L’obligation de sécurité en milieu scolaire.

Par Francine Summa, Avocate.

162 lectures 1re Parution: Modifié:

Explorer : # obligation de sécurité # responsabilité civile # responsabilité pénale # prévention

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Les tueries scolaires, souvent attribuées à des facteurs comme l'accès aux armes et des problèmes psychologiques, sont un phénomène préoccupant se manifestant principalement aux États-Unis mais touchant aussi d'autres pays. La responsabilité en matière de sécurité incombe aux établissements scolaires, enseignants, parents et élèves. La prévention est essentielle pour éviter de tels drames.
Description rédigée par l'IA du Village

L’actualité récente des actes criminels commis dans l’enceinte d’établissements scolaires où des élèves ou des professeurs ont été mortellement attaqués, nous interroge sur la sécurité dans les établissements scolaires, publics ou privés. Si ces actes se sont perpétrés en France et à l’étranger - notamment aux USA - on ne saurait se contenter d’un constat de phénomène de société, de la société occidentale qu’on ne pourrait que déplorer (1).
Le droit français prévoit la responsabilité de l’Etat, y compris pour les établissements sous contrat, en cas de faute des professeurs. Selon “Service public”, tout ce qui se passe dans l’enceinte de l’établissement ou en sorties scolaires relève de la responsabilité de l’Etat. C’est bien vague surtout dans la pratique (2). L’obligation de sécurité, transcrite dans le droit français, d’application générale pourrait s’appliquer, restant à définir si elle serait de moyens ou de résultat. Le harcèlement de l’élève, réprimé pénalement, est de loin le plus utilisé par les parents contre l’établissement scolaire. Mais, cela ne suffit pas : les activités illicites - drogue, vols, chantage, extorsions, menaces - autour de l’école sont violentes et dangereuses. Aggravées par l’influence pernicieuse des réseaux sociaux, cause de suicides (3). Si les parents restent le rempart, la base, la forteresse qui doit protéger leurs enfants, encore faut-il qu’ils soient soutenus. Une action forte de prévention de la violence, par les cours d’empathie, notamment, est un début mais pas suffisant surtout pour les adolescents en mal d’être. L’école doit retrouver les fondamentaux de la IIIᵉ République, où l’école, l’instituteur étaient respectés, où l’instruction était une valeur sacrée, tout ce que nos enfants ne voient pas dans les médias montrant violence, haine, injures même dans les assemblées parlementaires où certains députés devant les caméras sont des histrions à des fins de records d’audiences, comportements déjà dénoncés chez les Grecs (4).

-

1- Les tueries à l’école : un phénomène sociétal venu des Etats-Unis.

C’est aux Etats-Unis que le retentissement de tueries dans les établissements scolaires s’est manifesté de façon répétitive, où l’usage des armes à feu, en vente libre a été dénoncé par les Démocrates- le commerce d’armes étant le fait d’entreprises républicaines.

On se souvient de la fusillade du lycée Colombine le 20 avril 1999 où Eric Harris et Dylan Klebold tuèrent 12 élèves et un professeur et firent 24 blessés avant de se suicider [1], Étude historique de 1927 à 2024, montrant la diversité des situations, crimes souvent suivis du suicide des tueurs.

28 tueries sont recensées de 1927 à 2024.

Tous les pays sont concernés :
Canada : 10 fusillades de 1959 à 2016
Allemagne : 7 attentats de 1913 à 2022
Russie : 7 fusillades de 2004 à 2022.

La liste est longue : Chine, Serbie, Italie, Pakistan…

En France, les tueries sont plus rares, quoique les familles françaises ont une opinion contraire : l’école est, selon elles, devenue un milieu dangereux.

Si les tueries ont été plus rares, elles ont été faites au couteau :

  • 19 mars 2012, tuerie à l’école juive Ozar Hatorah où un terroriste islamiste tua un professeur, 3 enfants et fit également plusieurs blessés. Quelques jours plus tard, il fut tué pendant l’assaut de la police.
  • 2014 : À Albi : une enseignante se fait mortellement poignardée en pleine salle de classe devant ses élèves de maternelle par une déséquilibrée
  • 2020 : Assassinat de Samuel Paty
  • 2023 : Assassinat d’Agnès Lassalle
  • 2023 : Assassinat de Dominique Bernard.

Une étude publiée en mai 2002 par le United States Secret Service et le département de l’Éducation des États-Unis indique qu’il n’existe pas de profil-type des meurtriers, sauf les tueurs ne commettent pas un acte irréfléchi : ils planifient, ils achètent des armes, ils racontent à d’autres ce qu’ils projettent. Leur travail de préparation peut être très long. La majorité vivaient avec leurs deux parents biologiques (44%) ou un parent biologique et un beau-parent (19%), d’autres étaient dans des familles monoparentales (21%) ou dans des familles adoptives (5%). Quelques-uns étaient solitaires, mais la plupart du temps ils avaient de nombreux amis [2].

