions ont été faites concernant les relations des enfants avec leurs ascendants, c’est donc en fonction des enfants que « les relations » - et non un droit de visite et d’hébergement - doivent s’établir :

  • Loi n° 70-459 sur l’autorité parentale du 4 juin 1970 : les pères et mères ne peuvent s’opposer aux relations entre petits-enfants et grands-parents sauf motifs graves ;
  • Loi n°2002-305 du 4 mars 2002 : l’enfant a le droit d’entretenir des relations
    personnelles avec ses ascendants sauf pour motifs graves ;
  • Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 substitue l’intérêt de l’enfant aux motifs graves ;
  • Loi n°2013- 404 du 17 mai 2013- article 9 : Article 371-4 du Code Civil : « L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit ».

La loi prévoit aussi la possibilité de fixer des relations entre l’enfant et un tiers parent ou non en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien, ou à son installation, et a noué des liens affectifs durables.

L’intérêt de l’enfant est laissé à l’appréciation du juge aux affaires familiales, ce qui peut conduire à des décisions théoriquement justes mais conduisant à des situations dramatiques, traumatisantes pour les enfants, les parents et les grands-parents.

Un exemple, dans l’Arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation du 16 septembre 2020- pourvoi n°19-16.010 : la Cour a rejeté le pourvoi des parents, considérant avec raison que l’existence d’un conflit entre les parents et les grands parents n’était pas suffisante en soi pour priver les petits-enfants de tout contact avec leurs ascendants et ce malgré l’échec de l’unique réunion dans un espace rencontre de médiation ordonné par le Juge où le père avait fait un scandale, les deux enfants, en pleurs, se détournant de leurs grands-parents en se posant au sol face au mur, appelant leur père de venir les chercher. Le père, sonnant et tambourinant à la porte, les retrouvant avec beaucoup d’émotion en précisant qu’il s’attendait à ce que la rencontre se passe ainsi. La mission a été interrompue : les enfants étaient trop impliqués dans le conflit, rapportant des mots manifestement inspirés par les parents.

La Cour de Cassation a maintenu la mesure de la cour d’appel, seule mesure judiciaire possible compte tenu de l’échec de la tentative de médiation en rappelant les sanctions encourues en cas de non respect de la mesure ordonnée - le délit de non représentation d’enfant et le recours devant le Juge des enfants si la mise en danger des enfants s’avérait établie.

3- La médiation : L’ouverture.

La médiation est la seule voie possible pour trouver des solutions à la reprise sinon totale au moins partielle des relations avec les petits enfants.

La décision rappelée ci-dessus montre l’échec d’ordonner des rencontres en plus dans des points-rencontres créés pour les situations sociales précaires en cas de risque d’enlèvement de l’enfant.

La situation est la même en cas d’aliénation parentale, les enfants sont sous l’emprise d’un parent, la cible est l’autre parent. Ici la cible ce sont les grands-parents. Toutes les solutions imaginées pour rétablir une relation quelconque sont vouées à l’échec. Il y a un conflit de loyauté de la part de l’enfant.

Egalement, aucune médiation n’est possible, la réunion plénière est refusée, le médiateur se trouve en prise avec un barrage total où il n’y a rien à attendre : les parents justifient leur position extrême afin de préserver leur équilibre familial. Ce sont les grands-parents qui sont toxiques.

De leur côté, les grands-parents expliquent ne pas comprendre sans toutefois se remettre en cause.

Ces positions sont trop fortes.

Mais elles ne sont pas définitives. Le temps va faire évoluer la situation, les enfants vont grandir, avoir une maturité qui naturellement les fera prendre leur dimension et décider de leur vie, pouvant amener à un rapprochement avec leurs grands-parents.

Les médiations sont positives quand le lien affectif de l’épouse avec sa mère reste très fort. Les relations reprennent et les petits-enfants retrouvent leurs grands-parents avec en plus le dernier petit frère ou la petite sœur. Le mari ne s’y oppose pas sans participer. Ce qui est un bon début.

Une autre fois, c’est le petit garçon qui dit qu’il s’ennuie chez sa grand-mère, un peu âgée. Il ne restait plus qu’à trouver des sorties avec la mère et la grand-mère.

Désormais, les avocats participent à la médiation, ce qui est un plus.

Francine Summa, Avocate au barreau de Paris

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

3 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1www.mercipourlinfo.fr, grands-parents êtes vous responsables de vos petits enfants ? Publié le 02/10/2014.

[2Cass. 2ème Ch. Civ. 24 mai 1989 pourvoi n°88-12558.

[3Caen 4 février 1988.

[4Sur ce point voir l’article « garde des petits-enfants pendant les vacances : que se passe-t-il en cas d’accident ? » (www.tutelaire.fr mutuelle humaniste.).

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27875 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs