La première question qui peut se poser est de savoir qui de l’employeur ou du comité d’entreprise est le plus légitime à mettre en place cette démarche. Bien entendu, aucun texte ne répondra à cette question mais dans le cadre du développement du bien-être des salariés, il parait plus évident que cette initiative appartienne à l’employeur. Du reste, en pratique, les terrains sont souvent la propriété de l’entreprise et non du Comité d’entreprise. L’employeur semble donc plus à même de proposer cette activité.
Le Comité d’entreprise gardera la possibilité d’organiser de son côté des cours de jardinage ou toutes autres activités à destination des salariés dans le cadre de ses activités socio-culturelles par exemple. Il peut être envisagé également la création d’une association qui serait en charge de gérer ces activités.
Dans un deuxième temps, il convient de s’interroger sur la qualification de cette pratique au regard des textes relatifs aux avantages en nature. Il est nécessaire de rappeler à ce titre que, selon l’Urssaf, les avantages en nature « sont constitués par la fourniture par l’employeur à ses salariés d’un bien ou service. La mise à disposition peut être gratuite ou moyennant une participation du salarié inférieure à leur valeur réelle ». En mettant à disposition de ses salariés une parcelle de terre à titre gratuit ou à une valeur inférieure à la valeur réelle de la location d’une parcelle et en leur permettant de planter des fruits et légumes qu’ils pourront eux même récupérer, l’employeur fournit à ses salariés un avantage en nature.
En effet, la location ou l’achat d’une parcelle de terre pour cultiver des fruits et légumes a incontestablement un coût. Ce dernier sera d’autant plus élevé si le salarié souhaite louer ou acheter une parcelle de terre en milieu urbain. En conséquence, la mise à disposition d’une parcelle de terre à titre gratuit ou en contrepartie d’une « cotisation » symbolique doit être qualifiée d’avantage en nature selon la définition de l’Urssaf. Tout comme la mise à disposition d’une salle de sport, cette pratique a pour but de favoriser le bien être des salariés mais elle n’échappe pas selon l’Urssaf au paiement de cotisations. Cet avantage en nature devra donc apparaître sur le bulletin de paie du salarié.
D’autres questions peuvent se poser quant à la pratique même de l’activité de jardinage effectuée par les salariés.
La reconnaissance d’un accident de travail nécessite que ce dernier ait lieu pendant le temps de travail et sur le lieu de travail.
En l’espèce, il est possible d’imaginer que les salariés puissent être amenés à se rendre sur les terrains au cours de leurs journées de travail ou durant leurs pauses.
Sur la notion de lieu de travail, la Cour de cassation a pu considérer à de nombreuses reprises par exemple que l’accident de travail intervenu au cours de la pause-déjeuner au restaurant d’entreprise devait être assimilé à un accident de travail.
Sur la notion de temps de travail, là encore la Cour de cassation a pu considérer que l’accident intervenu lors d’une pause-déjeuner ou autre devait être considéré comme un accident de travail (Cass. soc., 12 janv. 1977, no 76-10.518, Bull. civ. V, no 23).
Toutefois, l’accident intervenu au sein de l’entreprise mais en dehors du temps de travail du salarié ne sera pas qualifié d’accident de travail.
Dès lors, dans l’hypothèse ou un salarié viendrait en avance au sein de l’entreprise ou même en dehors des heures de travail pour cultiver son terrain, l’accident de travail serait difficilement retenu.
En effet, la Cour de cassation considère que l’accident intervenu avant l’horaire officiel sera qualifié d’accident de travail uniquement, dans la mesure où cette présence était connue, tolérée, voire prévue par l’employeur et qu’elle était en rapport avec l’activité professionnelle (Cass. soc., 12 oct. 1967, Bull. civ. IV, no 60 ; Cass. 2e civ., 7 avr. 2011, no 10-16.157).
Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d’accident de travail est très précise. Elle évoque bien les pauses « justifiées par les nécessités de la vie courante » (manger, boire, fumer), (Cass. soc., 9 avr. 1973, no 72-11.93).
En conséquence, le parallèle avec l’accident intervenu au restaurant d’entreprise ne parait pas justifié. Le fait de cultiver les parcelles de terrain ne rentre pas dans la catégorie des « nécessités de la vie courante ». Il s’agit davantage d’un loisir ou d’une activité de détente. Le salarié n’est en aucun cas contraint par son employeur de se rendre sur les parcelles de terrain.
La notion d’accident de travail ne sera donc pas retenue si l’accident a lieu au cours d’une pause par exemple.
Pour être certain d’éviter la qualification d’accident de travail, l’employeur a tout intérêt à fixer des règles d’accessibilité des terrains uniquement en dehors des horaires de travail habituels, c’est à dire en dehors des pauses habituelles.
Par ailleurs, il sera important pour lui de bien interdire aux salariés d’accéder aux terrains en dehors des heures d’ouverture de la société.
Il devra également être précisé qu’en cas de suspension du contrat de travail du salarié (en cas de congés ou arrêt maladie par exemple), ce dernier ne pourra se rendre sur les parcelles de terrain.
Enfin, d’autres questions pourront se poser notamment quant à l’entretien des parcelles de terres en l’absence du salarié ou encore suite à la rupture de son contrat de travail. Le salarié pourrait-il par exemple revendiquer l’appartenance des plantes et autres qu’il aurait entretenus et développer pendant plusieurs années ou demander une indemnisation en conséquence ? Là encore, la réponse devra être construite en l’absence de dispositions réglementaires. Il peut être imaginé que l’employeur demande à ses salariés de remettre en état les parcelles de terre mises à disposition. Dans ce cas, le salarié serait contraint d’arracher ses plantations. Dans l’hypothèse où il aurait lui-même acheté les graines notamment, il pourrait être envisagé de le laisser partir avec.
La question se pose également de la possibilité pour le salarié de venir cultiver ses terres avec des tiers. Dans ce cas et pour des raisons de sécurité, l’employeur peut l’interdire en s’appuyant, par exemple, sur les dispositions du règlement intérieur.
En l’absence de dispositions réglementaires, il peut être envisagé de créer un règlement ou une charte d’utilisation des parcelles de terre mis à disposition. Ce texte aurait pour avantage d’organiser précisément cette pratique en fixant clairement les horaires d’accès aux parcelles, l’accès aux tiers, le rangement des outils ou encore la restitution des terres en cas de rupture du contrat.
La mise à disposition de parcelles de terre étant amené à se développer dans les années à venir, il est certain qu’une réglementation va très vite s’avérer indispensable.