Il est donc difficile voire impossible de “modéliser” un profil de meurtrier scolaire, même en utilisant l’intelligence artificielle, chatGPT, encore que l’on pourrait essayer mais faut-il des critères par pays, par nationalité, par temporalité ? Chaque époque a ses dangers.

Chaque crime a une histoire unique. La criminologie est une science humaine passionnante mais inexacte, ce serait trop simple, trop simple de croire que la pauvreté est la cause de la criminalité.

En France, il y a probablement des motivations politiques notamment pour les professeurs assassinés, mais pas que. La maladie psychiatrique reste la raison la plus fréquemment donnée par les autorités.

Ce qui pose le problème de la responsabilité de l’établissement hébergeur de ces malades mentaux, des parents pour les élèves meurtriers, et du personnel médical, les psychiatres principalement.

2- Qui est responsable ?

2-1 : l’établissement scolaire.

La notion d’établissement n’est pas juridique, l’établissement n’a pas de personnalité morale. Mais elle est intéressante par la globalité qu’elle représente.

Le site Service Public [3], étend la responsabilité à tout le personnel, pris in extenso :

Circulaire n°96-248 du 25 octobre 1996 relative à la surveillance des élèves :

  • Au collège, tous les personnels de l’établissement scolaire doivent assurer la surveillance des élèves : le chef d’établissement est responsable de l’ordre, de la sécurité des personnes et des biens dans l’établissement. Il veille au respect des droits et des devoirs de tous les membres de la communauté scolaire et assure l’application du règlement intérieur.
    Le conseiller principal d’éducation (CPE) organise le service des personnels de surveillance (les assistants éducatifs, aussi appelés surveillants).
    Les enseignants pendant les heures de classe et les autres activités qu’ils encadrent.
    D’autres personnes extérieures exerçant une fonction d’encadrement : un agent communal mis à la disposition de l’établissement, un intervenant extérieur pendant une activité sportive, un accompagnateur bénévole pendant une sortie scolaire.

Cette surveillance doit être faite “pendant tout le temps scolaire”, à l’intérieur comme à l’extérieur des locaux, pendant les sorties et les activités scolaires, y compris pour les accompagnateurs bénévoles.

Exercices bi-annuels : circulaire n°2015-205 du 25 novembre 2015 relative aux mesures de sécurité dans les écoles et établissements scolaires après les attentats du 13 novembre 2015.

L’établissement scolaire doit aussi mettre en place un plan particulier de mise en sécurité (PPMS). Ce dispositif doit permettre la mise en sécurité des élèves et du personnel en cas d’intrusion dans l’établissement notamment.

Chaque année, 2 exercices de type PPMS (mise à l’abri ou confinement) sont organisés dans l’établissement.

  • Au lycée, où les élèves sont plus âgés, les mêmes principes de vigilance et de surveillance sont appliqués pendant le temps scolaire et les activités extra-scolaires.
    Un plan bi-annuel de mise en sécurité est également prévu.

2-2 : responsabilité des enseignants.

La responsabilité des enseignants est régie par le Code de l’éducation : articles L911-1 à L911-8.

Plus précisément, l’article L911-4 du Code (ancienne Loi du 5 avril 1937) précise les conditions de la mise en œuvre de la responsabilité des enseignants :

Dans tous les cas où la responsabilité des membres de l’enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l’occasion d’un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs fonctions, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l’Etat est substituée à celle desdits membres de l’enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants.
Il en est ainsi toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d’enseignement ou d’éducation physique, non interdit par les règlements, les élèves et les étudiants confiés ainsi aux membres de l’enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers.
L’action récursoire peut être exercée par l’Etat soit contre le membre de l’enseignement public, soit contre les tiers, conformément au droit commun.
Dans l’action principale, les membres de l’enseignement public contre lesquels l’Etat pourrait éventuellement exercer l’action récursoire, ne peuvent être entendus comme témoins.
L’action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l’Etat, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l’ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et dirigé contre l’autorité académique compétente.
La prescription en ce qui concerne la réparation des dommages prévus par le présent article est acquise par trois années à partir du jour où le fait dommageable a été commis
.”

Quatre conditions :
1- fait dommageable causé ou subi par un élève pendant le temps de la surveillance des membres de l’enseignement public,
2- substitution de la responsabilité de l’Etat,
3- compétence des tribunaux judiciaires du lieu du dommage dirigée contre l’autorité académique compétente,
4- prescription de 3 ans à compter du jour où le fait dommageable a été commis.
Une action pénale est également possible si les faits sont délictueux.

