En le conduisant au véhicule sérigraphié de la police, il sera victime de plusieurs infractions qui, si leur commission est prouvée, devrait avoir des conséquences graves sur le plan pénal.
Lorsque la victime est sortie de l’eau, un des policiers lancera à ses collègues hilares : « Un bicot, ça ne nage pas », s’en suit un éclat de rires généralisé de la dizaine de policier présents sur place.
Un autre lui répondra : « Ça coule, tu aurais du lui attacher un boulet au pied ».
Cette scène exposant ces propos aurait pu s’arrêter là. Mais il semble que les policiers avaient réservé un tout autre sort à l’individu qui venait d’être injurié et humilié. Selon la vidéo postée par un journaliste, Taha Bouhafs, il semble que la victime ait été placée dans un fourgon cellulaire et roué de coups et d’autres sévices dont nous devinons l’ampleur de par ses hurlement insoutenables et ses suppliques. Cette vidéo clandestine a été réalisée par un voisin choqué de cette scène.
Se posent alors plusieurs questions sur les actions pouvant être mise en place par la victime dans le cas particulier d’auteurs présumés policiers.
La victime est un des canaux pouvant entraîner la mise en mouvement de l’action publique et sa participation à l’enquête ou au procès se fait selon plusieurs voies :
Le dépôt de plainte classique en gendarmerie ou dans un commissariat de police ;
Le dépôt de plainte entre les mains du procureur de la République par courrier avec accusé de réception. Il est important de noter que les victimes ont la possibilité de former un recours hiérarchique contre le classement sans suite ordonné par le procureur en saisissant le Procureur Général [1] ;
La constitution de partie civile devant un magistrat instructeur lorsque une victime ayant déposé plainte se voit notifier un classement sans suite par les services du parquet en charge d’instruire la plainte. Le juge d’instruction sera donc seul à pouvoir juger de l’opportunité d’un renvoi devant la juridiction répressive.
Une fois encore les victimes doivent garder à l’esprit que cette constitution de partie civile est conditionnée par le préalable du dépôt de plainte entre les mains du procureur de la République, deux conditions doivent être alors respectées :
Les services du parquet informent la victime qu’aucune poursuite ne sera effectuée suite à la plainte (avis de classement sans suite) ;
ou bien qu’un délai de trois mois se soit écoulé depuis le dépôt de plainte et qu’aucune mesure d’enquête ou de poursuite n’ait été exercée.
Pour déposer plainte entre les mains du Doyen des juges d’instruction, il conviendra de lui adresser un courrier avec accusé de réception relatant votre volonté. L’assistance d’un Avocat spécialisé est vivement conseillée.
La victime peut également mettre en mouvement l’action publique par le biais d’une citation directe si elle estime disposer de l’ensemble des preuves nécessaires pouvant déboucher sur la condamnation des prévenus. Cette citation doit répondre à certaines conditions, notamment une consignation obligatoire, c’est ce qu’on appelle la constitution par voie d’action [2].
La scène se déroulant en Seine-Saint-Denis choque et va choquant encore longtemps, selon les premiers éléments qui découlent du visionnage de la vidéo, nous pouvons raisonnablement envisager que des poursuites soient initiées pour des faits de violences et d’injures à caractère racistes.
Il est important de rappeler que le Droit français dispose de tous les outils pour sanctionner ces types de comportement.
L’article 222-13 du Code pénal dispose :
« Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises :
Le législateur a prévu dans sa sagesse, un 5°bis et un 7° qui s’appliquent parfaitement aux faits
débattus.
5° bis A raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ;
7° Par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission ».
Il est très important de souligner ce dernier alinéa car il s’agit d’une disposition trop peu soulignée voire occultée. Le législateur entend ériger sur le même plan la circonstance aggravante des violences faites aux forces de l’ordre et par les forces de l’ordre. Les policiers et gendarmes sont donc assujettis à un devoir d’exemplarité qui, lorsqu’il n’est pas respecté, peut aggraver la sanction pénale qui peut leur être infligée.
Il n’y a donc aucune tolérance légale face aux violences policières et il n’est pas vain de le rappeler.
Il est également précisé que les faits peuvent revêtir une qualification de violences volontaires en réunion, néanmoins il faudra attendre les premiers résultats de l’enquête pour que cela soit envisagé.
Nous rappelons brièvement les conditions devant être réunies pour que soit retenu le délit de violences volontaires.
