Les règles applicables antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi Hamon
Il convient de rappeler dans un premier temps les règles applicables en la matière antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi Hamon.
En principe, lorsque l’annonceur est un consommateur, les règles protectrices du Code de la consommation doivent s’appliquer et notamment celles encadrant les contrats conclus hors établissement ou à distance (article L. 221-1 et suivants du Code de la consommation).
Toutefois, la Cour de cassation avait jugé, dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 26 novembre 2002 (n° 00-17610), que si la publicité a pour vocation de promouvoir l’activité professionnelle de l’annonceur, la qualité de consommateur lui était refusée.
D’une façon générale, selon la Cour de cassation, pour qu’il y ait rapport direct avec l’activité professionnelle et que les dispositions du Code de la consommation soient exclues, il suffisait que le contrat conclu permette un développement ou une promotion de l’activité professionnelle.
La question qui se pose aujourd’hui est celle de l’influence de la loi Hamon sur les règles jusqu’alors applicables.
Les règles applicables à compter de l’entrée en vigueur de la loi Hamon
Il convient ainsi de s’interroger sur la question de savoir si la loi Hamon est susceptible de remettre en cause l’exclusion des dispositions du Code de la consommation pour les contrats de vente d’espaces publicitaires souscrits par des entreprises ou des commerçants en vue de promouvoir leur activité professionnelle.
La question de l’application ou non du délai de rétractation de 14 jours plus précisément prévu au profit des consommateurs paraît être au centre des interrogations actuelles.
La loi Hamon du 17 mars 2014, sont entrées en vigueur le 1er juillet 2016, a transposé la directive communautaire relative au droit des consommateurs. Cette loi a ainsi unifié le régime des ventes au domicile du consommateur (qualifiées de vente « hors établissement ») ou à distance, et le législateur est venu généraliser la faculté de rétractation.
L’alinéa 1er de l’article L. 221-18 du Code de la consommation dispose que : « le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25 ». Cette disposition est d’ordre public conformément à l’article L. 221-29 du même Code.
Or, le législateur a étendu la protection au-delà des consommateurs et des non-professionnels en visant les professionnels dans des cas limités.
L’article L. 221-3 du Code de la consommation prévoit ainsi que « les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».
La section 6, intitulée « Droit de rétractation applicable aux contrats conclus à distance et hors établissement » et comprenant l’article L. 221-18 du Code de la consommation, est donc bien applicable aux contrats conclus entre deux professionnels.
Néanmoins en application de l’article L. 221-3, les dispositions peuvent s’appliquer entre deux professionnels mais uniquement :
lorsque l’objet du contrat conclu n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel ;
et
que le nombre de salariés est inférieur ou égal à 5 (le micro-professionnel est ici assimilé à un professionnel).
Ces deux conditions sont cumulatives.
Ainsi, c’est l’interprétation de la notion de « champ de l’activité principale du professionnel » qui pourrait donner naissance à certaines difficultés.
Jusqu’à présent, la Cour de cassation avait posé le principe du « rapport direct » avec l’activité professionnelle.
Or, ce critère du « rapport direct » a disparu au profit d’une nouvelle formulation qui peut sembler différente : celle de « l’objet du contrat entrant dans le champ d’activité principale ».
Ce n’est donc plus un rapport direct avec l’activité qui doit être démontré mais il faut démontrer que l’objet du contrat, en l’espèce la vente d’un espace publicitaire, entre dans le champ de l’activité principale du professionnel démarché.
La Cour de cassation a toutefois rendu un arrêt, le 29 mars 2017, au visa du nouvel article L. 221-3 du Code de la consommation (n°16-11.207). Il s’agit de la même Chambre que celle qui avait rendu l’arrêt en 2002.
Dans cette affaire, une sophrologue a signé un bon de commande d’insertion publicitaire dans un annuaire local, sur le lieu d’exercice de son activité professionnelle et après démarchage téléphonique. La sophrologue, qui n’avait aucun salarié, s’est rétractée par courrier recommandé.
La juridiction de proximité, saisie de la demande en paiement introduite par la Société en 2015, a considéré que l’objet du contrat litigieux n’entrait pas dans le champ d’application de l’activité principale de la sophrologue.
La Cour de cassation a cassé le jugement rendu par la juridiction de proximité en jugeant que : « après avoir constaté que Mme X… exerçait la profession de sophrologue et avait été démarchée dans le cadre de son activité professionnelle pour souscrire le contrat d’insertion publicitaire litigieux, la juridiction de proximité, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ».
L’arrêt de la Cour de cassation, rendu au visa des nouveaux textes parait clair.
La Cour de cassation entend maintenir sa jurisprudence antérieure en retenant que le contrat a été conclu dans le cadre de l’activité professionnelle du professionnel démarché et que les dispositions du Code de la consommation ne lui sont donc pas applicables.
Même si la jurisprudence de la Cour de cassation est naturellement toujours susceptible de subir des revirements, le critère de l’activité professionnelle semble donc suffisant pour que les professionnels soient exclus des règles protectrices relatives au démarchage.
Discussions en cours :
Cet arrêt de la Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 mars 2017, 16-11207 est tout à fait étrange.
Affirmer que le tribunal de proximité de Libourne viole les lois n’est pas suffisant.
Affirmer que l’objet du contrat conclu entre dans le champ de l’activité principale du professionnel n’est pas suffisant.
Il faut aussi le motiver.
Le rapport de la séance du 12 septembre 2013 au Sénat consacré aux travaux sur la loi Hamon est pourtant sans ambiguïté !
M. Alain Fauconnier, rapporteur.
« Autrement dit, quand l’objet du contrat sera lié au champ de compétences du professionnel, il n’y aura pas de protection possible. Par exemple, un boulanger qui voudra se procurer un four sera censé savoir ce qu’il achète. En revanche, si l’objet du contrat n’est pas lié à la compétence du professionnel, ce dernier sera considéré comme un simple consommateur. »
Source :
https://www.senat.fr/seances/s201309/s20130912/s20130912003.html
Dans un arrêt récent, la cour de cassation reconnaît la qualité de consommateur dans une affaire qui l’oppose à un autre professionnel en raison de son activité principale sans rapport avec l’objet du contrat proposé !
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/premiere_chambre_civile_3169/2018_8490/septembre_8937/804_12_40145.html