3- L’obligation de sécurité au pénal.

L’obligation de sécurité, introduite dans le droit français par une Directive européenne, est applicable au civil comme au pénal, en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité. Pour des raisons politiques, le Droit français a réduit la portée de cette obligation à des conditions très strictes exigeant la preuve d’une faute intentionnelle, ceci afin d’exclure les responsables juridiques et politiques de son champ d’application.

Article 121-3 du Code Pénal :

Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui.
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer
.”

Une action pénale est donc ouverte en cas de décès, de blessures ayant entrainé une incapacité temporaire supérieure ou inférieure à huit jours ou sans incapacité à charge de prouver un manquement à une obligation de sécurité directe ou indirecte exposant autrui à un risque grave qui ne pouvait être ignoré de la personne incriminée de par sa position responsable.

En milieu scolaire, il appartiendra de démontrer l’insuffisance des mesures déployées pour assurer la sécurité des élèves : absence de formation des personnels enseignants et non enseignants, absence de règlement intérieur prévoyant un protocole de mesures de sécurité, d’alerte, absence de contrôle des élèves entrant (fouille des sacs), défaut de vigilance sur le comportement de certains élèves par leurs enseignants ou encadrants. Un reportage sur les mesures de sécurité d’une école aux USA diffusé récemment sur TF1, a montré outre des portiques décelant des armes métalliques, les sacs à dos des élèves en plastique transparent pour voir ce qu’il y avait. En cas de suspicion, le sac est vidé. Mesures comme dans les aéroports où les voyageurs doivent vider leurs poches et quelquefois enlever leur manteau.
Tout directeur d’établissement doit démontrer qu’il a tout bien fait sur tous les plans, enseignants, encadrants, personnel technique, élèves inscrits (passé médical ou délictuel), locaux, sécurisation des élèves (confinement ou évacuation), agents de sécurité armés, etc.

La prévention est de loin la protection la plus efficace.

4- Les acteurs de la prévention.

4-1 : les parents.

Les parents sont le premier verrou de sécurité. Ils élèvent leurs enfants depuis leur naissance et ils connaissent leur comportement. Ils détectent un changement d’attitude, si leur enfant devient différent, mutisme, désintérêt de la vie de la famille, isolement avec son smartphone, problèmes scolaires.

Ils doivent ne pas tarder, consulter, constituer une équipe pédagogique pour remettre dans les rails leur enfant.

Par contre, ils ne devront pas couvrir ni dissimuler à l’établissement scolaire qui devra prendre la responsabilité au vu du dossier de l’enfant renvoyé d’établissement en établissement de le prendre en informant les enseignants pour qu’ils placent et surveillent plus encore ces enfants déstabilisés.

Si l’intérêt de ces enfants peut être d’être intégrés, cela ne doit pas être au détriment de la sécurité des autres élèves.

Dans une affaire récente où une jeune fille a été poignardée à mort par un adolescent en mal d’être, la mère était au courant de cette situation. Cependant, il apparaît selon les médias qu’elle avait été voir à trois reprises un centre pour adolescents et que rien n’avait été fait malgré ses craintes. La victime fut cette jeune fille, celle qui lui avait tendu la main par charité, attitude interprétée faussement par ce garçon qui avait cru à un amour naissant.

4-2 : les élèves.

Les élèves, filles et garçons, savent, se connaissent, forment des groupes, désignent les têtes de turcs, les leaders,les forts, les faibles, les beaux, les moches, les premiers de la classe à chambrer. Ils se font des challenges, des jeux idiots mais dangereux, ils sont sur leurs smartphones, ils sont les sachants.

Sachants muets - malheur à celui qui a dénoncé.

Cette morale, venue des médias, Snapchat surtout, mais aussi Facebook auparavant, il faut la dénoncer et la combattre par une censure de ces plateformes criminelles. Aux Etats-Unis, le Sénateur du Missouri Josh Haslay avait réuni au Sénat tous les présidents de ces plateformes, venus de pays étrangers (Chine notamment), avec les parents d’enfants suicidés pour leur demander de se retourner vers eux et de leur présenter leurs excuses. Scène très éprouvante pour ces parents et consternante pour ces dirigeants soucieux de leurs chiffres d’affaires [4].

Donc soyons vigilants.

Francine Summa, Avocate au barreau de Paris.

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Notes de l'article:

[1Voir tuerie en milieu scolaire -Wikipedia.

[2VO Wikipedia tueries en milieu scolaire.

[3Collège lycée : surveillance des élèves/Service-Public.fr

[4Séance du 1er février 2024 :”A product that’s killing people : Lawmakers chastise social media giants for harm to kids. Missouri Sen. Josh Hawley urged Facebook’s founder to compensate victims of abuse on his company’s platforms.”

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