Le marketing d’embuscade, des opportunités à la lisière de la légalité.

Par Etienne Bucher, Avocat.

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Explorer : # marketing d'embuscade # pratiques promotionnelles # responsabilité civile délictuelle # libre concurrence

Les termes « marketing d’embuscade » ou « ambush marketing » ne sont pas des notions juridiques encadrées et font référence à des pratiques très diverses.

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Elles peuvent cependant être définies comme l’ensemble des pratiques promotionnelles qui font écho au positionnement d’une marque ou d’un annonceur qui cherche à se rendre visible lors d’un évènement de grande ampleur, sans avoir recueilli l’autorisation des organisateurs dudit évènement.

Toutefois, le simple fait pour une entreprise d’associer ses activités à un évènement de grande importance ne constitue pas en soi une pratique illégale.

Il importe de faire la distinction entre les pratiques qui ne peuvent raisonnablement être considérées comme illicites et les pratiques abusives qui sont le fait de sociétés qui se placent frontalement dans le sillage de l’évènement afin de bénéficier de sa notoriété sans bourse délier.

Cette distinction fait écho à la balance des intérêts entre les principes fondamentaux que sont la libre concurrence et la liberté d’expression face aux monopoles que les organisateurs d’évènements sportifs sont en droit de se voir reconnaître.

L’embuscade, une pratique condamnable.

Est sanctionnable, sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle, le comportement parfois désigné par la jurisprudence sous le terme d’« ambush marketing », consistant à tirer profit de la notoriété d’un évènement populaire.

Cette stratégie publicitaire mise en place par une entreprise afin d’associer son image commerciale à celle d’un événement et donc de profiter de l’impact médiatique dudit événement sans s’acquitter des droits qui y sont relatifs et sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’organisateur de l’événement est condamnable par les tribunaux.

À ce titre, la jurisprudence a d’ores et déjà sanctionné sur le fondement du parasitisme « l’utilisation de références aux symboles olympiques et à l’univers des jeux pour des opérations de communication commerciale » [1].

Il est en de même pour une entreprise qui avait tenté de s’associer à l’image du festival de Cannes et de profiter de sa valeur économique en y associant ses propres marques en contournant le caractère exclusif des partenariats promotionnels [2].

Ces condamnations sont éminemment logiques puisque les partenaires officiels investissent massivement en vue d’être associés à l’évènement populaire.

La liberté du commerce ne saurait autoriser à créer une confusion et à l’entretenir au détriment du partenaire officiel de l’événement.

En conséquence, tous les agissements qui sont susceptibles de tromper le consommateur et de le détourner injustement d’un concurrent, profitant ainsi sans bourse délier des investissements réalisés pour financer un partenariat sont punissables par les tribunaux.

Les références humoristiques, discrètes et décalées.

Il ne faudrait toutefois pas s’y méprendre, un annonceur est en principe libre de communiquer et d’assurer sa promotion en utilisant des couleurs, des images ou certains symboles.

La Cour de cassation a en 2014, approuvé la Cour d’appel de Paris d’avoir écarté toute faute envers le constructeur Fiat qui avait fait paraître dans la presse, durant le tournoi des 6 nations, une publicité pour la Fiat 500 avec un message suivant : « France 13 Angleterre 24, La Fiat 500 félicite l’Angleterre pour sa victoire et donne rendez-vous à l’équipe de France le 9 mars pour France-Italie » associé à différentes photographies et noms de concessionnaires.

Dans cette affaire, les juges ont estimé que cette communication se bornait « à reproduire un résultat sportif d’actualité » sans jamais capter de manière injustifiée un « flux économique résultant d’évènements sportifs organisés », ni réaliser d’« exploitation directe illicite » de l’évènement [3].

Dans la même veine, la Cour d’appel de Paris a jugé que l’emploi des termes tels que le « 7ème art » ou « Cannes » dans un message promotionnelle est parfaitement licite [4].

Ainsi, il n’est pas rare que certains annonceurs se placent à la lisière de la légalité afin de développer des stratégies promotionnelles permettant de bénéficier de l’enthousiasme généré par l’évènement et de tirer profit de l’effervescence médiatique et populaire.

Toutefois, il convient pour les agences de communication de rester extrêmement prudentes lors de la création de leur campagne puisque ces techniques marketing sont très régulièrement condamnées par les tribunaux.

En outre, il est primordial pour les marques et annonceurs de prévoir dans les contrats qui les lient avec les agences de communication certaines clauses spécifiques afin que ces dernières garantissent la licéité de la campagne proposée.

Étienne Bucher - Éris Avocat

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Notes de l'article:

[1TJ de Paris - 29 mai 2020 RG n° 18/14115.

[2TJ de Paris - 11 décembre 2020 RG n°19/08543.

[3Cour de cassation, chambre commerciale 20 mai 201 RG n°13-12.102.

[4Cour d’appel de Paris 8 juin 2018 n° 17/12912.

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