Le modèle « locked-box » s’est imposé comme une solution intéressante, notamment dans les transactions où l’on souhaite éviter des ajustements postérieurs à la clôture et offrir aux parties une plus grande sécurité. Son application nécessite néanmoins de réguler certains aspects fondamentaux, tels que la potentielle fuite de valeur de l’entreprise avant la clôture (« leakage ») ainsi que les exceptions autorisées (« permitted leakage »).
Dans cet article, nous analyserons en détail le fonctionnement du système de la « locked-box », les risques qu’il peut comporter et la manière dont les parties peuvent le structurer afin de garantir une cession efficace et transparente.
La « locked-box ».
Le processus de cession d’une entreprise ne se fait pas instantanément, puisqu’il existe un certain délai entre le début des négociations et la réalisation effective de la transaction. Par conséquent, la valorisation de l’entreprise au début des négociations sera sans doute différente de la valorisation de l’entreprise au moment de la clôture. Par conséquent, les parties doivent convenir, à un stade initial des négociations, d’un critère clair pour la fixation du prix. Il existe pour cela des formules telles que l’ajustement du prix au moyen des « completion accounts » ainsi que la « locked-box » (littéralement la « boîte verrouillée » en français), un mécanisme sur lequel nous allons nous pencher dans cet article.
Lorsque la formule de la « locked-box » est utilisée, les parties fixent initialement le prix final de la cession, qui en principe ne variera pas à la clôture des négociations ou de la transaction, quels que soient les résultats financiers de l’entreprise. Les parties utilisent en général une date de référence pour fixer le prix (par exemple, si l’on prend en compte les états financiers au 31 décembre 2024, cette date peut constituer la date de référence).
Le « leakage ».
Dans ce contexte, et puisqu’il n’y aura pas d’ajustement du prix, le vendeur doit garantir à l’acheteur que, à compter de la date de référence et jusqu’à la clôture de la transaction (« locked-box period »), il n’a réalisé aucune action ni pris aucun engagement impliquant une sortie de fonds (« leakage ») en faveur du vendeur, de ses personnes liées, de ses conseillers ou des administrateurs ou dirigeants de l’entreprise. Ces sorties de fonds peuvent être par exemple une annulation de dette en faveur d’administrateurs ou de dirigeants, un financement accordé à des personnes liées ou le paiement d’honoraires à des conseillers dans le cadre de la négociation et de l’exécution de la transaction.
Compte tenu de ce qui précède, il convient de définir dans le contrat les conséquences qu’entraînerait un « leakage » survenu pendant la « locked-box period », et il est courant de convenir que les vendeurs sont solidairement responsables envers l’acheteur pour toute sortie de fonds, généralement sans être soumis aux limites de responsabilité établies pour d’autres réclamations dans le contrat. Ainsi, le vendeur devra indemniser l’acheteur pour les montants découlant : (i) des sorties de fonds, (ii) des frais engagés par l’acheteur ou la société pour déterminer et récupérer les montants correspondants, et (iii) de tout impôt qui pourrait être dû à la suite de l’indemnisation résultant du « leakage ».
De même, il est important de préciser dans le contrat la procédure d’indemnisation en faveur de l’acheteur (notamment les délais et les documents justificatifs du « leakage »). Pour éviter des divergences entre les parties sur la fixation du montant correspondant à la sortie de fonds, il peut être prévu dans le contrat que les parties soumettent le différend à un tiers, par exemple un expert-comptable, dont l’avis serait contraignant.
Le « permitted leakage ».
Cependant, les parties peuvent convenir d’exceptions pour certaines sorties de fonds (les paiements autorisés ou « permitted leakage »), qui sont effectuées au su et avec le consentement de l’acheteur pendant la « locked-box period », avec les implications correspondantes sur la fixation du prix de la transaction. Par exemple, si le paiement autorisé correspond à la rémunération de l’un des vendeurs pour les services qu’il a fournis à l’entreprise, le montant exact de cette rémunération doit être indiqué. Ainsi, le fait de définir de manière claire et exhaustive les « permitted leakages » permettra d’éviter de futurs litiges entre les parties.
Conclusion.
Dans ce type de transactions, qui sont complexes par leur nature et en raison des spécificités propres à chaque cas, la méthode de la « locked-box » peut s’avérer très intéressante, dans la mesure où elle permet d’éviter de recourir à des définitions financières complexes, à des mécanismes d’ajustement du prix ou à la nécessité d’établir de nouveaux comptes de clôture (« closing accounts »). En tout état de cause, le recours à l’une ou l’autre méthode de calcul du prix dépendra des spécificités de chaque situation (par exemple, dans le cas d’une entreprise opérant dans un secteur en constante évolution, il peut être inévitable d’employer la méthode d’ajustement du prix). Par ailleurs, il faut savoir que la « locked-box » tend à favoriser les intérêts du vendeur, qui connaîtra avec certitude le montant qu’il percevra pour la transaction, indépendamment des résultats économiques futurs de l’entreprise.