Les articles 222-7 et suivants du Code pénal sont relatifs à ces types de violences. L’autorité de poursuite, la Procureur de la République, devra démontrer :
Les violences en elles mêmes qui correspondent à tout geste brutal qui cause une souffrance physique à la victime. Tels que des coups de poing, des gifles, des coups portés avec une arme, ceci pourra d’ailleurs revêtir la qualification de violence avec la circonstance de l’usage d’une arme ;
La volonté de créer une un trouble ou un préjudice physique de part une action volontaire et directe.
Un lien naturel et évident entre l’action physique et le résultat constitutif du préjudice.
La sanction encourue est de trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende. Ces violences pourront entraîner une qualification différente si la circonstance de la réunion est retenue, dans ce cas la sanction sera portée à cinq ans d’emprisonnement.
Outre ces violences, le calvaire de la victime a également consisté en des injures à caractère raciste. Là encore, la loi prévoit de sanctionner assez sévèrement les propos et injures fondées sur l’appartenance ethnique ou religieuse d’un individu.
Le loi du 29 juillet 1881 et le Code pénal distinguent les injures publiques et non publiques, celles-ci ne nous intéressant pas, le caractère publique n’est en l’espèce pas discutable, les injures ayant été proférées sur la voie publique.
Dans ce cadre, l’alinéa 3 de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 dispose : « Sera punie d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende l’injure commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».
Aucun dégât sur le caractère raciste du terme "bicot", puisque celui-ci est une insulte raciste répertoriée comme telle par le dictionnaire. Il désigne étymologiquement le petit de la chèvre et est la résultante du diminutif "arabicot" désignant les maghrébins du nord de l’Afrique.
La Justice appréciera également le côté humiliant de la scène puisqu’on proposait de lui accrocher un boulet au pied pour "qu’il coule".
Néanmoins, les victimes de ce genre de violences, physiques et psychiques, doivent également savoir que le droit français n’est pas le seul à les condamner.
Le Droit international condamne les violences et injures au sens large du terme, en englobant ces deux infractions par la notion de traitements inhumains et dégradants [3]. Ces dispositions ne demeurent pas qu’inscrites dans le marbre. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est active sur la question des violences policières.
Voici quelques illustrations récentes (nous n’en citeront que deux, la jurisprudence en la matière étant abandonnante).
La Cour européenne des Droits de l’Homme est très audacieuse en matière de violences policières. Elle interprète de manière très extensive les dispositions de la ConvEDH et se permet une liberté, pour le moins courageuse dans la qualification juridique des infractions qui lui sont soumises. C’est ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme a pu estimer qu’une gifle portée par un policier consistait en un traitement inhumain et dégradant [4].
La France n’est pas en reste, puisqu’elle a également été condamnée dans un arrêt récent pour violences policières [5].
Le sort de cet étranger correspond également parfaitement avec l’actualité jurisprudentielle des violences policières, puisque un arrêt très important vient d’être rendu par la Cour européenne des Droits de l’Homme. La France vient une nouvelle fois d’être condamnée pour des violences policières. La Cour a estimé que lors d’une perquisition, l’opération était dépourvue de garanties suffisantes face au risque d’abus d’autorité et que les coups portés à la victime par les policiers violés la dignité humaine et n’étaient pas proportionnées [6].
La condamnation du comportement, présumé, des policiers est donc totale, tant sur la base du droit interne que du droit international, il ne reste désormais plus qu’une volonté ferme et réelle des membres du Ministère Public pour que des suites judiciaires soient données.
Il est impératif pour la crédibilité de la Justice que nous croyons au professionnalisme et en la conscience des magistrats du parquet qui forment la clé de voûte de la procédure pénale (quoiqu’en disent leurs détracteurs) et sont garant de l’ordre public et rappeler également qu’ils ne sont ni policier ni gendarme mais bien une autorité protectrice des victimes.
A ce jour, les policiers suspectés ont été suspendus.
Si la situation avait été inverse, cet égyptien aurait-il pu jouir de sa liberté ? Très certainement pas ! Il aurait eu la joie de goûter à la détention provisoire dans le cadre d’une ouverture d’information judiciaire ou d’une comparution immédiate.
Discussion en cours :
Je remercie et félicite Maître HAMROUN, pour cette article.
Si les services de police commencent à banaliser le racisme et la torture en France, pays soi-disant respecteux des droits de l’homme.
Je pense que ce sera la fin dun cycle et le début de nombreux problèmes à venir.